Joyeux Noël…
… mais pas trop. Ben parce que, garder un peu de joie pour la route, se contenir par respect pour ceux qui, interroger cette révélation qui, constater que le mode mineur est plus élégant que les tonalités majeures, se – bref, whatever : joyeux Noël, chers lecteurs, mais, as far as I am concerned, pas trop, trop, et puis voilà.
Prenez vos musettes et vos épinettes
Le septième concert du festival Komm, Bach! est avancé ! Pour faire une pause pétillante dans la course aux préparatifs, et pour bien kiffer la vibe de Noël accessoirement, venez vous faufiler près de la place de Clichy, à Paris, pour un deux-en-un gourmand : 15 h, visite de l’orgue ; 15 h 30 : p’tit concert pour tous (orgue et chants de Noël). Et voici l’programme…
- Programme Noël 2016 – 1
- Programme Noël 2016 – 2
- Programme Noël 2016 – 3
- Programme Noël 2016 – 4
Grand O
Mercredi, je passais mon grand oral pour la deuxième livraison de Label Libertad devant les représentants de la Sofédis, chargés d’aller chanter les louanges des nouveaux livres à paraître mi-mars 2017. Ça s’est plutôt bien passé, ouf. On va pouvoir continuer à travailler, argh.
Le Paradis et la Péri, Philharmonie de Paris, 20 décembre 2016

« Le Paradis et la Péri », Philharmonie de Paris, 20 décembre 2016. De gauche à droite : Daniel Harding, hilare ; Matthias Goerne ; Kate Royal faisant la moue ; Gerhild Romberger, saluant ; Andrew Staples, tête tournée pour facétier ; et Christiane Karg. Photo : Bertrand Ferrier.
Bien qu’elle soit régulièrement donnée sur scène, Le Paradis et la Péri demeure une œuvre méconnue de Robert Schumann. Certes, le synopsis de ce simili-oratorio est un brin full niaiseux, mais quelle musique !
L’histoire : la Péri (croisement entre une fée et un ange, si l’on a bien compris) a fauté car son ascendance est souillée. Pour regagner le Paradis, elle doit offrir un gage très, très pur. Le dernier souffle d’un héros ? Insuffisant. L’amour d’une princesse se laissant contaminer par son fiancé pour mourir de la peste avec lui ? Peut mieux faire. C’est finalement le repentir d’un méchant qui ouvrira à la Péri les portes du lieu parfait.
Le concert : avec un bel effectif (gros orchestre, chœur au complet, une dizaine de solistes), l’œuvre se structure en trois parties. La première est la plus saisissante, sertie de contrastes et de mélodies accrocheuses ; la deuxième maintient l’intérêt par sa dynamique plus narrative, où le texte prend le dessus sur la musique ; la troisième inverse la tendance en mimant la nécessité du repentir par une certaine monochromie lente et empesée des cordes, signe de l’attente de la salvation qui sombre, bon an mal an, dans la désespérance, avant que la coda ne conclue fièrement cette « tâche achevée » qui permet le retour de la Péri au milieu des anges.
D’emblée, ce qui marque la générale est l’implication de l’ensemble des forces en présence. L’orchestre est au taquet, sous la houlette d’un Philippe Aïche très présent. Daniel Harding, le chef, tient moins à donner les départs qu’à impulser une énergie – chantant même souvent le texte du chœur – quitte à rattraper les décalages dangereux, comme lors du dernier air de Matthias Goerne, où l’on frôla le chavirage. Les solistes lyriques, qui ne semblent pas ménager leur outil de travail, peut-être parce que la générale est elle aussi captée, sont un brin mis en espace (en première ligne, mouvante, ce qui est proche de la terre ; au milieu de l’orchestre, ceux qui vivent déjà au paradis). Certains défauts de justesse sont ponctuellement patents lors d’unissons aux cordes et chez les cors. Peccadille qui sera, c’est certain, aisément corrigée pour la première. En l’état, l’ensemble est très prenant – même si, d’où nous sommes, il nous est impossible de jauger l’équilibre des plans sonores.
À cette solide base orchestrale s’ajoute un chœur survolté. Quoi qu’il soit scandaleux que cet ensemble de très haut niveau, dirigé par Lionel Sow, sévisse gratuitement, on apprécie son investissement à tout point de vue : souci des attaques, regards constants vers le chef, admirables variations de nuances et sens du forte non lourd, le rendu est très impressionnant. L’avouera-t-on (laveur) ? Certaines individualités du groupe, mises en avant en tant que « péris », lors des soli de la troisième partie, ne nous ont pas autant séduit. Sans doute leur prestation, qui nous a paru à la fois surjouée pour certaines et peut-être à la limite de la justesse sporadiquement, sera-t-elle ajustée après cette première face public (un raccord du chœur a eu lieu après la générale – avantage des « amateurs »…)

Christiane Karg et l’Orchestre de Paris. Philharmonie de Paris, 21 décembre 2016. Photo : Bertrand Ferrier.
Côté solistes, on ne peut que déplorer l’absence totale de Français au générique. Daniel Harding, Christiane Karg, Kate Royal, Gerhild Romberger, Allan Clayton, Andrew Staples, Matthias Goerne y figurent – pas un autochtone. Pourquoi l’État finance-t-il systématiquement des étrangers ? À quand des quotas protégeant la professionnalisation des artistes et chanteurs hexagonaux ? Cela leur permettrait à tout le moinsss de se frotter au plateau superlatif rassemblé pour cette production. En vedette, la délicieuse Christiane Karg est la Péri. Capable de piano d’une difficulté mais d’une sûreté remarquables, elle tient les quatre-vingt-dix minutes comme si elle vivait intimement les contradictions de son personnage : dignité, inquiétude, tristesse, fragilité, volonté, tout passe à la fois par la précision vocale, le souffle et le maintien sur scène, posture et regards inclus.
Pour l’accompagner dans son rêve de septième ciel, elle compte sur deux mâles et deux chanteuses. Côté mâle, Andrew Staples a repris au pied levé les deux rôles de ténor, Allan Clayton s’étant fait porter pâle. Semble-t-il hésiter çà sur certains départs, ce qui est bien compréhensible, partition ou pas ? Arrive-t-il là un peu trop tard, forcé qu’il est de crapahuter entre ses deux lignes de front ? Broutille. Encouragé par la bonhomie de son confrère baryton, il mène à bien sa tâche d’autant plus lourde que les graves ne sont pas sa spécialité, alors que les rôles à sa charge en regorgent. Son souci de narration et son sens de la continuité dramatique séduisent grâce à un médium et un aigu aussi fluides que maîtrisés. Matthias Goerne semble, comme le double ténor, tiraillé entre des graves difficiles qu’il doit savonner (sa première intervention ne doit pas être sa préférée, car il lui manque la tessiture alla Alberich qui paraît ici requise) et le reste d’un registre où sa science lyrique fait merveille. La très chic Kate Royal joue ici plutôt le rôle du surcompétent faire-valoir au sein même du quatuor soliste, mais cela ne l’empêche pas de faire apprécier, au fil de l’œuvre, un nuancier de couleurs et une pureté de ligne à la hauteur de ses précédents faits d’arme.
Pourtant, une artiste s’impose, ce soir-là, comme l’évidence de la production : Gerhild Romberger, intermédiaire entre les décisions célestes et la Péri (donc mezzo pour l’humanité, et soprano pour la pureté éthérée du paradis), séduit de bout en bout. Habile techniquement, précise musicalement, constante dramatiquement, elle est la non-star du plateau, mais elle n’en ébaubit pas moins les oreilles des spectateurs. Une cerise griotte parfaite sur un gâteau savoureux à tout point de vue !
Autour d’Olonne, 16-17 décembre 2016
À la base, l’idée, c’était de venir graffiter quelques livres en causant avec les usagers de la médiathèque chapeautée par Nadia Bellenger. En fait, la librairie Les Fables d’Olonne avait vufte oublié de commander des exemplaires. L’amnésique a dit qu’il était désolé. Par chance, on avait inventé d’autres occupations.
Le vendredi soir, c’était concert en duo avec Emmanuel Quiquemelle, quasi sosie de Vincent Genvrin, surtout prof de piano et d’orgue dont toutes les élèves sont folles (et les mamans des élèves itou, faut bien l’dire). Après un retour à l’hôtel Arc-en-ciel, dont on goûte le plafond art déco classé, l’originale mise à disposition d’un Auguste Derrière pendant le p’tit-déj’ et la réception cordiale…
… le samedi matin, il s’agissait d’initier à l’improvisation les élèves de la classe d’orgue du conservatoire Marin Marais, sous la houlette de « Manu » en personne. En dépit des vacances, c’était l’occasion, pour les p’tits jeunes, d’oser se lâcher et de découvrir certains aspects méconnus de la pratique possible de la Bête ; et c’était l’opportunité, pour les parents présents, de creuser LA question qui passionne Les Sables d’Olonne et les deux communes rattachées : quel sera le sexe du prochain enfant de « Manu » ?
Après, petit temps de battement (de jambes). Idéal pour faire mon Parisien et batifoler hors saison entre la verve du soleil…
… la tranquillité de l’auto-proclamée « plus belle plage d’Europe »…
… et les charmes du voyage, incluant migration en car, TER, TGV et métro, mais pas que – faut pas toujours facétier, nom d’une cacahuète. Bref, c’était bien, c’était chouette, quand est-ce qu’on recommence-t-y ?
Ensemble Diderot, Institut Goethe, 13 décembre 2016
Avec son formalisme empesé (mouvement lent – mouvement vif – mouvement lent – mouvement vif… ou l’inverse), la sonate française de la première moitié du dix-huitième siècle ennuie d’avance. C’est compter sans la vivacité et l’ingéniosité de l’ensemble Diderot, produit par le label Audax que distribue Socadisc – même si cet article est corrompu puisque nous bénéficions d’une invitation pour ce concert.
D’abord, il nous faut louer ces concerts où, effectivement, il nous arrive d’être convié, mais qui sont bien remplis sans être complets alors qu’ils ont tous les atouts : superbe salle, excellent confort des spectateurs, parfaite desserte parisienne (métro Charles-de-Gaulle à sept minutes à pied), programme à échelle humaine (entre 1 h et 1 h 20), jeunes virtuoses en live pour 10 € maxi, verres et bretzels de l’amitié offerts à la sortie avec un service prévenant. Oui, on peut m’accuser d’être lèche-fesses, mais, d’une part, j’en ai rien à carrer et, d’autre part, c’est plutôt de la jalousie de ma part de reconnaître que j’aimerais organiser des concerts de ce type, alors ça va, quoi, bref. (« Oui, mais au moment où ce concert se situe, Alep meurt… / – Si Alep meurt à cause de la musique baroque, jette-moi la première bière. Sinon, jette-toi sur les premières pierres que tu rencontres. Un métro peut s’y substituer. »)
Ensuite, il nous faut saluer cet Ensemble Diderot que nous découvrons en concert ce 13 décembre. Sous l’impulsion du violonissse Johannes Pramsohler, dont la physionomie oculaire n’est pas sans rappeler Lionel Messi, le projet baroque rassemble Roldán Bernabé au second violon, Gulrim Choi au violoncelle, Kristen Huebner à la flûte (non permanente, d’après le site) et Philippe Grisvard au clavecin. Uniquement de très bons musiciens, la suite du concert le prouve. Comme le souligne François Segré au début du show, oser produire à l’Institut Goethe un concert de musique française propulsé par un ensemble au nom francophone dont le leader est un Autrichien parfaitement francofluide, quelle audace !
Enfin, il nous faut applaudir un programme construit avec art et malice. Le concert s’ouvre sur l’Ouverture en la majeur de Jean-Marie Leclair, op. 13 n°3. La pièce, solennelle et vive, donne à saisir d’emblée les forces en présence : digitalité du chef, réponse sensible du second violon, parfaite adéquation de la basse continue. La sonate en trio op. 2 n°5 de Jean-Joseph Cassanea de Mondonville ouvre le répertoire à la flûte chaude et envoûtante de Kristen Huebner. En sus, elle permet au big boss d’expliquer que cette pièce se peut jouer avec deux violons ou, choix opportun pour souligner la diversité du répertoire, un violon et un traverso. La pétillante sonate de Jean-Marie Leclair pour deux violons (op. 12 n°5) souligne ce mélange de complicité et de confrontation qui unit et pousse à rebondir les deux virtuoses en présence. Notre voisine, jeune et mignonne invitée placée chez les VIP, s’exaspère car son maître (merci à lui) lui a intimé d’arrêter de prendre des photos – mais pas de se caresser ses magnifiques cheveux ou de croiser et décroiser ses jambes sharonstoniennes. Derrière nous, une esssperte esssplique que « l’incroyable, c’est le feeling d’énergie qui va de la musique à nous », wouah. Ces connaisseuses n’y peuvent mais : hormis elles, peut-être, la musique jouée par l’Ensemble Diderot saisit l’assistance ; le sens du son (filé ou percutant) séduit l’oreille ; l’envie de dialogue musical happe l’écoute. Tout cela est fort bien fait et très séduisant, au point que la seconde sonate de Mondonville (op 2 n° 6 d’après Johannes Pramsohler), pourtant très exigeante individuellement et synchroniquement, ne paraît pas essentielle – sauf aux amateurs de forme ABA + coda. En effet, chacun est curieux d’ouïr le Concerto à quatre parties en la mineur du sieur Michel Blavet, associant un duo de violons et une basse continue à la flûtiste quasi soliste. Le résultat est séduisant, confrontant une virtuosité joyeuse à deux éléments indispensables : l’attention entre les musiciens (y compris le clavecinissse, toujours à l’écoute de ses partenaires) et l’envie de nuancer, soit par la puissance, soit par les articulations et la dynamique. La reprise d’une partie en bis permet au public de partir repu et admiratif vers le verre amical (les verres, si l’on en juge au nombre de mâles spécifiant qu’ils ne venaient pas re-prendre un verre pour eux).
En prime, il nous faut reconnaître que, à chaque fois que nous sommes allés à ces concerts – soit deux fois plus une où nous nous sommes perdu, oui, au centre d’un des Paris chic mais c’est pas la question –, nous avons rencontré des spécimens de spectateurs qui valaient, presque à eux seuls, le déplacement – et, chose essseptionnelle, nous ne parlons presque pas de nous. Cette fois, c’était une étonnante semi-vieille dame au foulard type Burberry, qui nous a expliqué qu’elle devait passer devant tout le monde dans la queue car elle venait de Boissière (donc à deux rues du concert) en taxi, à cause d’une douleur à la main (« Remarquez, j’ai croisé une altiste à l’hôpital, elle avait le canal carpien bouché, c’est moins grave pour moi qui suis pianissse, mais mon mari ayant changé de travail, nous avons moins d’invitations et on ne nous offre pas de disque, d’ailleurs je vais en acheter un, pas vous, bien sûr, alors que vous auriez sûrement les moyens – Mais je sais me tenir – Comment ça ? – Ben, j’ai aussi les moyens de vous foutre mon poing dans la gueule et je le fais pas – Ah oui, vu comme ça, certes »). Dit de la sorte, ces rencontres impromptues peuvent avoir un soupçon d’agressivité ; dans la réalité, ce sont des expériences fort disruptives (ces mots n’ayant aucun sens, ou n’en ayant plus, je suis ravi de les utiliser). Prochain concert le 10 janvier (non encore inscrit sur le site au moment où nous rédigeons ces lignes). J’espère être invité mais, si vous ne l’êtes pas, je vous incite à venir siroter Bach, Piazzolla, et le Fitou d’après-concert : au vu des précédents épisodes, cela promet d’être brillant, intéressant et convivial. What else?
Rendez-vous à l’église des Sables
Ce vendredi, 20 h, récital d’orgue à l’église des Sables-d’Olonne avec Emmanuel Quiquemelle.
- Programme Sables 1/4
- Programme Sables 2/4
- Programme Sables 3/4
- Programme Sables 4/4
Samedi, 10 h, masterclass d’improvisation avec les élèves d’orgue du conservatoire.
Samedi, 15 h, rencontre-dédicace à la toute nouvelle médiathèque, animée par Nadia Bellenger, autour de L’Homme qui jouait de l’orgue (Max Milo).
Les vedettes de l’orgue que je reluque sur Facebook jouent des orgues incroyables dans le monde entier – et ils le méritent, les bâtards. N’empêche, parfois, à mon échelle, la vie s’annonce belle, comme à la fin de la Dame du dixième.