Herbert du Plessis, INJA (Paris 7), 16 mai 2025 – 4/4

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Herbert du Plessis à l’INJA (Paris 7), le 16 mai 2025. Photo : Rozenn Douerin.

 

Tout avait commencé par une gentille sonate de Mozart (je ne développerai pas, j’ai déjà expliqué que je trouvais les sonates de Mozart franchement pas très intéressantes, sauf quand

  • Jean Muller le Luxembourgeois,
  • Christian Chamorel le Suisse et désormais
  • Herbert du Plessis les jouent).

Après le moment défi que constituait l’interprétation de l’opus 25 de Frédéric Chopin, nous voici face au moment pépite que chacun attend : deux rhapsodies hongroises de Franz Liszt. À ce stde du concert, comment peut-on avoir encore l’énergie et la lucidité de claquer deux mastodontes de cette dimension après ce qui a précédé ? Mystère et boules de bubblegum. Reste que le concertiste ne peut plus se dérober donc s’empare du piano pour partir à l’assaut.
La douzième rhapsodie (sur dix-neuf) en do dièse mineur promet d’envoyer du chorizo.

  • C’est dramatique
    • (graves,
    • résonance acoustique et
    • suspension),
  • c’est solennel
    • (crescendo,
    • marcato,
    • investissement progressif des différents registres),
  • c’est surgissant
    • (traits,
    • rubato façon cadence, et
    • agogique inscrite noir sur blanc).

Les à-coups promis par le projet rhapsodique révoquent toute progressivité logique. Aussi Herbert du Plessis se goberge-t-il d’une rythmique fofolle, associant

  • rupture de tempo,
  • changements de mesure, et
  • quasi effacement de ladite mesure
    • (ritendo a piacere,
    • appogiatures,
    • contretemps,
    • gruppetti,
    • points d’orgue, etc.).

Ces désamorçages d’une apparente rigueur sont autant de cadeaux pour l’interprète qui les sait maîtriser. Herbert du Plessis saisit l’auditeur en osant

  • les chocs
    • d’esthétique,
    • de registres,
    • de couleurs,
  • la puissance
    • de la virtuosité,
    • des breaks,
    • de la nuance malgré la foultitude de notes à expulser, et
  • la fulminance
    • de la vitesse extravertie,
    • de la fureur faite musique et
    • de la friction transformée en tension.

Malin comme un diable de singe, Franz Liszt lâche ses coups :

  • bariolages impétueux,
  • surgissements fulminants,
  • rythmicité martiale

ne se contentent pas d’advenir : ils

  • jaillissent,
  • crépitent et
  • étincellent

sous les doigts de son interprète. Les modulations (le sol dièse du do dièse mineur fusant par exemple vers le la bémol du Ré bémol, donc la même note mais pas la même tonalité) sont l’occasion pour le concertiste d’assumer l’ultradifficulté de la chose mais aussi

  • sa narrativité hypnotisante,
  • sa fulgurance fascinante et
  • sa puissance d’ébaubissement.

Presque deux fois plus brève, la sixième rhapsodie qui conclut la set-list officielle trahit la profonde cohérence du programme, puisque, au do dièse mineur, succède à nouveau le Ré bémol – la note n’est pas grand-chose sans sa couleur.

  • Volonté de tuilage,
  • réflexion sur l’ambiguïté,
  • ouverture sur les possibles d’un même objet sonore :

on devine que Herbert du Plessis n’a pas choisi ces deux feux follets finaux par hasard. D’autant que le prologue ne joue nullement les fines bouches. Il y a de la rusticité dans l’air :

  • accents prononcés,
  • modulations brutales,
  • itérations têtues

dessinent un terrain où fulgurances et défis (bon sang, demander à l’interprète de passer de cinq bémols à sept dièses, est-ce pas une raison d’envoyer le compositeur en HP de façon préventive, même quelque années après qu’il est décédé ?) semblent viser à

  • irriter,
  • stimuler et
  • défier

l’interprète, aussi roué soit-il.

  • Explosions,
  • passage en majeur,
  • pulsations des octaves à droite comme à gauche

offrent au concertiste un terrain de jeu pour briller et vertiger l’auditeur. Les deux bis sont l’occasion pour l’interprète de prolonger un récital un rien dingo, avec

  • pyrotechnie,
  • cadeau chopinien où le public se prend pour Shazam, et
  • persistance de l’exigence musicale
    • (nuances,
    • attaques,
    • phrasés,
    • indispensable précision de la pédalisation).

L’épisode inclut le rire compassionnel associé à l’aveu de l’artiste qui reconnaît in extremis avoir joué avec une main droite fracassée sur les marches juste avant le concert. Nous prierons donc les lecteurs qui nous ont accompagnés depuis quatre épisodes de biffer tout ce qui a été écrit auparavant en retenant ce seul message : le mec était handicapé, c’était nul mais c’était pas de sa faute. Quant à nous, nous resterons dans

  • le kif,
  • l’impressionnation, popopopop, et, à l’exfiltration,
  • le souvenir d’un séjour d’environ plusieurs secondes dans la loge de sortie où personne ne savait comment sortir ce qui, pour le claustrophobe qui écrit ces lignes, est digne d’un crime contre les handicapés.

Moralité : le monde est multiple, tant que nous sommes vivants, adelante, et merci autant que bravo à ceux qui savent transformer leur talent en partage de vibrations collectives !