Le Chaos String Quartet joue Haydn, Ligeti et Hensel (Solo Musica) – 4/4

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Première du premier disque du CSQ

 

Incandescence des paradoxes ! Pour la libérer de la tutelle de son frère Felix, le chouchou de ses parents, Fanny ne s’appelle plus Mendelssohn, de nos jours, mais Hensel, ce qui, par le fait même, la place sous la tutelle de son mari, gasp. En 1834, elle compose un quatuor en Mi bémol, par lequel le Chaos String Quartet choisit de terminer son premier disque, après un passage chez Haydn conté ici et une visite à Ligeti narrée çà et .
Un Adagio ma non troppo lance le bal sans se presser. Les partenaires, Susanne Schäfer en tête, semblent chercher le son juste en écho à ce mouvement qui paraît préluder presque librement

  • (ruptures,
  • changements de tempo,
  • silences et
  • redites méditatives)

plutôt que de développer nettement une mélodie. On y goûte

  • le travail sur les nuances personnelles et collectives,
  • la plasticité dont le quatuor fait preuve pour accompagner la partition et
  • la capacité à transformer la lenteur en réflexion,

au point de donner par moments – c’est un compliment – l’impression que la musique s’écrit à mesure qu’elle se joue. L’Allegretto en 6/8 contraste avec ce premier mouvement presque immobile.

  • Ça sautille,
  • ça la joue danse innocente puis se laisse tenter par un fugato,
  • ça passe
    • de l’archet au pizzicato,
    • du détaché au legato,
    • d’une tonalité à l’autre,
    • de l’efficacité des notes répétées au trait délié puis à la fusion des deux.

Une Romanza « molto cantabile » en sol mineur surgit alors. Les quatre interprètes sont bien calés dans un même mood, et tant pis si l’on a décidément un peu de mal avec les changements d’intensité sur une note du premier violon, surtout dans la première note des deux en deux, qui peuvent presque donner une impression peu harmonieuse de dégueulando à force d’être appuyés. Une expressivité plus convaincante sourd

  • des dialogues que Sara Marzadori, l’altiste, et Bas Jongen, le violoncelliste, nouent avec Susanne Schäffer,
  • de la capacité d’Eszter Kruchió et Bas Jongen d’investir musicalement leur rôle principal d’accompagnateurs
    • tantôt harmonisateurs,
    • tantôt suiveurs,
    • tantôt chargés du groove et de l’écho, et
  • de la maîtrise des nuances – notamment douces – et des crescendi dont fait preuve l’ensemble.

La romance tente de s’enfiévrer, mais l’affaire

  • s’apaise,
  • piétine,
  • s’épuise

dans des répétitions ou dans des crescendi stériles.

  • La quête harmonique (ultime tierce picarde comprise),
  • les changements de registre,
  • l’imprévisibilité du discours

contribuent à soutenir l’attention à défaut d’ébaubir l’oreille et de serrer le cœur. L’Allegretto molto vivace qui clôt le quatuor revient en Mi bémol mais ose une mesure à 12/16.

  • Rayonnant,
  • dynamique,
  • contrasté,

il happe de suite l’auditeur et charme par la variété d’accompagnement des traits du violon 1 :

  • parallélisme à la tierce,
  • intervalles harmonisants,
  • contrechant,
  • basse en pizz,
  • walking bass,
  • changements de rôles pour les pupitres 2 à 4, etc.

Nous voici emballé par

  • la virtuosité dans la synchronisation à l’unisson ou à l’octave,
  • l’énergie dans les longues séries de doubles,
  • l’impulsion communicative des notes répétées,
  • la puissance du violoncelle de Bas Jongen,
  • la modestie parfaite d’Eszter Kruchió dont le pianissimo sur les arpèges nous tombe bien dans l’oreille,
  • l’art de faire corps à quatre

Soit, cette belle machine défie l’idée de chaos qui semblait présider à ce disque ; mais le chaos est-il pas autre chose qu’une recomposition de ce que nous croyions être dans l’ordre ? À tout le moins, ce dernier mouvement est une jolie façon de parapher la carte de visite qu’est toujours le premier disque !