« Face à l’obscurantisme woke », Emmanuelle Hénin et alii (PUF) – 8
Longtemps, avant Disney, Netflix fut le parangon de la culture visuelle wokocompatible. Il serait temps de rendre à Arte ce qui lui appartient aussi, en constatant que les dernières séries mises en ligne sur son site, fin mai 2025, suivent scrupuleusement la règle de communautarisation, associée ou non à la victimisation, qui caractérise l’essentiel des productions à l’ère woke. En effet, le wokisme exige de voir le monde à travers le prisme des minorités, avec deux options :
- trouver les siens donc sa cause à défendre contre l’oppression du mâle blanc cisgenre ; ou
- se reconnaître, éclaboussé de honte, dans la description archétypale du mauvais bougre afin de faire contrition puis de s’empresser de déconstruire sa posture systémique de dominant raciste et sexiste.
Comme l’arbre exsude sa résine, les pitchs des quatre séries récemment diffusées par Arte exsudent la communautarisation.
- Small Axe propose de découvrir, « des sixties aux eighties, les luttes de la communauté noire de Londres pour ses droits dans un pays raciste ».
- Le Prix de la paix revient sur « l’attitude douteuse de la Suisse après la Seconde Guerre mondiale » pour « lever un voile sur le passé » (l’axe de la repentance autour de la Seconde Guerre mondiale est l’ancêtre du wokisme).
- Clan est « une comédie délicieusement immorale » où « quatre sœurs veulent liquider leur ignoble beau-frère » en faisant assaut d’un « humour 100 % féminin ».
- Lost Boys and Fairies raconte le « parcours semé d’espoir et de doutes » d’un « couple gay de Cardiff » qui « entreprend des démarches pour adopter un enfant » au long d’une « poignante minisérie ».
Cette mainmise de la charte tacite recensant les bonnes pratiques de la wokocompatibilité ne s’en tient pas au domaine culturel. Selon les auteurs de Face à l’obscurantisme woke, ouvrage collectif dirigé par Emmanuelle Hénin et alii, elle touche aussi la science en général et l’université en particulier. Ainsi, Nicolas Weill-Parrot s’intéresse au procès de la science occidentale dans un article associant « wokisme, constructivisme et obscurantisme ». Amateur de mots en -isme, il y dénonce le « relativisme » qui voit dans « tout énoncé scientifique une construction élaborée par un jeu multiple et complexe de rapports de domination ». Le préfixe « dé » s’imposerait donc aux wokophiles scientophobes : il leur – partant il nous – faut
- déconstruire,
- démascuniliser et
- décolonialiser
les connaissances pour, enfin, « faire le procès de l’hybris de l’homme occidental » et assez complexer l’Occident afin qu’il devienne « hypercritique de lui-même ». Leonardo Orlando prend alors le relais de son collègue pour défendre les théories de l’évolution en s’offusquant de voir « l’université contre Darwin ». Pour un lecteur pas hyper au fait des polémiques auxquelles l’auteur se réfère, l’article paraît assez confus. On comprend qu’il s’agit de « protéger la société des dangereuses lubies antibiologiques fabriquées aujourd’hui par l’université » (on n’a pas grand mérite, c’est écrit noir sur blanc), mais
- pourquoi,
- en quoi et
- dans quelle mesure concrète, exemple à l’appui,
l’évolutionnisme doit-il infuser toute pratique de science sociale ou non sociale, et, enfin,
- par qui,
- par quelles méthodes,
- jusqu’à quel point
en est-il empêché, ça, mystère. Aussi la charge contre « les platistes de la sociologie » tombe-t-elle, et ça fera plaisir aux susnommés, complètement à plat. Au lieu
- d’illustrer,
- de raisonner,
- de démontrer,
l’auteur se contente d’affirmer, quitte à se contredire quand il annonce que, « confrontés à la théorie de l’évolution, les fables [des méchants] s’écroulent comme des châteaux de sable », ce qui relativiserait quand même hyper vachement leur danger, n’eût été ce refrain que les évolutionnistes n’ont plus leur place dans le débat scientifique. Sa conclusion : « Aujourd’hui, les universités constituent des monocultures idéologiques » incapables d’accepter le débat. Cette autovictimisation d’un auteur publiant son article aux PUF, ce qui est une forme d’exclusion scientifique assez acceptable, aurait sans doute mieux résonné avec
- des faits,
- des exemples et
- des constatations
concrets. Le docteur Andreas Bikfalvi – qui n’a pas droit à sa minibio en fin d’ouvrage, contrairement à la plupart de ses collègues – nous attend à la prochaine notule pour évoquer l’impact du wokisme sur « la pratique biomédicale ». À suivre, donc !