La vie, c’est juste une question de tempo
– T’inquiète, je sors M. Chien, t’as qu’à rester à Vincennes si tu joues aussi une cérémonie cette après-midi. Tu prends un pique-nique et tu kiffes la vibe dehors !
– C’est fort aimable, mais c’est plus compliqué que ça.
– En quel sens ?
– On va pas se mentir : en termes de pique-niquologie, c’est daubé du cul ou tout comme.
Jean Guillou, « Live à Saint-Sulpice 1978 », Augure
Quatrième épisode de notre promenade dans le catalogue d’Augure, la maison phonographique qui tâche de rendre accessible à faible coût les meilleures archives de Jean Guillou. Après le récitalier fidèle, l’improvisateur et l’organier-musicien, voici le musicien nomade. En effet, parce qu’il a passé moult décennies à étendre ses ailes et ses zèles sur l’orgue de Saint-Eustache, Jean Guillou est souvent présenté comme l’organiste du lieu. Pourtant, c’est avant tout un musicien voyageur comme le sont les granzorganiss. De fait, l’homme, qui enquille encore les tournées sans coup de bar, lui, n’a eu de cesse de naviguer de grandes orgues en hénaurmes tribunes, dans le monde, en France et à Paris. Le 13 septembre 1978, alors que la restauration du moment le privait de « sa » Bête, il affrontait en connaisseur l’orgue de Saint-Sulpice à l’occasion d’un concert gravé pour France Musique. Le disque a été publié trente-cinq ans plus tard (et non quinze, comme nous l’avions indiqué grâce à ce sens de l’arithmétique qui fait une partie de notre drame), sans « aucune intervention », affirme la notice, visant à retoucher l’enregistrement original. C’est l’opportunité de jauger l’interprète en tant qu’exécutant de pièces redoutables, gestionnaire d’un instrument formidable et créateur d’architectures sonores.
(Je sais, j’ai jamais été très discret pour annoncer discrètement mes plans tripartites, mais bon.)
Jean Guillou, l’interprète sans peur
Un récital de vedette exige que l’artisss montre qu’il est something else. Aussi doit-il, par contrat moral, interpréter des pièces redoutables, qu’elles soient longues ou courtes. Examinons deux des épouvantails au programme : la Deuxième symphonie de Marcel Dupré et un effrayant choral de Johann Sebastian Bach.
Ouvrant le concert, la Deuxième symphonie de Marcel Dupré, en trois mouvements, fait doublement sens. D’une part, Jean Guillou a toujours revendiqué l’influence du compositeur sur son travail ; d’autre part, jadis, Marcel fut le maître de l’orgue de Saint-Sulpice. Sa Deuxième symphonie exige plus que de la technique, mais elle exige déjà de la technique. Pour jouer les notes, et d’un ; et de deux, pour les transformer en musique. Dans cette perspective, le Prélude rutile de contrastes (non, ça ne veut RIEN dire, mais j’aime bien) entre les atmosphères et les styles, la partition convoquant tantôt l’esprit triomphal, tantôt la férocité des cavalcades, tantôt les jubilations harmoniques comme ce refrain ultraMessiaen (à 1’53 et 6’12). Dès lors, outre des doigts et des pieds aussi solides que bien coordonnés, la partition demande du souffle et, comme c’est bien trouvé, de la respiration entre les séries d’accords. En effet, se glissent, çà et là un decrescendo subit et des guirlandes de notes en duo qui, s’enroulant follement, tentent de résister à la menace de la pédale, annonciatrice du déferlement de tuyaux. Jean Guillou prolonge ce souci du contraste dans l’Intermezzo, à la fois dansant et plombé par des accords et une soubasse sourds qui, à la fois, rythment et dérégulent le développement du thème liminaire. Quand surgissent les pleins jeux, cette poursuite entre une dynamique et une rythmique sont admirablement rendus avec ce que permet une vraie virtuosité : des silences, pas de ritendo indu ; des notes, pas d’esbroufe ; des différences de caractère, pas de caricature. Le mouvement final participe d’un principe similaire, entre accords répétés et thèmes glissants de l’aigu aux registres puissants de pédale. Loin de la toccata façon dix-neuvième, cette Toccata s’amuse à tournoyer autour d’une idée déployée à grands traits, à gros accords ou à fleurets mouchetés. Jean Guillou excelle à rendre les tensions grâce aux possibilités spectaculaires de l’instrument… et de l’interprète. Le son devient plus cinématographique que narratif : ainsi, les effets de dialogue entre le plein jeu et la bombarde sont hypnotiques. Le sens du tempo, du volume, de la résonance, bref, de la musique (même dans une pièce « à effet ») rend justice à l’œuvre, redoutable, à l’orgue, spectaculaire, et au lieu, hiératique, qui l’abrite.
Le choral BWV 682 de Johann Sebastian Bach est un autre exemple de pièce redoutable affrontée bille en tête par celui qui devint plus tard manière de sosie de Frankenstein. La pièce de 5’ est d’autant plus intéressante que Bach est toujours le compositeur qui clive les pro- et les anti-Guillou. Provocation ou passion insouciante, le virtuose choisit, pour l’occasion, une pièce ultra exigeante, qu’il décrit modestement comme une pièce en trio alors que, en vrai, ce « Notre Père » luthérien est un quintette constitué d’une basse obstinée, de deux voix accompagnatrices et de deux soli énonçant le choral et se répondant en canon. Comme l’ont admis les meilleurs musicologues et les interprètes fatigués, cette pièce, « c’est un truc de ouf ! ». L’enregistrer en concert est une performance redoutable qui ne menace pas Jean Guillou, fermement ancré sur son évidente familiarité avec l’œuvre et sur des choix esthétiques qui lui sont propres. Ceux qui, sporadiquement, nous suivent savent que nous sommes dubitatifs devant les facéties d’appropriation que s’octroie le musicien, comme ce détaché et cette accentuation des irrégularités – nous peinons, presque humblement, à notre place critique, à en saisir le sens et le bienfondé aussi bien musicologiques que textuelles. Disons que cette pièce est le moment interrogatif du concert, puisqu’elle est à la fois singulière par son exécution et par sa présence (le reste du programme est centré sur le romantisme de Julius Reubke et la musique du vingtième siècle). Volonté d’inscrire Bach dans l’orgue Cavaillé-Coll et contemporain ? Souhait de stimuler l’auditeur en secouant la poussière sur la tradition interprétative ? L’effet de questionnement avive l’intérêt alors que l’on aurait pu craindre qu’une pièce de JSB ne fût qu’un passage obligé, un peu comme un subjonctif présent dans une phrase au passé « par peur de se faire lapider par les cons qui rejettent le subjonctif imparfait »– que vayan a joder, comme disent avec une poésie percutante nos amis hispanophones.
Jean Guillou,
l’homme qui jouait des instruments de rêve
L’avantage des organistes vedettes, c’est qu’ils jouent des orgues extraordinaires. Encore leur revient-il de les valoriser avec la dignité requise. Illustrons ce projet à l’aide de deux pièces marquant ce récital : une composition et une improvisation de l’interprète.
Avec l’interprétation de Temora – Première ballade ossianique, son op. 8 anciennement connu comme Pour le tombeau de Colbert, l’organiste entreprend de travailler autant les couleurs que les rythmes restituables par le magnifique instrument qu’il joue. Sur une base d’accords en forme de battements ou de tenues irréguliers, des fusées de notes explorent les espaces qu’ouvrent anches et flûtes dans différents registres, autour d’une série reconnaissable de cinq notes. Un crescendo souffle sur l’orgue, segmenté par le même type d’accords nerveux et par des accalmies inquiètes où tremblant et cromorne chantent tout leur saoul. Aux difficultés techniques de l’œuvre, s’ajoutent deux défis : d’une part, faire tenir ensemble ces fragments, par-delà l’unité que suggère en pointillés le retour des motifs identiques (agrégat de cinq notes, accords, crescendo) ; d’autre part, inscrire au mieux cette œuvre symphonique dans un orgue adéquat mais point si aisé à dompter. En entendant le résultat, on plaint les assistants chargés de registrer à la console ! Pourtant, le dernier tiers de l’œuvre est marqué par un bel et long à-plat forte, occasion de deviner la puissance de l’instrument dont les micros permettent juste d’imaginer l’effet « en vrai ». Reprend alors le dialogue fragmenté entre accords martelés, éventuellement ponctués par la bombarde, et esquisses envolées… jusqu’à ce que le tremblant et les anches suspendent la question posée par cet énigmatique « Tombeau pour Colbert », dont on apprécie la capacité à nous promener à l’intérieur des possibles du Monstre.
L’improvisation qui conclut le concert en plus d’un quart d’heure se repait, elle aussi, des vastes combinaisons qui peuvent s’échafauder devant le grand orgue de Saint-Sulpice. Elle commence classiquement sur les fonds, cherchant une mélodie dans des séries de cinq notes (quatre ascendantes, une descendante) qui s’harmonisent et se désagrègent. Peu à peu, les fonds prennent corps. Les 16 pieds de pédale grondent ; des anches leur répondent. Quelques hésitations verticales construisent un crescendo avorté. Des guirlandes de flûtes de 4’ tentent de s’échapper, mais les 16 pieds, exsudant des profondeurs, les ramènent derechef à la raison. Les ondulants sifflent alors la fin de la récréation. Un hautbois insolent leur répond et tente, fielleux, de sympathiser. Devant leurs dissensions, l’orage se met à gronder. Des petites escarmouches, à base de notes répétées ; auscultent d’autres cœurs sonores de l’orgue, guidant l’auditeur dans l’anatomie de ce grand corps. Les pleins jeux font leur apparition à mi-course sans parvenir à s’imposer. Simple intimidation ? Les anches enfermées dans la boîte laissent entendre qu’il s’agit, en réalité, d’une première escarmouche. Le thème rythmique de six éléments (cinq notes répétées, une descendante) parcourt les registres intérieurs, essaime sous le masque des tutti et entreprend de s’imposer. Une marche inquiétante (11’35), jouant sur les jalousies d’expression, se met en place. Les notes répétées passent de cinq à huit ; la figure évolue, monte puis se dissout sans renoncer à fracturer derechef les tuyaux. Un dernier crescendo permet d’apprécier la qualité de la registration et les spectres sonores de l’orgue, sur les différents plans et nuances ; et c’est ainsi que cette improvisation met en valeur l’orgue – celui de Saint-Sulpice mais aussi l’instrument à registres en général – par l’exploration dynamique, rigoureuse, solidement tenue et néanmoins joyeusement libre, de ses multiples éventualités.
Jean Guillou, l’architecte sonore
Terminons par la troisième mi-temps – le portrait de l’organiste en architecte sonore. Pour complaire ce projet de tableau, Jean Guillou a trouvé une œuvre idéale de plus de 23’. La Sonate de Julius Reubke, dite « Psaume 94 » (« Dieu des vengeances, parais ! Lève-toi, juge de la Terre, rends aux superbes selon leurs œuvres » : on sent qu’on n’est pas dans un sketch de Guy Bedos) n’est pas séparée en mouvements officiels mais s’organiser autour d’une structure tétralogique très lisible, incluant prélude agité, mouvement vif, mouvement lent, mouvement vif. Ce plan est donc bâti par l’architecte à la console, d’autant plus nettement que, étant donnée l’ampleur de la composition, il lui faut donner à la fois cohérence et tension à cette œuvre-fleuve ; et l’artiste se donne l’espace-temps pour faire œuvre de virtuosité, de musicalité mais aussi de pédagogie. En témoigne le fait que, même si cela ne s’entend pas le moins du monde, les tempi choisis sont relativement lents : nous reviendrons bientôt sur une interprétation de cette même œuvre par le même, affichant cependant 1’30 de moins.
Si vous ne connaissez pas ladite Sonate, souvent remise sur les claviers par Jean Guillou, imaginez-vous l’une des grandes pièces pour orgue de Liszt…. et comprenez que le Cavaillé-Coll de Saint-Sulpice est un joujou idéal pour explorer les subtilités et les grands effets proposés par le compositeur mort tuberculeux en 1858, à 24 ans. Or, autant que nous sommes concerné, comme on apprenait à dire au collège avec nos profs d’anglais, c’est sans doute l’œuvre la plus immédiatement passionnante du récital. Aux phases de crescendo, où la pédale expressive a toute sa place, s’ajoutent ce que les grands musiciens de l’époque savaient écrire de mieux pour leur instrument : les luttes furieuses qui n’en finissent pas de nous passionner. Les moyens exceptionnels de l’instrument et de l’interprète y sont sollicités à l’occasion de longues tempêtes, à la fois rageuses et très clairement dessinées ; les accords des claviers finissent par se marier aux traits apocalyptiques de la pédale. Un modèle du genre est le coup de tabac qui s’ouvre vers 5’45 pour se dissiper vers 10’05 comme s’évapore un orage. D’où la nécessité de laisser respirer la musique et de ne pas jouer « plus vite ». En effet, il faut donner toute sa place musicale à l’acoustique de Saint-Sulpice sans laisser les sons grignoter leurs collègues ; et pas seulement dans les passages rapides ! Les périodes plus apaisées permettent de se goberger de fonds, d’ondulants, de flûtes et d’anches.
Architecte attentif au feng-shui du son par-delà la débauche de moyens techniques, Jean Guillou est à son avantage dans les trois exercices majeurs : sa dextérité maligne, appuyée sur une indépendance confondante des quatre membres sollicités par l’exercice, emporte les presto avec malice (voir par ex. à 17’, début du dernier mouvement) ; son sens de la registration et son plaisir de jouer cet orgue-ci rendent délicieux les passages doux ; et sa connaissance du texte comme de l’orgue font merveille à chacun des nombreux passages à haute tension. C’est cette trilogie architecturale qui construit l’intérêt d’une pièce rendue dans sa monumentalité et sa diversité de couleurs. Ce sens de la construction sonore, par-delà la difficulté de la captation à rendre toute la richesse des tutti, chante les louanges de l’interprète, en grande forme musicale, des œuvres interprétées et de l’instrument grandiose qui prend totalement vie sous l’impulsion d’un organiste alors presque quinquagénaire.
En bref
Plus qu’un document « culte », selon la guilde des fous furieux pro-Guillou (ils sont légion) : un moment captivant, pour tous ceux qui ont envie d’écouter un disque d’ogre. D’orgue, pardon. Bref, même si nous ne touchons aucune commission (voyons, un peu d’hygiène) sur les ventes, pour 10 €, ça se passe ici.
Jean Dubois, Forum Léo Ferré, 1er juin 2018
Jean Dubois est, c’est vrai, un chanteur dont on pense que c’est bien ce qu’il fait, par exemple parce qu’il est grand dans moult formats de récitals et que l’on lui doit un maousse frétillement d’ego, un peu comme quand Jann Halexander nous invite à fredonner une première partie, ou quand Claudio Zaretti nous convie pour ouvrir son concert au prestigieux Espace Jemmapes – tudieu, fallait pas mesurer nos chevilles ce soir-lô. Néanmoins, le mec qui s’appelle Jean Dubois et habite une fenêtre sur Paris n’est pas que tout ça.
Ce premier soir de juin 2018, Jean Dubois est avant tout l’homme qui met Ivry à 1 h 50 de Paris. Si, 1 h de transport + 50’ d’attente après l’heure officielle du début afin que le Forum finisse de nourrir les fans du chanteur, ça fait 1 h 50’. Grave ? Pas grave ? A priori, grave : on m’aurait dit que le concert commençait à 21 h 20, pas à 20 h 30, j’aurais quand même bu un coup in situ mais j’aurais apprécié de pouvoir travailler davantage avant – ben quoi, faut bien vivre, même si certains héritiers, banquiers, boulangères, petits mitrons et autres cochonneries de ministres gagnant, grâce aux clampins que nous sommes, des dizaines de milliers de bouboules pour dénoncer les fainéants contents de « profiter » des aides sociales, n’en voient pas la nécessité. Cependant, Jean Dubois reste, quelle surprise, Jean Dubois. On vient l’écouter avec de hautes attentes ; en sus, on s’inquiète de voir que, intelligemment, il préfère le piano à queue du Forum Léo Ferré à sa guitare coutumière ; et, concert faisant, l’on s’agace que l’organisation laisse sans cesse cliqueter un photographe (apparemment la nouvelle mode expérimentée la veille). Or, en dépit de ces dissonances qui grincent dans le zinzin de notre crâne, l’on ressort du concert en pétillant et encore plus admiratif du zozo. Pourquoi diable ? Proposons trois justifications : le lieu, le répertoire et l’artiste.
(Wouah ! Le plan tripartite ! Ça vaut pas le récit de l’accident bénin de la fille de l’artiste et de son compagnon, mais on fait c’qu’on peut avec c’qu’on a, ventre-saint-gris.)
D’abord, le forum Léo Ferré, où nous n’étions point revenu depuis lurette, a changé de têtes mais n’a pas changé. Alors que le Limonaire est mort, comme le Magique dont le proprio se produit ici fréquemment ; alors que les acteurs mutent et que le site se modernise, l’esprit vaguement anar (plat, apparemment très savouré, à 12 € quand même) du lieu, sorte d’Olympia de la chanson avec des places quand même sa mère plus accessibles, se maintient dans ce qu’il a de mieux : sourire de l’accueil, tarif réduit pour les artistes, cutruche (ou coup de rouge) à 3 €, tutoiement bienveillant de rigueur, bel accueil de l’étranger aux rares tables où il reste une place, public écoutant et participant avec enthousiasme mais intelligente parcimonie. Quel plaisir de constater que, comme les chante si bien Jean Dubois, il reste des manières de cabaret revêche à la subvention, donc de très haute qualité, n’appréciât-on pas toute leur programmation !
Ensuite, le répertoire chanté (et essentiellement écrit) par Jean Dubois est un bonheur sans cesse renouvelé. Les gourmands y retrouvent leurs tubes comme le « Petit pays » qui conclut le récital sur un arpège dont l’artiste, capable de jouer en G#, encore plus chic qu’en Ab, est très fier ; les spécialisss y repèrent les raretés (le « Bord de l’Indre » ne peut être sous-chanté que par eux) ; les esssperts y regrettent l’absence d’inédits (même relatifs : mârde, on aurait bien aimé retrouver « Marguerite »… mais il est vrai que l’on applaudit le poignant « J’espère que tout le monde va bien »). C’est allègrement attendu, avec le lot de mazurkas et polkas obligatoires – le mec adore les musiques à la mode, c’est comme ça – ou le passage par « la rue Tiquetonne » ; c’est regénérant via l’excellent « Splash » de l’époque des « Accompagneurs » ; c’est émouvant grâce aux chansons dédiées implicitement à la grande chèvre que le chameau en plastique aima tant, bien qu’ils se battissent ; c’est étonnant grâce aux reprises de l’artiste (« Not Dark Yet » de Bob Dylan, extrait de son dernier vrai disque mais rendu enfin intelligible, vingt ans après, et « C’est le vent » de ce benêt de Gérard Blanchard, qui laisse ses tubes stupides sur le Net mais éradique le reste – la seule vidéo disponible de Jean Dubois chantant cette cover en 2008 il y a dix ans au Limonaire étant esthétiquement pire que nos pires vidéos, ce qui n’est pas peu dire, nous ne la citerons point ici) ou de l’invité Stéphane Cadé (chanteur qui, pour ce que nous en connaissons, ne nous fascine guère mais dont Jean Dubois est fan) ; c’est roboratif grâce à la variété des types de chansons enchaînées, avec interludes parlés ou instrumentaux… ou pas.
- Photo : Bertrand Ferrier.
- Photo : Bertrand Ferrier.
- Photo : Bertrand Ferrier.
- Photo : Bertrand Ferrier.
Enfin, ce n’est pas faute de le seriner, Jean Dubois est un artiste hors pair, sans doute l’un des plus enthousiasmants des chanteurs intelligents underground – underground pas parce qu’il est incaptable par le grand public, juste parce qu’il est moins con et putassier qu’un Stromae, par exemple, donc sous les radars des grands de la souvent immonde industrie de la chanson mainstream. Est-il stressé malgré les dizaines d’années de scène, voire en difficulté depuis le siège d’un piano à queue ? Il transforme ces évidences en un atout artistique : loin de transformer inquiétude et timidité en excuse, il s’en sert comme d’un élément constitutif de son personnage de chanteur : hésitations à la fois travaillées et feintes, épure des interludes, intériorisation de la musique et du texte, même quand les paroles se rebellent ponctuellement… Ses saillies humoristiques, qui se libèrent à mesure que le concert se passe, restent condensées, efficaces, émouvantes. Son jeu pianistique, sans doute limité mais toujours honnête et qualitatif, est source de plaisanteries abouties, poussées, musicales, audacieuses. En presque un mot, son sens du tour de chant éblouit, leçon épatante assénée avec une simplicité et une efficacité que son talent d’auteur-compositeur voit exponentiellement sublimé par son incroyable présence scénique d’interprète.
En conclusion, ceci n’est même pas un message de fan : n’oublie pas que l’on n’arrive à rien tout seul – il faut toujours quelqu’un pour t’en empêcher. Autrement dit, la prochaine fois que quelqu’un, fût-ce la vie, te bâtonne dans les roues pour que tu n’ailles point applaudir Jean Dubois en solo, heureux comme un saint d’obtenir enfin l’auréole, improvise cette musique et ces paroles : VAS-TU DONC BIEN CHIER, MAUDIT TROUDUC, POUR RIEN AU MONDE JE RATE ÇÔ !
Jann Halexander, L’Archipel, 31 mai 2018
Aller applaudir Jann Halexander, c’est très reposant. Pour une fois, pas de risque d’être accusé de racisme (le garçon est un mulâtre revendiqué) et d’homophobie (l’homme est un bisexuel gourmand). Ou au contraire : peut-être est-ce un snobisme de Blanc qui, à défaut d’avoir le sexe triste, ne l’a, sans ramer, pas gay. Argh, comment savoir – et qu’est-ce qu’on s’en tampiponne, en vrai ?
Pour nous, le récital donné par Jann dans ce théâtre – cinéma parisien (« un ancien cinéma porno, mais ne vous inquiétez pas, ils ont changé les sièges depuis mon premier récital ici, en 2010 ») est une possibilité d’ausculter la troisième et dernière version d’un spectacle fomenté autour d’un disque, puis applaudi en novembre et en décembre… avec une petite annexe fort différente en février. Quel intérêt d’y re-retourner ? Eh bien, par exemple, profiter de l’invitation et de la confiance d’un artiste, c’est déjà pas mal. Moins personnellement, prolonger la curiosité pour ce tour de chant protéiforme, entre engagement politique et sexuel de plus en plus ferme, spontanéité bien bridée mais pas toujours – heureusement, et intimisme plus développé (« quand je parle de moi / souvent je dis vous » chante Romain Didier, et ça marche aussi quand le vice versa).
L’intérêt, c’est aussi d’ainsi avoir l’occasion de découvrir une nouvelle première partie : dire que nous sommes éblouis par l’art que pratique la lumineuse Nanda serait mensonger, mais c’est aussi le charme d’une première partie de donner à découvrir une artiste chanteuse – slammeuse aimant faire éjaculer le foutre polyglotte de ses vers en suçant son style et son stylo (pour la découvrir moins synthétiquement, lire ici). Bien sûr, c’est l’opportunité aussi de rappeler à certains spectateurs que l’on est venu écouter Jann, pas eux, donc qu’il faut qu’ils closent leur caquet avec célérité car c’est plus Dieu possible, putain ; et, accessoirement mais pas si accessoirement que ça, c’est l’obligation de regretter que l’artiste ait, semble-t-il, autorisé un photographe aux hénaurmes appareils à mitrailler bruyamment tout au long du concert. C’est moins douloureux que d’autres mitrailles avec bataclan mais, sur un concert resserré, avec un bon son de piano, bon sang, c’est, à notre aune, une erreur fort dommageable.
Si l’on passe sur ces risques du concert de chanson, tout y est : la chanson, justement, poétique ou humoristique ; la voix caractéristique, sciemment fragilisée quand elle visite le haut du spectre ; une pincée de géopolitique ; des shoots d’auto-ironie ; de l’émotion ; de la réflexivité artistique ; des chocs féconds entre provoc et exploration sensible du passé, entre verdeur et délicatesse, entre hommages aux publics façon Anne Sylvestre et saluts aux copines de route ou d’Ehpad (dont la sympathique Sultana, à retrouver ici, notamment pour son single cosigné par un certain Jann Halexander, titre anti-Frank puisqu’il s’intitule « Pas à pas », bref), entre classiques de l’artisss mais pas trop et nouvelles chansons. Surtout, on se repaît de la singularité de cet hurluberlu, qu’il chante Jann Halexander ou Pauline Julien, le jouir ou le petit village de Mayenne, l’éléphant à effet lent ou les ombres d’amoureux dansant, éternellement éthériques, en bord de mer longtemps, longtemps après que les la la la des amours ont disparu.
Ce soir de grande chaleur, se pavane, derrière la modestie du travail bien fait, un plaisant équilibre entre assurance dans les choix artistiques et vacillements laissant deviner l’humain derrière le créatif, à la fois histrion et déraciné car loin d’un Gabon qui s’éloigne, d’une part, et nomade de la musique d’autre part. Gabonais conquis, publics de tout âge, blanchâtres revenant saisir des bulles de la magie Halexander, fans pressés d’acquérir livres, disques et recueils de l’artiste sous la vigilance bienveillante de Monique Hottier : le public mulâtre qui a bondé la salle rouge de l’Archipel et, plus largement, celui qui a suivi le zozo au long de sa dernière année de concerts, attendent à présent avec curiosité le prochain avatar artistique que lui proposeront bientôt docteur Jann et mystère Halexander.
Jean Guillou, « Inauguration des orgues de León », Augure
« Il n’y a point d’Art qui n’ait ses principes », annonce dom François Bedos de Celles en ouverture de la première partie de son monument. « Il n’est point d’Artiste qui ne doive connaître [les principes] de sa compétence. (…) Il est essentiel au Facteur d’Orgues d’en être instruit, pour ne pas risquer de travailler au hasard à la construction d’un instrument de si grande conséquence, et dont la dépense est toujours fort considérable. » 252 ans plus tard, une constante demeure – le coût, à la hauteur du monument. En revanche, le risque de travailler « au hasard » est fort réduit par la multiplicité des intervenants.
Témoin, le disque Augure ici chroniqué, portant mémoire de l’inauguration des grandes orgues de la cathédrale de León par el señor Juan Guiyú. Il constitue le troisième volet de notre saga « Jean Guillou chez Augure » et illustre la collectivisation du job de grrrand facteur en soulignant que le présent monstre à tuyaux est porté par des concepteurs multiples : outre les institutionnels et l’organiste – chanoine – maître de chapelle local, sont crédités…
- le fabricant (Philipp C.A. Klais) ;
- ses assistants à la conception technique (Stefan Hilgendorf), à l’installation (Norbert Wisnewski) et à l’harmonisation (Andreas Saage) ;
- Paco Chamorro pour « la configuration architecturale de l’instrument » ;
- et Jean Guillou himself pour « la conception générale et la composition » de la Bête qui sont, tient à stipuler le fabricant, « exclusivement celles de Jean Guillou ».

L’incroyable plan de captation (détail) de Pablo Vega Otero enfin révélé en exclusivité pour www.bertrandferrier.fr
Le projet
Pour le concepteur, l’objectif de cet instrument est rien moins que d’« inspirer une nouvelle esthétique dans le vingt et unième siècle ». Du coup, le buffet s’éclate. Séparé des deux côtés du chœur, il articule en réalité huit façades de tuyaux dont la disposition et la composition reflètent les « dernières idées et les derniers concepts organistiques » de Jean Guillou, qui conclut : « Voici le résultat de toute mon expérience et mes recherches dans le domaine de la création musicale. » On sent que ça rigole pas : c’est technique, profond et personnel. Dans le monde de gros sous, de technicoss, de technocrates et d’artisans virtuoses qu’est celui, très fermé, des créations de grandes orgues, c’est plutôt allègre de constater que la subjectivité reste un critère structurant.
Pour le prouver, Jean Guillou inaugure lui-même son monstre en proposant un programme allant de Joan ou Juan, selon les sources, Cabanilles (1644-1712) à… Jean Guillou, tant il est vrai que, sur un grand instrument, « les problèmes d’esthétique n’existent plus, ce sont de faux problèmes » réservés à « ceux qui regardent en arrière ». Cela fait écho à sa profession de foi fougueuse, martelée derechef dans la quatrième édition de L’Orgue, souvenir et avenir (Symétrie, 2010, p. 165) : « Une œuvre de Bach jouée sur un Cavaillé-Coll demeure un événement musical, de même qu’une œuvre de César Franck, jouée sur un orgue classique ou néoclassique sera parfaitement acceptable. » (En clair, pour les non-spécialisss, jouer une pièce du dix-septième siècle sur un orgue postérieur de deux siècles, et vice et versa, c’est pas choquant, même si les purisss jugeront que ça s’fait pas.)
Par-delà les déclarations d’intention, il restait, le 21 septembre 2013, à valider ce credo par la musique.

Le concert (1) : variations et frissons
Le concert s’ouvre sur un « Tiento » du sixième ton de Joan Cabanilles. Les passionnés de précision s’offusqueront d’un titre vague (Cabanilles a dû écrire des palanquées de tiento du sixième ton, c’est un peu comme si on écrivait « Pièce en ré » de Johann Sebastian Bach), sans effacer le double intérêt de ce choix : hommage aux autochtones – c’est bien, même quand on est une vedette, de respecter les locaux – et, à travers les développements (la pièce pèse plus de 9′), explorer différents registres sans concentration de l’attention de l’auditeur – ils étaient plusieurs milliers ce soir-là – sur la virtuosité… en dépit de variantes en trio pour lesquelles l’interprète doit tricoter de la saucisse et du neurone.
Cette introduction parfaitement jouée permute vers le Nord avec le Prélude et fugue BWV 532 de Johann Sebastian Bach. On y apprécie un souci de quasi régularité qui n’a pas toujours été caractéristique de Jean Guillou, mais qui est indispensable pour faire chanter l’orgue dans un idiomatisme spécifique. Dans ce cadre respectueux du texte, on goûte mieux les petits tags graffités par le maître de Saint-Eustache de l’époque : le choix du détaché (fin du prélude avant la séquence à double pédale) et l’ivresse de la vitesse qui s’ensuit dans la fugue consécutive, où les moyens digitaux du musicien octogénaire doivent faire envie à plus d’un. Comme il est malin, il profite des parties à deux claviers pour faire entendre deux registrations proches mais distinctes, soulignant ainsi la pertinence de son choix de composition [pour les non-spécialisss, la composition désigne non la pièce que l’on joue mais la sélection des sons qui existent sur un orgue]. Les amateurs de musique élégante zapperont cette troisième plage. De facto, l’interprète ne musarde pas en chemin, et la prise de son si riche de Pablo Vega Otero, assisté de Victor Fuertes, n’empêche pas la bombarde de pédale de saturer le finale. En revanche, ceux qui pensent qu’une fugue ne doit pas être gnangnan mais permettre à l’artiste de virevolter avec gourmandise, bienvenue – le risque du live, ici supérieurement oublié, apportant un p’tit plusss que les passionnés de frisson apprécieront.
D’autant que cette piste est un tournant. Après ça, focusss sur le triple Guillou, en susss de l’organier et de l’interprète, rien que ça : le compositeur, le transcripteur et l’improvisateur.
Le concert (2) : la trinité Jean Guillou
le compositeur – le transcripteur – l’improvisateur
Ça re-commence par le Jean Guillou compositeur. Opportunément, Säya (9’) est l’œuvre la plus représentative du personnage : elle est le précipité d’éléments proximaux mais distincts. De même que Jean Guillou se revendique comme, simultanément, concepteur d’orgue, interprète et musicien protéiforme, de même Säya (jadis sous-titrée « ou l’oiseau bleu ») se présente comme la « paraphrase d’une improvisation » propulsée en Corée. C’est ce dont témoignait l’artiste en 1997, quand il batifolait sous l’ère Philips avec, déjà, son équipe des fidèles d’aujourd’hui, au premier rang desquels Jean-Claude Bénézech à la prise de son et le grantorganiss Vincent Crosnier et le caninophile Antoine Pietrini en co-assistants foufous du maître.
Selon une logique ABA [pour les non-jargonisants : on commence par un truc désigné comme A, on développe – ce que l’on appelle « B », on finit sur un truc qui ressemble au début A, d’où ABA], la pièce revendique sa filiation avec une mélodie folklorique de quatre notes dont « l’épure et la nudité incantatoire », je cite, ont incité – ha-ha (si je, cite, incite, bref) – le compositeur à la transformer puis à la libérer du poids tant des tuyaux grondants que de l’écriture savante afin de l’offrir, en écho, à la résonance des voûtes. Subséquemment, ce qui n’est pas rien, des festons de possibles semblent jauger les développements envisageables. Des à-plats sonores tentent de s’élever vers les aigus, tandis que, en contrepoint, des percussions qui ne font écho au thème liminaire que par des séries de quatre hauteurs parfois enchaînées.
Soyons stipulatoire : même si nous pétillons quand nous sont offerts – ben oui, privilège, on ne le nie pas – des disques aussi intéressants, pas question pour nous de prétendre que, en soi, Säya, dont nous avions pourtant acquis une version précédente, est une musique qui nous passionne, ni d’affirmer que les prouts de pédale (4’45 à 4’54 – pardon pour le lèse-majesté, mais la comparaison, avec la même œuvre interprétée à Saint-Eustache en 1997, pourtant – ou parce que – dans une prise de son très éthérée, n’est pas flatteuse pour l’instrument nouveau) nous stimule particulièrement : c’est joyeux de découvrir ce document et d’avoir la confiance d’Augure, mais le lèche-bottisme mensonger n’est pas notre came. Donc, non, malgré notre rêve de quarante et un ans de devenir fan, un jour, de n’importe qui vu que, soyons clairs, ça doit être aussi coûteux que cool, disons coolteux, nous n’arrivons pas encore à nous laisser fasciner par le Jean Guillou compositeur. Reste que le choix de cette pièce est fort pertinent dans le cadre d’une découverte d’un nouvel orgue. De fait, comment mieux apprécier les contrastes proposés, le spectre sonore parcouru et la spécificité des registrations sinon quand l’interprète joue sur l’orgue que l’organier a fomenté selon les goûts du compositeur (la saine trinité Guillou, en somme ) ?
S’ensuit le gros morceau mettant en valeur le Jean Guillou transcripteur et interprète. Les Tableaux d’une exposition de Modeste Mussorgski ont souvent inspiré les artistes, notre ami feu Yannick Daguerre compris. Jean Guillou s’astreint à en proposer une transcription afin d’orchestrer à l’orgue, sans complexe, cette pièce pour piano. On a sans doute beaucoup glosé sur cette trahison gourmande : reprises, transpositions octaviées, recolorisations (anches explosant sur deux temps accentués), réécriture, inventions… La liberté du remixeur séduit – sinon, on écoute l’original pour piano, et la question qui ne se pose pas a sa réponse. Comme de coutume, prétentieux et incapables de nous sous-maître au diktat du mètre, ou l’inverse, nous ne sommes pas emballé par chacun des changements de tempi, subits et subis lors de la réexposition du thème, par certains détachés (début plage 9) ou par les accents curieux (voir par ex. la piste 7) ; et, comme de coutume, ambivalent, nous nous réjouissons d’entendre les différents jeux (cromorne dans « Il vecchio Castello » aka « Le troubadour ») ou atmosphères (lourdeur réussie de « Bydlo »). L’œuvre, qui décline un même thème de façon contrastée, au fil des « promenades » qui aèrent et filrougent la suite (du verbe « je filrouge, tu filrouges, il ou elle filrouge, que je filrougeasse, etc.), paraît idéale pour passer en revue les quasi infinies combinaisons envisageables sur un gros instrument.
Vus sous cet angle, le plus important, le choix de l’œuvre et son « organisation » sont idéaux pour l’inauguration de ce type d’instruments, même si, contrairement à ce qu’affirmait l’interprète dans le livret de son disque Philips de 1999, les passages pianistiques comme « Le marché », avec un p’tit jeu de 2’, passent parfaitement avec des doigts déliés, sans nécessité de fantaisie spéciale – et le transcripteur le sent bien, qui ne joue pas au plus malin, sachant que Jean Guillou adore ces passages agités. Moins convaincantes sont les « Catacombes », où la pédale faussement sautillante et le tremblant qui va bien font cependant le job. La « Baba yaga » (plage 19), très transcrite (« il fallait enrichir le contrepoint », revendique l’adaptateur qui ajoute une pédale furieuse solennisant l’entrée de Kiev), est un plaisir ensorcelant. La pédale expressive, jusque-là peu utilisée comme pédale ouah-ouah, renforce les contrastes et éclaire de nouveaux aspects de l’orgue. Triomphe mérité, plus encore pour l’interprète que pour le transcripteur, non seulement pour les difficultés techniques surmontées (ce qui n’est déjà pas rien) mais surtout pour son souci de donner à entendre un large spectre justifiant l’investissement local fait dans l’instrument.
Le concert se conclut sur une improvisation virevoltant autour d’un thème très moche de Cristobál Halffter. Commencée sur une marche solennelle imposant un précieux contraste entre le rythme lourd de la pédale et le déséquilibre du thème, l’improvisation spatialise sa quête en ayant l’honnêteté de revenir régulièrement aux quatre notes liminaires, structurant l’écoute alors que l’improvisateur pourrait élucubrer dans son p’tit coin. Anches et jeux de détail aigus se mettent tour à tour en évidence avant que les tutti variés tentent de réduire ce babillage au silence. Las, après l’orage, les pépiements débordent la colère des éléments et s’envolent avant qu’une interrogation plus furieuse ne revienne menacer l’édifice. Ce dialogue entre piapiapias virtuoses et ires solennelles finit par accorder la victoire à un climat calme et à cette question finale qu’apprécie particulièrement l’improvisateur pour conclure, sec, la tension créée par la mise en musique de son talent.
La conclusion
Même si, dans le livret, on regrette l’absence d’une vue d’ensemble de l’instrument, il convient de saluer un disque plus que solide sur cinq plans :
- attention portée à l’objet (même si, en sus de sporadiques et inévitables coquilles, on s’étonne de la gestion des caps – notre côté éditeur qui critique les autres et ça lui semble normal alors que, bref) ;
- rendu sonore peut-être pas très spatialisé mais très propre en dépit de la complexité de la chose ;
- découverte d’un nouvel orgue hénaurme ;
- valorisation de l’instrument par un choix pertinent d’œuvres ;
- interprète en grande forme signant un live, étonnamment présenté comme non patché, qui mérite diffusion voire acquisition en cliquant ici (prix : 10 €).
Honnêtement, George, what else?