Jonathan Benichou-Rabinovitch, Mairie de Paris 8, 19 juin 2025 – 1/4

Jonathan Benichou-Rabinovitch dans les ors de la salle des mariages de la mairie du huitième arrondissement de Paris. Photo : Rozenn Douerin.

 

C’était un jour où la France chic du huitième arrondissement découvrait, horrifiée, que, en dépit de Sa Sainteté Emmanuel Ier de la Pensée complexe, à l’approche de l’été, il fait chaud, eh oui. Par prudence et enthousiasme anticipé à l’idée d’ouïr en un plein concert Jonathan Benichou-Rabinovich, entendu sur disque jadis et en concert partagé tantôt, nous avions quasiment planté notre tente mille ans voire demi-heure avant le concert pour être sûr d’avoir une place. En réalité, la concurrence était finalement assez maigre : dans le huitième et pas que, probablement, on adooore moins la musique que son confort.
Néanmoins, quiconque escompte accéder au moment tant attendu doit franchir un dernier obstacle id est le discours de l’édile, prologue impatientant des concerts de mairie. En l’espèce, Jeanne de Hauteserre semble découvrir le texte qu’elle a imprimé. L’élue

  • a été fort aimable quand j’ai fêté mes vingt ans de titulariat à un orgue sis non loin de là ;
  • a insisté pour que le mensuel municipal rédigeât une double page – catastrophiquement écrite, au point que je n’avais SURTOUT pas diffusé la nouvelle presque flatteuse sur le principe, mais, bon, ça partait d’un bon sentiment ;
  • a assisté à mon concert partagé – et à l’after – comme elle assistera à ce concert-ci aussi, ce qui n’est pas le cas de certains de ses confrères, disparaissant de la salle juste après leur dernier mot.

Elle mérite donc de ma part reconnaissance et, pour sa sensibilité aux affaires culturelles, respect. N’oublions pas que, dans l’arrondissement voisin, où l’on a pourtant créé des postes fantoches comme celui d’adjoint « à la mobilisation solidaire », nan mais sans déconner, la première adjointe est chargée de la culture et des finances, enough said. Ce nonobstant, on ne peut que constater avec étonnement que Mme de Hauteserre

  • bute sur les mots,
  • ne connaît pas le nom du concertiste,
  • hésite sur la manière de prononcer « Jonathan », et
  • délivre d’emblée une vérité d’une profondeur et d’une utilité saisissantes :

« Vous êtes là en tant que spectateur d’un concert », nous apprend-elle, comme si elle tentait de se hisser à la hauteur d’un Geoffroy Boulard présentant jadis de façon mémorable le concert de Vittorio Forte dans sa mairie du dix-septième arrondissement.

  • Erreur de délégation du discours à un stagiaire dont le niveau intellectuel avoisine l’électroencéphalogramme plat et la conscience professionnelle le zéro pointé,
  • fatigue liée à la chaleur, ou
  • manque effectif de préparation ?

Peu importe car, ce cap franchi, nous pouvons cingler vers le récital proprement dit, dont l’artiste tiendra à expliquer quelques éléments du programme pour chaque compositeur. Jean-Philippe Rameau, le premier sur la set-list, il l’a choisi pour

  • son expressivité,
  • la largeur de sa palette sonore et
  • les prémices que l’on peut entendre d’une « transformation vers la modernité harmonique ».

« Le rappel des oiseaux », extrait du deuxième livre de la Suite en mi pour clavecin, laisse deviner que se joue ce soir-là quelque chose de plus personnel, sinon de plus intime, que ce que l’exercice du concert exige le plus souvent. À sa manière très concentrée, qui associe un discours empreint d’une certaine modestie à un piano volontiers épanoui, Jonathan Benichou-Rabinovitch n’est pas là par

  • hasard,
  • erreur ou
  • obligation.

Son implication s’entend dans sa manière de pianiser, pour ainsi dire, une partition pour cordes pincées. Des « oiseaux », plus que les programmatiques pépiements et le story-telling nous invitant à imaginer un oiseleur rassemblant ses volatiles, il traduit

  • la fluidité,
  • la légèreté et
  • les modulations d’humeur

en profitant à plein de l’instrument pourtant moyen qu’il lui est donné de jouer :

  • accents,
  • pédalisation et
  • variété des phrasés

justifieraient, si l’on en doutait, ce déplacement du clavecin au piano. Issues du même recueil mais de la seconde suite (en Ré, elle), « Les tendres plaintes » confirment le goût de Rameau pour les pièces dites « de caractère ». Jonathan Benichou-Rabinovitch s’y plonge avec adresse. On savoure

  • la douceur du toucher,
  • l’élégance des contrastes entre lead et accompagnement, et
  • l’efficacité énergisante des ornements, singulièrement des trilles.

Dans « L’Égyptienne », tirée de la cinquième suite pour clavecin, l’interprète séduit par

  • l’allant,
  • la tonicité et
  • l’association saisissante qu’il cuisine entre régularité métronomique et fine agogique
    • (légers effets d’attente,
    • respirations,
    • jeu sur l’acoustique qui, en prolongeant un son, peut donner l’impression que la mesure continue après la mesure…).

Tube du compositeur, les trois danses composant « Les sauvages », prélevées dans Les Indes galantes, témoignent d’une patente volonté

  • d’avancer,
  • d’insuffler du dynamisme dans l’itération et
  • de caractériser les différents moments des motifs par, notamment, un travail précis sur
    • les nuances,
    • les touchers et
    • la façon de poser le premier temps.

Le contraste avec le langage de Franz Liszt, convoqué à présent, promet d’être saisissant. Nous nous en saisirons dès la prochaine notule sur le sujet ! À suivre…

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