« Face à l’obscurantisme woke », Emmanuelle Hénin et alii (PUF) – 14

Première de couverture (détail)

 

Le wokisme ne se contente pas de dénoncer la domination du mâle cisgenre blanc pour la « déconstruire » et obtenir des sous pour sa paroisse. Il construit aussi un pôle du Bien, qui s’attache à valoriser ce qui se distingue ou subvertit

  • des valeurs,
  • des codes ou
  • des références

de l’Ennemi. Dans son compte-rendu – publié dans Le Monde, 22-23 juin 2025, p. 25 – du concert donné (contre 60 à 277 €) par Beyoncé au Stade de France, le 19 juin 2025, Stéphane Davet développait clairement une hiérarchisation culturelle de la construction associée à la déconstruction suivant trois axes.

  • Tout ce qui est lié à la culture occidentale blanche doit être honni ;
  • tout ce qui est lié aux cultures africaines et, si possible (mais l’union des deux n’est pas si facile) homosexuelles est bel et bon ;
  • si ce qu’il reste de la culture occidentale peut être subverti par ces nouvelles valeurs, le résultat n’en est que meilleur.

Ainsi, le public francilien, profitant de ce que le dernier disque en date de la vedette est countrysant, s’est rendu au concert avec « Stetson et santiags » mais « avec ce qu’il faut de paillettes, de détournements afro et queer pour coller au message porté par Cowboy Carter ». Ce disque a permis à Beyoncé de devenir « la première artiste afro-américaine [surtout ne pas écrire « Noire »] » à prendre la tête des ventes de disques country. Son spectacle inclut « Blackbird », titre composé par Paul McCartney pour les Beatles, pour lequel « Beyoncé (…) rappelle que cette mélodie folk fut inspirée par la militante radicale Angela Davis ». Sur les écrans défilent « des images de pionniers noirs du rock’n’roll ». La noirification de la musique est d’autant plus importante que, « si l’histoire du rock est souvent phagocytée par les artistes blancs [rappel : c’est mal, d’être Blanc], que dire de la country ? »
Pour rendre cette musique acceptable, « Beyoncé Knowles-Carter veut en revendiquer les racines noires » afin de « célébrer sa puissance charnelle, communautaire, matriarcale et spirituelle ». On note ainsi comment sont opposés deux pôles :

  • celui des Blancs cisgenres,
    • voleurs,
    • profiteurs et
    • exploiteurs ; et
  • celui
    • des Noirs,
    • des homosexuels et
    • des femmes,

dans un gloubi-boulga communautaire et intersectionnel dont les codes doivent désormais subjuguer non parce qu’ils sont intéressants, novateurs ou séduisants, mais parce que, wokocompatibles, ils sont envisagés comme des outils pour déconstruire et éradiquer le Mal, c’est-à-dire le Blanc et sa culture.
Dans Face à l’obscurantisme woke (PUF), ouvrage collectif publié sous la direction d’Emmanuelle Hénin et alii, Guylain Chevrier, docteur en Histoire, dénonce « l’enterrement de l’égalité » lié au passage « de l’intersectionnalité au multiculturalisme ». Il rappelle la définition du wokisme par l’Oxford English Dictionary (« le fait d’être conscient des problèmes sociaux et politiques, notamment du racisme ») pour pointer la généralisation d’un « schéma idéologique qui voit tout par

  • le prisme identitaire,
  • un rapport dominants/dominés, et
  • des communautés opprimées telles que LGBTQIA+, femmes, Noirs, musulmans, etc. »

Le triptyque vertébral du wokisme associerait des envies de

  • « régler les comptes » avec le passé, c’est-à-dire réécrire l’Histoire et en tirer des indemnités
    • sonnantes,
    • trébuchantes et, accessoirement,
    • symboliques ;
  • remettre en cause (voire modifier) la réalité biologique des individus, et
  • renverser ce qui est perçu comme un « système de domination généralisé ».

Insidieusement, la posture woke se révèle être un chiasme qui transforme « la revendication d’un droit à la différence à la différence des droits », quitte à confondre choux et carottes dans un même pot-au-feu explosif (« on peut douter, note l’auteur avec pertinence, que, à l’issue de ce combat intersectionnel en faveur des minorités, les néo-féministes LGBTQIA+ fassent demain bon ménage avec des religieux radicaux pétris de patriarcat »).

  • La sacralisation du ressenti victimaire,
  • l’écrasement de la réalité – historique et actuelle – au nom de l’obsession coloniale,
  • la conviction que le système politico-culturel est entièrement, globalement et exclusivement raciste

font fi des chiffres constatables en ressassant la rengaine qui identifie l’homme blanc au mal.
Dès lors, Guylain Chevrier voit le courant woke comme « un contre-projet de société qui ne dit pas son nom ». Selon lui, le multicommunautarisme, souvent intéressé par l’obtention de « réparations » d’autant plus substantielles qu’elles ne seront jamais jugées suffisantes, tend à morceler la République en fédérant des victimes contre un supposé ennemi commun.
En conclusion, on regrette que, à plusieurs reprises, l’article ressemble à un commentaire critique d’un dossier de Philosophie magazine (citer cet organe de presse n’est point infamant ; expliquer Frantz Fanon en se fondant sur la seule citation dudit magazine est un peu léger) associé à une litanie d’éléments de langage antiwokes dont

  • l’articulation,
  • la progression logique, donc
  • la singularité

ne nous sont pas apparues avec netteté. Ce n’est pas inintéressant, mais pas non plus assez

  • exigeant,
  • précis et
  • original

pour nous emballer – il n’est certes pas sûr que ce but-ci en vaille la chandelle, admettons-le. Le prochain chapitre, constitué par un papier de Tarik Yildiz interrogeant le rapport entre délinquance et islamisme, nous ébaubira-t-il davantage ? Réponse dans une prochaine notule. À suivre !

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