Éclats de rires divins, deuxième série : le rire qui console – 1/4

Collégiale de Montmorency à la nuit tombante, le 21 juin 2025. Photo : Rozenn Douerin.

Pour conclure le récital sur Le Rire de Dieu, donné en la collégiale de Montmorency le 21 juin 2025, j’avais choisi d’improviser une symphonie bigarrée « autour de quatre rires de Dieu ». Le premier mouvement, intitulé « Le rire qui console », évoque une « note sur le rire » de Marcel Pagnol, selon laquelle « Dieu a donné aux hommes le rire pour les consoler d’être intelligents ». Bien que cette consolation ne soit guère utile à une grande partie de l’humanité, la punchline explore avantageusement le désarroi lié à la lucidité et l’abîme qu’il ouvre dans l’esprit de celui qui le vit. J’aime bien l’idée

  • que le rire n’est pas réductible à la joie ;
  • qu’une métaphysique du rire est nécessaire, d’autant plus que « métaphysique du rire » ressemble à un oxymoron tant le rire, aussi bienfaiteur soit-il, est souvent lié à l’éphémère et au futile, pas au transcendantal – or, un oxymoron, c’est rigolo ;
  • que le rire est moins un cadeau de Dieu qu’une compensation offerte par le mythique big boss à sa créature afin de pallier les inconvénients de sa capacité à réfléchir, même si moult individus semblent avoir de la peine à se souvenir de ce superpouvoir.

L’improvisation s’ouvre donc sur une claudication qui évoque le désarroi métaphysique considéré ab initio non comme un gouffre abyssal mais comme

  • un petit truc qui cloche,
  • une écorchure dans l’évidence,
  • une très frêle fêlure relevée sur le mur des certitudes.

Cette découverte

  • résonne,
  • se déforme,
  • revient à la charge

façon envie de gratter une croûte qui fait mal : on sait que ça va saigner, mais impossible de s’en empêcher. La petite musique du doute et de l’incompréhension

  • s’harmonise,
  • se colore différemment,
  • s’amplifie peu à peu puis
  • semble, ô folie, chercher une explication à la bizarrerie du monde.

Résultat ? La question posée par l’observation devient obsédante, façon sparadrap du capitaine Haddock. Aucun angle, aucun plan sonore de l’orgue ne semble en mesure d’apaiser l’angoisse qui monte.

  • Les saccades liminaires deviennent les éclats d’un rire nerveux.
  • Les rares interstices plus calmes ne sont qu’attente du prochain éclat dont l’intelligence a besoin.
  • L’explosion finale laisse entendre un rire puissant dont la vocation consolatrice n’épuise pas la féroce inquiétude que l’intelligence sait souvent distiller.

Laissons cette inquiétude aux gens intelligents, s’ils existent, et, pour eux comme pour les autres, ainsi que chantait Ben Sidran, let’s turn to the music !

 

 

Blog