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À vos nouveaux ordres !

 

À l’orgue de Saint-André de l’Europe (Paris 8) le 17 mai 2025. Photo : Bertrand Ferrier.

 

Cette nouvelle improvisation du samedi soir s’enroule autour de l’Évangile où Jésus déclare à ses disciples : « Je vous donne un commandement nouveau », avec cette bizarrerie que « Aimez-vous les uns les autres » paraît un projet éculé quoique rarement suivi. La musique prend acte de cette bizarrerie et la plonge dans un contexte humain qui n’est pas propre à l’époque christique !
Aussi le début évoque-t-il les habitudes sociales d’entente sinon cordiale, du moins correcte, avec les bisbilles dissonantes qui rendent la vie plus sapide quand elles ne la submergent pas au point de la rendre indigeste. Ce constat liminaire d’intentions calmes et presque paresseuses se refuse à l’univocité. Tantôt, il est porté par la fraternité évoquée par un large registre ; tantôt, il se révèle traversé de désirs plus troubles ensuquant l’orgue dans les profondeurs de l’orgue. Le nouveau commandement semble alors mettre tout le monde sur la voie de l’accord parfait, comme s’il essayait d’infuser chez chacun. Le graal se révèle cependant difficile à trouver, et les vieilles habitudes évoquées dans l’incipit persistent dans le grave du clavier et à la pédale.
Elles menacent l’espérance portée par un commandement fraternel, mais celui-ci, habité par la solennité du Verbe, finit par triompher. Pour les uns, ce triomphe sera une vue de l’esprit ; pour d’autres, un but à atteindre dans la prière et dans le monde. L’improvisation ne tranche pas : elle raconte une histoire que chaque auditeur est libre de s’approprier selon sa foi ou sa non-foi !

 

[embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=lAaqS4PejDE[/embedyt]

 

 

Le Seigneur est pont perché

 

Photo : Bertrand Ferrier.

 

Pour la messe anticipée du dimanche du bon pasteur, dans le cadre des improvisations couronnant les messes du samedi soir, j’ai choisi un thème bien connu des paroissiens : la plus classique mise en musique du psaume 22 en suivant les ondulations du texte.

  • Une première partie chante la confiance et la joie que procure – parfois – le sentiment de sécurité inaltérable sans, pour autant, annuler l’existence de la peur donc du doute qui rôdent – ce s’rait trop simple ;
  • la deuxième, plus intériorisée, tente de mettre à distance la peur des « ravins de la mort » et la colère des « ennemis » ;
  • la troisième, comme si elle avait assez mastiqué le mantra du riff pour faire corps avec une espérance irréfragable, retrouve la force irradiante de la confiance dans la puissance, la générosité et l’attention du Seigneur, à la foi(s) pendant « les jours de ma vie » et pendant « la durée de mes jours », c’est-à-dire après ma mort.

Ainsi le bon berger devient-il un pont perché,

  • protecteur qui survole les tumultes,
  • guide qui permet d’avancer malgré les torrents, et
  • passerelle entre les deux rives de l’existence.

En musique, avec un orgue dont les jeux d’anche attendaient impatiemment, certes, le jour du bon facteur pour être accordés, ça donne ça.

 

[embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=qEoIQzDumN0&live=1[/embedyt]

 

Éloge du miracle piscicole

Le 3 mai 2025, dans l’orgue de l’église Saint-André de l’Europe (Paris 8). Photo : Bertrand Ferrier.

 

Dans la série des improvisations pour la sortie de la messe du samedi soir, voici l’épisode inspiré de l’Évangile du quatrième dimanche de Pâques, année C, évoquant la pêche miraculeuse. L’orgue se propose de faire écho à trois aspects du récit :

  • la surabondance,
  • son côté inattendu et
  • la peur qu’une telle abondance suscite.

Quand les filets se remplissent, soudain, trop

  • de notes,
  • de décibels,
  • de largeur de tessiture :

toute tentative d’apaisement du palpitant est vaine tant le miracle est

  • saisissant,
  • envahissant et
  • paniquant.

C’est cette histoire symbolique que l’instrument de l’Église porte lors de l’office anticipé du 3 mai 2025, et ça donne ce qu’en a saisi la vidéo infra.

 

[embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=ijpereEM4jk&live=1[/embedyt]

 

À la recherche de la miséricorde

En l’église Saint-André de l’Europe, le 26 avril 2025, pendant l’homélie du P. Pacôme. Photo : Bertrand Ferrier

 

Dans le cadre des « improvisations pour la sortie des messes du samedi soir », l’épisode du dimanche de la divine miséricorde s’est inspiré de l’homélie du jour pour interroger le rapport entre péché et, tiens donc, miséricorde en tournant autour des idées de faute (ici incarnée de manière sonore par diverses dissonances) versus la rédemption (qui passerait par le retour à une musique plus tonale). Les deux tentations – celles de l’énigmaticité harmonique et de la tonalité bienséante – parcourent donc la proposition ci-d’sous !

 

[embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=hKGXqm5fsnk&live=1[/embedyt]

 

Giovanni Panzeca et alii jouent Boulanger, Gerber et Schulé (Cascavelle) – 6/6

Première du disque

 

Pas le plus connu des compositeurs au programme de ce disque (le titre reviendrait à la matriarche, Nadia Boulanger), le physicien Bernard Schulé a pourtant eu une jolie carrière musicale. Élève de Paul Dukas – comme René Gerber, héros de la platine – à l’ENM, remplaçant de « Mademoiselle » qui a aussi été la prof de René Gerber, il lui est arrivé de remplacer « régulièrement » Charles Tournemire à Sainte-Clotilde et a même fréquenté des cadors de la pointure d’un

  • Jean Françaix,
  • Arthur Honegger,
  • Aaron Copland ou
  • Sergueï Prokofiev,

rappelle Claude Delley dans la partie du livret en rapport. Ce sont ses Métamorphoses sur un air ancien op. 51 pour orgue seul qui concluent le disque vivifiant proposé autour de l’orgue et de René Gerber par Giovanni Panzeca et ses collègues – nous l’écoutons à l’aveugle. L’énoncé du thème s’effectue

  • en solennité,
  • en duo et
  • sur les pleins jeux,

autour d’une harmonisation riche et frottant joyeusement contre l’idée d’un « air ancien ». D’abord claudicant, le début des variations se cherche une stabilité entre

  • monodie,
  • questions-réponses et
  • mutations
    • de registres (hauteurs du son),
    • de registrations (type de jeux engagés) et
    • d’intensités (niveau du son).

Bernard Schublé y offre à l’interprète l’occasion de briller tout en intrigant l’auditeur grâce

  • au suspense créé par le subtil déséquilibre de certains segments,
  • à l’exploitation d’un large spectre de l’instrument, et
  • à la variété des techniques employées
    • (solo + accompagnement,
    • unisson rugueux,
    • rôle de la pédale, entre
      • lead grave,
      • collègue de discussion et
      • assise profonde).

Après la leçon d’harmonie, la fugue centrale ajoute une couche savante à la marque « with Nadia Boulanger inside ». Giovanni Panzeca y séduit

  • en adoptant une allure décidée qui embarque le mélomane dans l’aventure,
  • en démontrant un grand sens de la respiration adaptée à l’acoustique, et
  • en témoignant d’une savoureuse envie de profiter des rythmes pointés pour énergiser la fugue, exercice de style souvent brillant mais parfois un rien guindé.

 

[embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=Xjq20uZSnXQ[/embedyt]

 

Le contraste avec la variation suivante, plongée dans les ténèbres d’une basse tamisée, saisit ; et ce saisissement se révèle être une habile mise en place d’un splendide trio centré sur les fonds. Il se confirme que, fors les caricatures donc les exceptions, l’avantage d’un compositeur organiste est que, quand il écrit pour l’instrument qu’il connaît, il a quelques notions de ce qui « marche » et de ce qui ne « marche » pas même si, sur le papier, ce serait tout à fait croquignolesque. En l’espèce, la double maîtrise de Bernard Schulé – orgue et composition – contribue à l’intérêt de l’affaire, avec

  • ses contrastes vifs
  • ses tuilages de style ou de nuances, et
  • sa large palette de variations, qu’elles soient
    • horizontales (travail sur la mélodie),
    • verticales (travail sur l’harmonisation) ou
    • entrelacées, à travers, notamment,
      • la désintégration liminaire du motif,
      • la paraphrase,
      • le fugato central et
      • le crescendo final filant avec une pompe très organistique vers le plenum.

Giovanni Panzeca fait honneur à cette science et réjouit l’auditeur qui découvre pour la première fois la musique, troussée avec grâce et maîtrise, par un compositeur plutôt rare – a minima sur les tribunes françaises, hélas trop souvent engoncées dans un enchaînement-type

  • un compositeur star de l’époque baroque,
  • un compositeur romantique ou post-romantique dont tout le monde (c’est-à-dire l’ensemble des chalands potentiels, ce qui ne sature pas, hélas, l’intégralité de l’humanité) connaît le nom, et
  • de la musique un peu plus récente, entre Duruflé et Escaich (du moment que le créateur est perçu comme bankable),

principe propre sur soi, certes, mais tellement cliché – en anglais dans le texte – qu’il donne envie de bailler ou de ne surtout pas aller à un concert « d’autant que, dans cette église, on est très mal assis », attitude communément retenue par tant de ceux qui se gargarisent de leur adooooooration de l’orgue mais ne foutraient les pieds à un récital pour rien au monde.
À l’opposé, cette fin vivifiante et très intéressante conclut un disque parfois imparfait, selon nous, mais souvent fort captivant. D’ici à ce que les vents tournent et élargissent le répertoire programmé en live,

  • pour écouter gratuitement le disque, c’est ici ;
  • pour l’acheter moins gratuitement, c’est par exemple .

 

Vincent Rigot, église Saint-Eugène, 20 avril 2025

Vincent Rigot à la tribune de Saint-Eugène-Sainte-Cécile (Paris 9), le 20 avril 2025. Photo : Bertrand Ferrier.

 

L’ex-nouveau titulaire de Saint-Eugène-Sainte-Cécile (Paris 9) prend ses marques en tribune. Après son premier récital de Noël, il profite du mille neuf cent quatre-vingt-onzième environ anniversaire de la résurrection du Christ pour claquer son premier récital de Pâques dans une paroisse soucieuse de musique mais convaincue qu’un concert souille le lieu sacré qui l’abriterait. Va donc pour un « concert spirituel » puisqu’il nous donne l’occasion d’entendre à nouveau un orgue et un organiste de haute volée. Le contexte de grands messes nous vaut une église où l’encens brouillarde l’espace comme le chichon le bus de tournée d’un groupe de reggae. La forte concurrence se fait aussi sentir dans la fréquentation : de nombreux organistes parisiens donnent concert cette après-midi, de Karol Mossakowski (Saint-Sulpice) à Baptiste-Florian Marle-Ouvrard (Saint-Eustache), en passant par l’indéboulonnable Marie-Agnès Grall-Menet (Saint-Nicolas), liste non exhaustive. Cependant, d’autres organistes ont choisi d’assister, avec des mélomanes non pratiquants, à ce concert précisément, rendant hommage à un interprète d’exception certes moins invité à la Philharmonie que le seul organiste de France, mais qui ne lui cède en rien en termes de savoir-ploum-ploumer.
L’affaire s’ouvre par la scie du moment, un offertoire de Nicolas Lebègue sur « O filii et filiae ». On y apprécie

  • des attaques et un caractère décidés,
  • un soin singulier apporté à l’ornementation, ainsi que
  • la compacité de la registration, entre forte et fortissimo, ce qui renforce paradoxalement les contrastes tout en préservant l’unité de ton.

Le tube que sont les « Fantaisie et fugue » d’Alexandre-Pierre-François Boëly est engagé sur un tempo allant, en dépit du nombre de notes au programme.

  • Les doigts sont déliés,
  • les phrasés sont nets,
  • le choix des sonorités est guidé par une simplicité apparente qui n’est jamais anémie
    • (contrastes,
    • jeux de détail,
    • épaisseur des basses superbes).

L’ensemble est porté par un agencement de plans sonores aussi astucieux que convaincant. Un second offertoire sur « O filii et filiae », du rare François-Joseph Benaut, celui-ci, se glisse alors sur la forme canonique du thème-et-variations. Vincent Rigot y déploie notamment

  • d’habiles changements de sonorités (plaisir attendu de l’exercice varié),
  • une tonicité à même de faire presque oublier la justesse des anches, parfois facétieuse, et
  • un art consommé de poser des effets d’attente dans les passages chromatisants.

 

L’orgue de Saint-Eugène-Sainte-Cécile (Paris 9) après la bataille. Photo : Bertrand Ferrier.

 

L’Agitato op. 174 n°5 de Josef Rheinberger, avec son titre à faire trembler les pasteurs craignant de distiller le désordre par la musique, tient sa promesse dès le début. Il y a

  • de la virulence,
  • des à-coups et
  • une surabondance de notes permettant à l’interprète de rentabiliser sa sémillante virtuosité digitale.

Derrière le tohu-bohu apparaissent

  • des trouvailles harmoniques très rheinbergériennes,
  • un motorisme réjouissant et
  • une façon de nuancer très efficace.

Musicien de l’église épiscopale mort en 1964, Frederick Candlyn a griffonné un prélude pascal sur « O filii et filiae ». C’est aussi pour ces embardées submergeant la faible inventivité des programmes d’organistes français que l’on aime venir ouïr Vincent Rigot ! Dans un style postromantique, le compositeur glisse une fugue dans un prélude qui, par-delà un rigorisme suranné un brin pesant, séduit par

  • la constance de l’inspiration,
  • les changements de couleur proposés, et
  • la coda habilement – quoique conventionnellement – triomphante.

Après les rares Benaut et Candlyn, l’organiste ne néglige pas les monuments qui balisent le répertoire en osant une bien connue Pièce héroïque de César Franck. L’orgue semble taillé sur mesure pour cette pièce ambitieuse, d’autant que l’instrumentiste a trouvé le bon tempo : pas trop lent parce que, sinon, c’est chpoufi-chpoufa ; pas trop prompt, sinon, le son devient gloubi-boulga (pardon pour les non-experts en musicologie qui sont sans doute impressionnés par ces termes techniques tout à fait communs dans notre art). La deuxième partie est

  • éclairée avec soin,
  • jouée avec maîtrise,
  • nuancée avec goût.

La solennité du finale met en valeur

  • la richesse de l’orgue de Saint-Eugène-Sainte-Cécile,
  • la qualité de l’acoustique de l’église, et
  • la musicalité de l’interprète.

Un récital

  • malin,
  • intéressant et
  • joué avec une maestria qui n’oublie jamais d’être musicale.

Vivement Noël !

 

Giovanni Panzeca et alii jouent Boulanger, Gerber et Schulé (Cascavelle) – 5/6

Première du disque

 

Pour conclure le récital René Gerber, au cœur de son nouveau disque, Giovanni Panzeca a choisi le Triptyque pour orgue, qui s’ouvre sur une pastorale, avec anche et trémolo. Le tempo est allant, la mélodie qui circule du grave au médium clairement caractérisée. L’organiste fait vibrer la musique en

  • actionnant la boîte expressive (qui permet de pratiquer crescendo et decrescendo),
  • soignant les couleurs de sa registration, et
  • en prêtant l’attention requise à l’acoustique pour éviter les effets de floutage.

Même si la personnalisation de la partition est perceptible (à 1’07 et à 4’05, par exemple, on soupçonne la coupure du mi de la pédale avant le passage en ternaire d’avoir été introduite moins pour laisser s’évaporer le son que pour faciliter d’éventuels montages, même si cette astuce annihile la liaison voulue par le compositeur entre ces deux pulsations – de même à 4’55 pour le passage de trois à quatre temps), la juxtaposition d’atmosphères sied à l’orgue Tamburini choisi pour l’enregistrement – un instrument de relativement petite taille, néanmoins à l’aise dans

  • les trios,
  • les fonds et
  • les fanfares,

et parfaitement adapté à ce répertoire. En permettant de colorer les multiples

  • explorations,
  • reformulations et
  • modulations

du thème matriciel, l’orgue met en valeur le travail sérieux de l’interprète, qui s’exprime tant dans sa restitution d’une partition loin d’être aussi simple à jouer qu’elle est fluide à écouter, que dans sa créativité dans le respect (ou non) des indications du compositeur relatives aux tempi (le ritendo et le passage à une battue modérée à 7’07 sont par exemple allègrement enjambés) : infidélité n’est pas toujours faute de goût !

 

[embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=IUayIyxhwvU[/embedyt]

 

Fidèle à sa patte, René Gerber substitue

  • au développement le remâchonnement (et hop),
  • au déploiement la mutation, et
  • à la geste narrative l’obstination permettant de réinventer l’identique jusqu’à le rendre méconnaissable donc palpitant à écouter au long des 7’30 de la composition.

S’insère alors une brève musette sur B-A-C-H. Il s’agit d’un trio où

  • la main droite divague gentiment autour
  • de blanches décalées à la pédale et
  • du motif matriciel, obstinément ressassé à l’anche de la main gauche (certes, René Gerber exigeait un hautbois à l’autre main, mais l’adaptation aux spécificités de l’orgue ici capté se peut défendre car, à l’écoute, cela fonctionne très bien).

La fonction d’interlude de cette miniature souligne le caractère construit de ce triptyque, où les pièces semblent se répondre les unes aux autres. Ce n’est pas une raison pour en savonner l’exécution, et Giovanni Panzeca s’en garde bien, qui ajoute même à 1’11 un solide ritendo à l’orée de la dernière reprise du contrechant liminaire.
Le cycle se conclut par une « Fête » en Si. Une curiosité : le livret propose l’incipit de la partition de l’allegro assai. Dès lors, l’on ne peut que s’étonner de la liberté avec laquelle l’organiste traite le texte – ainsi des quatre premières mesures de la pédale, qui s’éloignent sans fard de la rythmique mentionnée par le texte. Ce serait peut-être rédhibitoire en configuration d’examen ou de concours. Or, ça tombe bien, les circonstances sont autres et donnent plutôt l’intuition d’un musicien cherchant à interpréter le texte plutôt qu’à l’ânonner dans une lecture fade. Gardons-nous donc d’adopter une posture de clergyman guindé afin de mieux profiter de cette toccata de René Gerber çà et là librement redécorée par la fantaisie de Giovanni Panzeca. De la sorte, nous nous gobergerons davantage

  • de l’énergie du fortissimo,
  • de l’envie d’avancer dont témoignent le tempo et les modulations nourrissant le propos, ainsi que
  • de la tonicité transmise par l’agencement entre
    • le thème à la pédale,
    • le motorisme de la main gauche et
    • les commentaires de la main droite.

 

[embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=WrNyRgSZOgc[/embedyt]

 

La seconde partie s’ouvre sur ce qui s’apparente un temps à une volée de cloches manualiter. René Gerber semble s’amuser de la plasticité de son thème dont il varie

  • la tonalité,
  • les accompagnements et jusqu’à
  • la rythmique, bientôt suspendue pour préparer le retour du thème premier à la pédale.

Giovanni Panzeca interprète avec une vitalité bienvenue – dont témoigne la liberté dont il fait preuve pour intensifier le dynamisme, comme cette énergisation de la main droite à 1′, pour la conclusion de la première partie – cet hymne à la joie auréolé d’une coda solennelle non dénuée de la surprise qui va bien (avant-dernier accord). Les limites d’un clavier d’orgue expliquent la non-octaviation à 1’44 (en fonction des instruments, une octaviation par une registration appropriée pourrait être envisagée) ; en revanche, à 3’07, les octaviations des deux premières mesures à trilles (sol# de l’une, fa# de l’autre) ont plus à voir avec l’enthousiasme de l’interprète en plein finale qu’avec les contraintes techniques de l’orgue !
Autant de signes que nous avons affaire à une interprétation tonique et joyeuse, ce qui n’est pas tout à fait pour nous déplaire… et ce qui
suscite la curiosité pour la dernière piste du disque, promettant les Métamorphoses sur un air ancien, id est l’opus 51 de Bernard Schulé. Nous la chroniquerons prochainement. D’ici là,

  • pour écouter gratuitement le disque, c’est ici ;
  • pour l’acheter moins gratuitement, c’est par exemple .

À suivre !

Avec tambour et trompette

Pâques avec tambour et trompette à Saint-André de l’Europe (Paris 8). Photo : Bertrand Ferrier.

 

Dans la série des « improvisations du samedi soir », impossible de capter pendant la vigile pascale. C’est star, donc ce sont les jeunes au bongo et au saxophone qui donnent le la. Hors de question que l’orgue – interprète ou créatif – ait le moindre espace, tsss, tsss. Mécréants ! Heureusement, comme lesdits jeunes – concept forcément relatif – ont bien picolé toute la sainte nuit ou ont rendez-vous dans leur belle-famille voire « dans les territoires » avec papou et mamoune, le dimanche de Pâques, ils ne sont plus en état de.
Donc, en dialogue avec le curé, l’orgue, instrument de l’Église, reprend un instant sa place. Dans cette perspective, la présente improvisation sur « O filii et filiae », captée au matin du dimanche de Pâques, s’inspire de quatre problématiques :

  • évoquer l’inéluctable résurrection, à laquelle se réfère le rythme syncopé et presque impitoyable du boléro ;
  • convoquer le côté incompréhensible de la chose dont les premières victimes furent les apôtres (ce qu’attestent les lectures du jour) et qu’accompagnent les achoppements du rythme ;
  • manifester la recherche d’un espoir, qu’il soit croyant ou froncé des sourcils à cause de l’impossibilité de l’espoir, espoir que tentent de figurer les modulations dégingandées et l’atonalité sporadique ; et
  • offrir d’intégrer (ou de désintégrer) l’idée de résurrection par chacun, ce qu’incarnent le decrescendo résolu et le brouhaha qui l’accueille.

Bonne écoute et gracias aux curieux.

 

[embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=FO1zQSECGc0&live=1[/embedyt]

 

Giovanni Panzeca et alii jouent Boulanger, Gerber et Schulé (Cascavelle) – 4/6

Première du disque

 

Pour la seconde partie de notre chronique du disque fomenté par Giovanni Panzeca, nous renonçons à suivre la musique avec la partition pour profiter d’une autre écoute, moins tatillonne et peut-être plus ancrée dans l’expérience sonore. Au programme ce jour, deux pièces pour orgue et cuivre. La première est une Fête pour deux trompettes, deux trombones et orgue, initialement fagotée pour « une messe télévisée à la basilique Notre-Dame de Neuchâtel » mais livrée trop tard par René Gerber. Elle s’ouvre par une fanfare des cuivres à laquelle s’associe l’orgue sur les pleins jeux. On y retrouve la patte gerbérique :

  • clarté de la ligne mélodique,
  • simplicité puis enrichissement de l’harmonie, et
  • inclination à se concentrer sur des motifs plutôt que de délayer le discours en tournoyant autour du pot.

Les interprètes ont l’habileté de jouer avec la résonance de l’église afin d’éviter la confusion des sons. Le soin apporté

  • aux nuances,
  • à la synchronisation et
  • aux phrasés

porte cette pièce qui ne cache nullement son désir d’exprimer

  • grandeur,
  • faste et
  • solennité.

 

[embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=8M8d266vQQc[/embedyt]

 

La capacité du compositeur à broder 7’40 de musique malgré

  • les contraintes d’un genre (la pièce de circonstance),
  • la nécessité d’intelligibilité et d’accessibilité du propos, ainsi que
  • l’importance de l’identification des motifs par l’auditeur qui n’est pas venu au concert

passe par son habileté à exploiter

  • la richesse des sonorités du quintette (à cinq, à quatre, à deux cuivres aigus contre deux graves, etc.),
  • l’insertion sporadique de quelques audaces harmoniques qui croustillent d’autant plus qu’elles sont enveloppées dans un esprit de fanfare nullement dévoyé (importance du refrain), et
  • le surgissement d’astuces bienvenues
    • (arrivée d’une modulation,
    • brusque et provisoire changement de caractère,
    • utilisation des nuances piano pour mieux valoriser les fortissimi).

Nous retrouverons une fête à la fin du Triptyque pour orgue que nous écouterons dans une prochaine notule. D’ici là nous est proposée une Pavane pour trois trompettes et orgue, projet assez curieux puisque seuls deux trompettistes – Mattia Gallo et Maura Pavese – sont crédités. Cette danse de couple a été composée pour un mariage et s’ouvre, comme Fête par une sonnerie des cuivres sans orgue. La partition s’amuse à proposer

  • des dilatations sonores (tutti fortissimo),
  • des contractions (unissons, dialogue entre une trompette et l’orgue, orgue à découvert pour conserver la pulsation rythmique) et
  • d’élégants effets de nuances (decrescendo et crescendo).

 

[embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=0gHzKwFzC5c[/embedyt]

 

En dépit d’un montage perfectible (on sursaute à 1’58, à 2’45 et à 4’36, par ex., mais gérer une telle pâte sonore dans une acoustique réverbérée doit être mission presque impossible !), on se laisse volontiers emporter par

  • le balancement perpétuel de la danse,
  • les facéties harmoniques dont René Gerber pimente son texte, ainsi que par
  • les diastoles et systoles des intensités.

Prochaine étape : le Triptyque pour orgue qui clôt la partie René Gerber du programme. D’ici là,

  • pour écouter gratuitement le disque, c’est ici ;
  • pour l’acheter moins gratuitement, c’est par exemple .

À suivre !

Giovanni Panzeca et alii jouent Boulanger, Gerber et Schulé (Cascavelle) – 3/6

Première du disque

 

Il n’est pas si fréquent qu’écouter un disque nous permette d’enrichir notre vocabulaire. Étalons donc nos limites comme de la confiture mais sans en faire des tartines pour autant, et avouons-le tout rond : nous ignorions qu’un poème composé à l’occasion d’un mariage s’appelle un épithalame. C’est aussi le titre de l’œuvre pour flûte et orgue manualiter (parfois renforcé par une basse ajoutée à la pédale par l’interprète) avec laquelle Giovanni Panzeca & friends ont choisi d’ouvrir leur récital René Gerber.

  • Le balancement du 6/8,
  • l’allant expressif de la flûte soufflée par Elisa Gremmo,
  • l’inventivité discrète de l’harmonie

happent l’oreille d’entrée. Avec métier, le compositeur tâche de ne plus la lâcher en usant

  • de contrastes d’intensités,
  • d’alternance entre le lead de la flûte et de brefs interlude à l’orgue seul,
  • de déclinaisons modulantes, ainsi que
  • de questions-réponses et d’échos.

 

[embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=xhJnXmzNdMM[/embedyt]

 

Le charme naît de cette simplicité qu’érige souvent René Gerber en étendard par opposition à maints de ses collègues confondant la musique avec une exigence absolue

  • de virtuosité échevelée,
  • de complexité effarante et
  • de crissements crispants qui visent à libérer la musique de la tonalité aussi finement qu’une hystérique woke attablée devant un soft équitable et bio déblatère contre la pensée structurellement
    • colonialiste,
    • raciste,
    • discriminatoire,
    • sexiste,
    • genrée et
    • homophobe de la langue française.

S’ensuit Le Tombeau de Nicolas de Grigny, une tétralogie pour violon, trompette et orgue (Georges Migot avait composé en 1933 une pièce pour orgue seul portant le même titre). L’affaire s’ouvre avec une lente sarabande en Fa. Comme pour contrebalancer la pesanteur funèbre des accords répétés de l’orgue, Anaïs Drago octavie doublement son premier pizzicato – il est vrai que l’orgue donne lui-même l’impression de jouer une octave plus haut. Malgré la personnalisation de la partition,

  • la chaleur de la trompette (qui, certes, rend peu perceptible la répétition du ré bémol aigu),
  • le phrasé vibrant du violon,
  • l’obstination de l’orgue et
  • l’élégance de l’harmonisation

flattent l’écoute. Miniature encore plus mini, la comptine en Si bémol se joue « allegretto » et s’élance manualiter grâce à l’orgue. C’est une danse mimi tout plein, animée par le motorisme

  • des notes répétées,
  • des échanges entre les deux instruments solistes et
  • du riff confié au clavier.

 

[embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=gtLpOxdMyLk[/embedyt]

 

La berceuse en la mineur et en 6/8 sourdine les deux solistes, bien que la trompette sonne toujours aussi clair. Le dialogue est arbitré par l’orgue manualiter. Alors que la partition est accessible à un élève de premier cycle, on regrette que Giovanni Panzeca commette une faute d’attention dans son premier solo (le premier accord part nettement en retard). Néanmoins, chipotage mis à part, on ne peut pas ne pas frétiller devant

  • les interversions de rôle,
  • la fusion orgue et trompette dans l’accompagnement,
  • la qualité du phrasé de la violoniste qui profite à plein de l’acoustique généreuse captée par Gianni Comoglio,
  • la gourmandise coupable de la tierce picarde fièrement brandie par le cuivre en fin de bal, et
  • les qualités de la partition (simplicité, lisibilité, harmonie).

La ronde conclusive est un presto en Fa à deux temps. S’il débute sur une faiblesse de montage (il semble que la prise précédente résonne encore au début de la piste), sa manière de mêler

  • joie populaire,
  • apport de la composition classique qui ne masque jamais l’énergie originale de la pièce,
  • finesse des nuances et
  • fin étrange, associant
    • cadences,
    • suspense et
    • résolution

séduit.

 

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Il faut donc supposer que c’est pour augmenter l’expressivité de la partition que les interprètes se l’approprient avec des libertés notables telles que

  • l’octaviation,
  • l’ajout de basse, et
  • l’absence de sourdine à la trompette pour le finale.

Le résultat n’est peut-être pas toujours littéral, mais il propose un tombeau fort réjouissant… donnant d’autant plus hâte de découvrir la « Fête pour deux trompettes, deux trombones et orgue » qui nous attend pour la prochaine notule. En attendant,

  • pour écouter gratuitement le disque, c’est ici ;
  • pour l’acheter moins gratuitement, c’est par exemple .

À suivre !