
Vigoureux et inventif, l’allegro moderato du quintette pour piano et cordes de Georges Catoire nous a mis dans de joyeuses dispositions. L’incipit de l’andante en Si ne laisse pas retomber notre enthousiasme en persistant dans l’envie de faire dialoguer battues binaire et ternaire. Binaire pour les cordes dont l’alto d’Andrei Malakhov prend la tête et pour les ploum-ploums à la main gauche du piano ; ternaire pour les flonflons de la main droite. L’effet de bancalité, et hop, est parfait.
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- L’oscillation entre les pôles,
- la richesse de la partie de piano avec ses quintolets de doubles (mais pas que) posés sur des triolets de croches,
- la netteté du quatuor qui n’obère pas sa capacité à respirer de concert
 
happent l’auditeur dans cette nouvelle aventure.
- L’étrangeté de la modulation en Mi bémol « con intimo sentimente » confiée aux cordes seules,
- le travail sur les contretemps et les rythmes pointés,
- l’élégance de la partie pianistique et
- l’instabilité de la mesure et du tempo
font, comme la dépanneuse Simoun selon Tintin Ternet, boum. Ils
- surprennent,
- bousculent l’évidence et
- avivent l’écoute.
Le retour de la tonalité de Si, au mitan du mouvement, confirme la capacité de Georges Catoire à explorer sans cesse de nouvelles combinaisons sonores avec, notamment,
- des traits parallèles pour les deux violons et l’alto,
- des unissons vibrants pour les mêmes compères,
- des porosités laissant circuler le thème de pupitre en pupitre, et
- un polyusage du piano entre
- enrichissement harmonique,
- battement rythmique et
- écho mélodique.
 
Les interprètes rendent raison d’une partition
- complexe,
- palpitante et
- habile
en jouant d’une grande variété
- de nuances,
- de sentiments et
- de vibrations
sans avoir peur – et c’est appréciable – ni du tumulte ni du murmure.
Le dernier mouvement se cabre en Mi bémol et promet d’être « allegro con spirito e capricioso ». On salive. Pourtant, contrairement au titre aguicheur, le début est presque calme : les cordes sont sourdinées et portées sur le pizzicato. Rien de furibond a priori. Au contraire !
- Un piano aérien,
- une métrique libre,
- un registre exclusivement aigu, même pour le violoncelle :
une ambiance féérique et butinante (j’essaye), quasi Maya l’abeille avant le retour des néonicotinoïdes pour que cette merde qu’est la FNSEA écoule ses produits nocifs. Or, le retour a tempo remet grave du grave dans la machine.
- À-coups,
- retours en arrière,
- changements de direction thymique
font frissonner le frichti. Dès lors, dans le faitout bouillonnant de Georges Catoire,
- la tonalité de Mi bémol devient Mi (on passe un demi-ton au-dessus),
- les quatre doubles croches deviennent quintolet (on rajoute une note dans la fougue du piano),
- le tempo est sans cesse boosté par des stéroïdes comme ces indications
- « con moto » (« avec une Yamaha de circuit », traduirait-on aujourd’hui),
- « molto animato »,
- « agitato » ou
- « con inpeto ».
 
Jamais à court d’inventivité, Georges Catoire ajoute
- modulations,
- échos et
- rythmes-contrerythmes
que les interprètes embellissent, quitte à estomper certaines notes pour stimuler l’imagination des auditeurs (le la du piano à 2’50).
- Le mesurage démesuré,
- la substitution de la tension 2 contre 3 par 4 contre 5,
- les modulations impétueuses
contribuent à dynamiter et à dynamiser une musique qui refuse de se cantonner au bon aloi.
- La virtuosité sans affectation des interprètes,
- la multiplicité des colorations (pour quelques secondes, Wagner arrive énormément vers 4’51),
- le sublime et étrangement consensuel apaisement final en Sol
mettent en lumière une partition fulgurante. Les musiciens réussissent à lui éviter la taxinomie de « pièce rare » : c’est une grande œuvre,
- redoutable pour les interprètes,
- passionnante pour les auditeurs et
- grisante pour les âmes sensibles,
ici magnifiquement exécutée. Vivement la prochaine piste – que nous explorerons dans une chronique à venir !
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                        ![Michel Tirabosco, « Méditation [et ?] flûte de Pan » (Bayard)](https://www.bertrandferrier.fr/wp-content/uploads/2025/09/Michel-Tirabosco-Meditation.jpg) 
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                         
                        