Steven Wilson, Salle Pleyel (Paris 8), 26 mai 2025 – 1/2
Steven Wilson est
- un enregistreur quasi frénétique (même s’il brouille les appellations),
- un guitariste multicartes et
- un explorateur esthétique éclectique
qui pratique encore un sport passionnant mais – ou donc – désormais rarement pratiqué : le rock progressif, une musique électrique fondée sur des morceaux souvent longs et émaillés de breaks savoureux. Le concert de ce 26 mai 2025 est articulé en deux parties.
- D’abord, l’interprétation intégrale de The Overview, le passionnant nouveau disque récemment publié par le croisement visagal entre Kurt Cobain et Tom Cruise ;
- ensuite, des morceaux d’autres albums dont la set-list a évolué au fil des trois concerts « pour remercier ceux qui sont venus les trois soirs », commentera l’artiste.
Le récital du lundi – auquel nous assistons – est d’ailleurs la victime du succès : devant le remplissage trrrès rapide des deux premières propositions, une troisième édition du show a été ajoutée. Tant mieux pour nous, mais un peu moins pour l’artiste car, cette fois, la salle est loin d’afficher complet.
La première partie du concert décline deux plages d’environ vingt minutes pièce inspirées par l’exploration astronomique. Elle s’ouvre sur « Objects Outlive Us ». Dans une atmosphère planante et prenante, Steven Wilson ne rate pas son entrée dans les hautes sphères du falsetto pour narrer la découverte d’un espace sans empreinte de singe, où les objets inanimés ont
- une existence,
- une voix et
- une envie d’exister malgré l’oubli.
La vedette est accompagnée par
- Nick Beggs à la basse,
- Craig Blundell derrière les fûts,
- Adam Holzman aux claviers et
- Randy McStine à la gratte et aux chœurs.
D’emblée, dans cet univers intergalactique, tout transporte :
- le son,
- excellent,
- précis,
- défini avec netteté dans tous les registres ;
- la variété de l’inspiration et néanmoins l’art de Steven Wilson pour assurer la continuité narrative
- (itérations,
- tuilages pour fondu-enchaînés,
- contrastes brutaux, etc.) ;
- la capacité à
- forger une mélodie,
- surprendre l’esgourde,
- fomenter une ambiance
- folk,
- méditative ou
- rock ;
- la maîtrise collective
- des synchronisations,
- des intentions et
- des nuances ;
- les mélanges et les agencements rythmiques, tant du tempo que de la battue (usage malin du ternaire qui swingue, mais aussi superbe quasi récitatif à 5/4 pour « The Buddha of the Modern Age ») ;
- l’équilibre entre les parties instrumentales et chantées ;
- la diversité des sons de tous – en tant que collectif – et de chacun personnellement (feat. le superbe lancement de basse bien grasse et saturée dans le second instru de « Objects Meanwhile »).
Il y a tout ce qu’il faut pour ébaubir les portugaises et l’esprit :
- énergie des mélanges,
- musicalité des soli,
- qualité des musiciens,
- mystère des paroles qui assument que la seule question relative à notre disparition est celle du quand nous serons « still, back there, in dust, the Earth destroyed » ainsi que le stipule la fin de la partie intitulée « Ark », et
- poésie étonnante des vidéos qui, certes, distraient l’attention auditive mais contribuent également à porter le souffle du morceau.
Au point que l’on craint d’aborder « The Overview », le second titre de cette première partie : saura-t-il nous saucer autant que son prédécesseur ? Au disque, cette saga nous avait enserré dans ses rets mais moins secoué. Les vibrations du concert changeront-elles notre légère réticence ?
Du moins le début technoïsant nous rassure-t-il sur les recoins qu’il reste encore à explorer dans l’univers et sur la palette de Steven Wilson. La section « Perspective » égrène des distances entre objets célestes. Le côté planant, qui permet aux artistes de souffler deux minutes, dialogue avec la vidéo spatiale, prenant le temps qu’il faut – et c’est appréciable – pour permettre au spectateur de quitter l’atmosphère en douceur. La trajectoire des machines sonores s’infléchit en souplesse pour se diriger vers un folk à la Toad The Wet Sprocket, que paillettent (et hop)
- une batterie tranchante,
- des chœurs ciselés, presque post-Yes par moments, et
- des changements de registres vocaux maîtrisés,
tandis que le narrateur se connecte à l’univers (« I see myself in relation to it all », « Each moment for me is a lifetime for you ») à la « beauté infinie », au point que cette réalité pourrait bien n’être qu’un rêve. Aussi se laisse-t-on volontiers subjuguer, notamment par
- les différentes sonorités du bassiste (changement d’instruments, jeu coll’arco ou senza quand la basse s’y prête),
- la puissance du beat que sait mélodiser – popopo – l’usage séduisant des percussions métalliques,
- la parfaite connexion entre
- la vidéo,
- la musique et
- les questions posées par les paroles sur ce moment où « all permanence of matter disappears » comme il est stipulé dans la section intitulée « Infinity measured in moments »,
- l’efficacité des breaks, et
- la musicalité millimétrée de l’exécution, soli compris.
Moins spectaculaire que « Objects Outlive Us », « The Overview » n’est pas moins inventif et ensorcelant, bouclant ainsi une première partie soufflante. Plus d’épithètes à retrouver dans une prochaine notule pour la suite du compte-rendu !