Zhen Chen joue Mozart, Solo Musica – 2/2

Première du disque

 

Après le « plus difficile », voici « le plus célèbre » des concerti pour piano de Wolfgang Amadeus Mozart, selon Zhen Chen, lancé dans ce couplage de superlatifs – mais à quoi bon reprocher à un interprète son enthousiasme – plus long que les deux suivants réunis – avec Thomas Rösner et l’orchestre de chambre – dont le nom n’est pas destiné à être familier aux non-germanophones – Kurpfälzisches.
Le vingt-et-unième concerto K. 467, en Ut, composé pour occuper un 9 mars 1785 viennois, s’ouvre sur un Allegro à quatre temps : pour la surprise, c’est râpé. Il va donc falloir au compositeur trouver quelques petites astuces pour

  • capter l’écoute,
  • conserver l’attention voire
  • émoustiller les capacités d’émotion des auditeurs.

 

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Les premières astuces ne tardent pas à résonner :

  • allant du tempo,
  • sautillements des cordes,
  • entraînement des rythmes pointés agrémentés de triolets de doubles croches et
  • solennité du combo cuivres + timbales,

un sus pas exceptionnel mais pas systématique dans les concerti mozartiens. L’orchestre parvient avec efficacité à associer

  • la complémentarité entre cordes et vents,
  • les spécificités de pupitres susceptibles de fonctionner en questions-réponses ou thèmes-échos,
  • le travail en commun et
  • l’évocation de couleurs bien différenciées (pétillantes, presque lyriques, pomposo).

Dès son entrée, le soliste soigne

  • son groove (répartition du poids rythmique dans la phrase),
  • son allant (tempo, phrasé, précision des traits) et
  • ses nuances concentrées dans le spectre piano à mezzo forte,

la dynamique du toucher et les choix de pédalisation contribuant à offrir une gamme de teintes large dans un champ d’intensités pourtant restreint. Une étonnante tentation de sol mineur puis majeur alimente le discours.

  • Les staccati,
  • le dialogue avec l’orchestre et
  • la tenue de la ligne (pas
    • de surlignement,
    • de précipitation ni
    • de contrastes flashy)

contribuent à rendre justice d’une partition dont le carcan conventionnel, poudré, potentiellement rébarbatif, se dissout presque dans l’énergie et les mutations qui emportent l’auditeur, même s’il est animé d’une certaine prévention topique.

  • Liberté des modulations,
  • aisance digitale du pianiste en dépit d’une pédalisation parfois un rien trop généreuse à notre goût même si elle ajoute du moelleux à l’égrenage des accords,
  • alternance stimulante des dispositifs concertants et
  • souci permanent des interprètes de faire de la musique avec les notes

charment l’oreille qu’une cadence envoyée avec un soin particulier achève de titiller joyeusement.

 

[embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=Uzapc2qqKkQ[/embedyt]

 

L’Andante, définitivement associé, pour les Anciens, à l’émission « Allô Macha » qu’animait Michèle Riond, passe à une battue à deux temps et à une tonalité de Fa. Le son des premiers violons froisse notre désir de lyrisme :

  • étriqué,
  • acide et, nous semble-t-il,
  • à la limite de la justesse collective,

il n’est pas compensé, au contraire, par

  • un phrasé haché,
  • une accentuation plus caricaturale (« y a marqué sforzendo, j’envoie le jus ») qu’habitée, et
  • une approche littéralisante des articulations qui vrille parfois les esgourdes.

Le choix d’une radicalité ? Peut-être, mais d’une radicalité dont

  • la poésie,
  • le souffle,
  • la vibration émotionnelle

seraient absents – donc d’une radicalité qui peine à nous séduire. L’entrée de Zhen Chen confirme ce parti pris anti-onirique (ou non-sentimental…), mais avec une exigence rythmique qui intéresse davantage en travaillant l’opposition entre un accompagnement ternaire et un solo en binaire (puis l’inverse), source de groove.

  • Les sautes de registre,
  • l’attention à l’exécution des notes secondaires
    • (appogiatures,
    • ornements,
    • trilles),
  • le naturel des modulations,
  • la réussite des synchronisations (qui n’étaient pas toujours le point fort du premier mouvement) et
  • la délicatesse des triolets quasi verdiens des vents au finale

contribuent à l’intérêt de cette proposition. Un Allegro vivace assai conclut l’affaire en synthétisant les deux mouvements : il est en Ut comme le premier et à deux temps environ comme le deuxième.

  • Célérité,
  • chromatisme entraînant,
  • échos entre pupitres,
  • irisations modales du majeur au mineur et retour

ravigotent et ragaillardissent. À leur tour,

  • deux minicadences offrent d’habiles breaks ;
  • l’itération d’un refrain parfois modifié suscite manière de plaisir populaire ; et
  • les gourmandes modulations surveillées par les vents sont joliment envoyées.

De nouveau, l’on goûte l’art qu’a Zhen Chen d’aller bon train sans bousculer, d’autant que la cadence finale semble s’amuser à associer une dernière fois

  • déploiement de petites saucisses virevoltantes,
  • pédalisation abondante qui crée des effets inattendus (plongée vers le gouffre des graves) et
  • capacité à suspendre le discours pour mieux repartir.

L’ensemble forme une version punchy mais qui, à nos ouïes, paraît craindre de valoriser le lyrisme contenu et évocateur des mouvements lents comme si cette dimension mozartienne risquait de contrevenir à l’esthétique survoltée ici privilégiée. Dommage, car les deux mêlés, assaisonné à des premiers violons moins pointus, cela aurait pu être sans doute

  • plus ambitieux,
  • plus large et
  • plus enthousiasmant.

 

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