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Coquinou

Cher ami hostile, aka brave paltoquet si j’en crois la traduction,
Je prends juste le temps de te bisouter. Ce matin aux aurores (qui n’est pas que le café préféré de Michelle Foresti), suivant les conseils des autorités, je suis retourné au commissariat compléter ma plainte contre toi. Non seulement, pâle pleutre (comme la couleur), tu n’arrives point à tes fins, mais j’espère que, un jour, si police et justice font leur djaube, tu l’auras profond, piètre hacker – les spécialissses que j’ai engagés pour que ta hhhaine reste impassiblement infructueuse en profitent néanmoins pour te remercier en ricanant.
Pouët-pouët larigot,
Ton adversaire pas anonyme, lui, pauvre couard, avec deux haines. (En gros, hein.)

Snegourotchka (La fille de neige), Bastille, 17 avril 2017

L’histoire : Femme 1 (Koupava) aime Mec 1 (Mizguir), qu’elle va épouser. Mec 1 rencontre in extremis Femme 2 (Fleur de neige) qui aime Mec 2 (Lel). Mec 1 souhaite acheter Femme 2 pour l’épouser. Femme 1 fait un scandale et obtient d’épouser Mec 2. Mec 1 s’apprête à épouser Femme 2 mais Femme 2 meurt et Mec 1 se tue vu que, de toute façon, Femme 2 ne voulait que Mec 2.

Le scandale : une fois de plus, Vincent Morell et Julien Joguet exceptés, 19 membres de l’équipe artistique (sur 21 cités dans le cast remis aux spectateurs, soit plus de 90 %), sont étrangers : Mikhail Tatarnikov, Dmitri Tcherniakov, Elena Zaytseva, Gleb Flishtinsky, Tieni Burkhalter, José Luis Basso, Aida Garifullina, Yuriy Mynenko, Martina Serafin, Maxim Paster, Thomas Johannes Mayer, Elena Manistina, Vladimir Ognovenko, Franz Hwalata, Vasily Gorshkov, Carole Wilson, Vasily Efimov, Pierpaolo Palloni, Olga Oussova. L’art a-t-il des frontières ? L’art, non, peut-être, quoi que je serais bien en peine d’apprécier la prestation d’une danseuse du ventre ou une représentation de nô, bref. Toutefois, on admettra peut-être qu’il est scandaleux de voir un Opéra dit « national » donner si peu d’occasions aux artistes nationaux de s’exprimer. Pour double preuve : d’une part, la présence de non-russophones d’origine (mais non-francophones) parmi les chanteurs de premier plan ; d’autre part, la proportion, certes moindre mais quand même, d’étrangers dans Carmen. Ce qui est ahurissant, ce n’est pas tant que l’opéra coûte si cher à l’État, c’est qu’il apporte si peu aux artistes de cet État (même si l’on pourrait revenir aussi sur la part d’artistes étrangers formés avec les subsides de l’État français au détriment des amateurs hexagonaux, bref).

Le chœur a posteriori, façon Meistersinger 2016. Photo : Bertrand Ferrier.

L’œuvre : reconnaissons-le, bien que Nikolaï Rimski-Korsakov ait écrit, peu ou prou(t), avoir, avec Snegoroutchka, composé le plus grand opéra de tous les temps, il ne s’agit pas, dramatiquement, d’un véritable cheffe-d’œuvre. Réparti en deux mi-temps (Prologue + acte I, 1 h 20’, mi-temps de 35’, Actes II à IV, 1 h 50), il exige souvent des spectateurs une concentration malléable. Quand la tension du récit dérivera, ce que résume admirablement le jeu de scène du tsar (Maxim Paster) demandant à Koupava (Martina Serafin) d’accélérer sa narration poétique, on se reportera sur les gags que les acteurs apportent. Entretemps, on se laissera fasciner par une orchestration formidable (utilisation du tutti comme des soli de clarinette, de harpe, de piano, etc.), par une partition d’une variété fascinante (changements d’instrumentarium, styles allant de l’opéra borodinien au folklore classicisé en passant par une multitude de climats différents et de « trucs » différents, feat. le leitmotiv post-wagnérien, que le compositeur révèle volontiers), et par des airs solistes virtuoses – tous, en l’espèce, admirablement exécutés.

Vasily Efimov (L’esprit des bois), Quelqu’un, Vladimir Ognovenko (le Père gel), Maxim Paster (le Tsar), Martina Serafin (Koupava), Thomas Johannes Mayer (Mizguir), Aida Garifullina (Snegourotchka), Yuriy Mynenko (Lel), Elena Manistina (Dame Printemps) et Franz Hawlata (Bermiata). Photo : Bertrand Ferrier.

La représentation : la médiocrité moyenne des mises en scène vues cette saison (et modifiant mon choix de catégorie pour l’an prochain) impacte forcément l’analyse de cette création de l’Opéra national de Paris. Pas de nazis avec bergers allemands, cette fois, juste du Dmitri Tcherniakov. Donc beaucoup de couleurs vives, articulées autour d’un décor de base (une prairie moussue qu’envahit la forêt mobile ou un ensemble d’isbas) et d’un décor spécial prologue où « les collines rouges, près du quartier des marchands » sont remplacées par une salle de classe de danse. Ben, parce que, le metteur en scène est au-dessus de l’opéra et de ta gueule. D’ailleurs, ta gueule. Cependant, stipulons que le palais du tsar n’existe pas, et la vallée finale est une forêt. Pas une forêt vallonnée, juste une forêt. Même pas scandaleux, à peine WTF, à l’aune de Bastille. Faute d’idées, on nous ressert quand même l’indispensable folle (gestes manuels maniérés de Yuriy Mynenko au I) et des gens qui courent nus au III avant de se poser au milieu des chanteurs habillés – pourquoi ? Pfff, on sait pas, mais mets-y des gens à poil, ça fait toujours son p’tit effet. En plus, les dames qui s’emmerdent pourront mater de la boustiquette tandis que les gros cochons se satisferont de nichons qui se dandinent – ou de la fesse qui frétille, for that matters. En sus, pour être moderne, cette production confie le rôle de la contralto à un contre-ténor brillant, reconnaissons-le, mais absolument pas convaincant dans son rôle de grand séducteur. Est-ce pour signifier que les homos efféminés (ou ceux qui les incarnent sur scène) sont les vrais hommes à femmes ? Le débat nous intéresse presque aussi peu qu’il devait intéresser le compositeur. Cette obsession de la médiocrité-qui-fait-metteur-en -scène-des-années-2010 pourrait gâcher le plaisir si (passées les dix premières minutes pour la plupart des gros rôles) les vraies voix ne prenaient le dessus sur une mise en scène sans intérêt notable, c’est-à-dire sans capacité à susciter un tilt quand le livret faiblit, ou une émotion supplémentaire quand le livret grandit – la scène où Fleur de neige est censée fondre et où, en fait, elle s’effondre, suffirait à elle seule à révéler, au choix, l’incompétence, le lacanisme décadent ou le je-m’en-foutisme du metteur en scène, soulignée par la sortie grand-guignolesque de Mizguir, qui aurait dû être, bordel, un moment poignant.

Aida Garifullina à Bastille, le 17 avril 2017. Photo : Bertrand Ferrier.

La musique : sous la direction de Mikhail Tatarnikov, l’orchestre met surtout en valeur ses précisions, à quelques décalages près notamment dans le IV (bien excusables après une telle débauche de finesse et d’énergie)… et ses solistes, remarquables, cor compris en dépit d’une introduction quasi injouable dans le I. Comme, ô nouveauté digne des 70’s, le chœur, efficace mais plus utile scéniquement que musicalement, batifole en figurants pendant l’entrée des spectateurs, les honteuses et détestables répétitions de dernière minute qu’inflige l’orchestre aux clients, sans la moindre considération pour eux, insupporte moins que d’ordinaire, même si leur côté insultant n’échappe à nul être sensé. Côté plateau vocal, on remarque surtout que certains chanteurs semblent avoir omis de faire leur voix. Il faut du temps avant que Vladimir Ognovenko, au rôle pourtant court, chante ; même remarque pour Maxim Paster, dont la voix finale laissait pourtant espérer mieux. Quoique allergique aux contre-ténors et à leurs pénibles voix si insincères, on ne peut que louer le sens des nuances de Yuriy Mynenko, même si la présence conventionnelle d’une femme travestie aurait, sans le moindre doute, mieux convenu. Partant, on apprécie avec moins de réserve l’abattage des parents d’adoption que forment Vasily Gorshkov et Carole Wilson. Côté vedettes, on se réjouit de retrouver Martina Serafin en victime machiavélique : son incarnation ambiguë de la femme bafouée et manipulatrice est portée par une voix sûre qui ne souffre pas d’une pourtant longue exposition scénique. Thomas Johannes Mayer, chouchou de Bastille, nous semble posséder un russe exotique ; cependant, cela ne l’empêche pas de s’efforcer de jouer (le blessé, le choqué, l’incomprenant…) avec des réussites diverses mais une conduite de voix toujours royale. Chapeautée par une Elena Manistina perruquée en croisement de Margaret Thatcher et de Marie-Antoinette, et inégale selon le registre de sa tessiture, la vedette de la soirée reste Aida Garifullina. Pourtant, la brillante gamine inquiète d’entrée : après trois airs pyrotechniques, ce petit bout de femme tiendra-t-elle ? Il tiendra, le bon petit bout. Avec sensibilité, souffle, projection, contrastes et constance. Cela, et non la mise en scène entre insipide et agaçante, valait bien des bravos à rallonge.

Vigile pascale, Notre Dame de Paris, 15 avril 2017

Invité à La Kathédrale pour y rencontrer Olivier Latry au Grantogre à l’occasion de la vigile pascale où Saint-André de l’Europe était la paroisse invitée d’honneur. Un peu étonné de ne pas jouer la vigile, pour la première fois depuis vingt-sept ans, mais la cause était bonne.

Spectacle son et lumière garanti.

On peut même écrire “son et lumières ».

Mais avouons que l’on était surtout venu pour ça.

Et pour ça.

Donc pour ça.

Bref, quel bilan ?

Histoire de rester dans l’ombre de l’omniprésent Olivier Latry, on peut révéler 1), que bien qu’il mange des bananes et boive de l’eau, il cache des biscuits chocolatés quelque part à la tribune, 2) qu’il s’est fait exécuter des lunettes alla Harry Potter, 3) qu’il se souvient de feu l’étudiant venu au conservatoire avec son basset prêt à ramper sur le pédalier pour échapper au prof, et 4) qu’il a des réflexes de rganissse liturgique comme : se tenir prêt puis prendre à témoin le visiteur de tribune quand le “Notre Père” indiqué “proclamé” est chanté. Le reste reste, précisément, à la tribune, dans “le ventre de la Bête” ou sur les quasi quais de Seine, mais c’était chouette.

Chemins de Croix

Grosse affiche : un chemin de croix créé à Saint-André de l’Europe, un texte du grand poète méconnu Gérard Murail reconstitué par Pierre-Michel Robert, quinze improvisations de l’un des plus grands spécialistes du genre, le tout pour une entrée libre. Encore une fois, pour le festival Komm, Bach!, on voulait faire plus. On n’a pas trouvé.

Claudio Zaretti, Petit théâtre du bonheur, 8 avril 2017

Claudio Zaretti vu par Rozenn Douerin.

On eut déjà l’occasion de louer Claudio Zaretti – nous renvoyons les curieux à l’hyperlien, d’autant qu’il rappelle au souvenir de l’artissse des chansons que j’aime bien comme Gratter travailler, alors bon, bref. Pour vérifier nos récurrentes impressions positives, nous l’allâmes ce tantôt applaudir à nouveau, cette fois au Petit théâtre du Bonheur où nous avions récemment salué la performance de Jean Dubois.
Dans une petite salle montmartroise bien pleine, Claudio se fait un plaisir de régaler ses admirateurs de trois types de chansons : ses classiques (« Dans les gares », « Je m’appelle Claudio »…), ses récentes (issues de Deux diamants, présenté à l’Espace Jemmapes) et les deux inédites qu’il tourne depuis quelques mois (« Kiki » et « Cosmos Hôtel »…). Il alterne, avec un mélange appréciable d’art et de spontanéité, les chansons quasi engagées (« Ô liberté », « Nunca más »), très relax (« Chanson des îles »), descriptives (« Le marché ») ou énergiques (pour lesquelles, loin d’inciter à l’euphorie abêtissante, il sait manier les nuances). Sur une structure classique de chansons qui ne prétendent pas réinventer la chanson, le franco-italo-suisse imprime sa personnalité artistique : mélodie, bienveillance, curiosité, sens de l’observation, sensibilité, sincérité et intégrité – parmi son vaste répertoire, l’olibrius choisit de chanter ce qui l’inspire au moment présent.

Les fanatiques (Claudio en a moult) repèrent, au gré des interprétations, les spécificités du soir, comme cette révolte, et non cette récolte, qui sera bonne (« Nous, on a vingt ans »). Preuve que, malgré son apparente timidité, l’homme, habitué à mille publics différents, reste perméable à l’émotion du moment, par-delà l’excellence de sa prestation. Loin du lisse que sa gentillesse anti-conflictuelle pourrait laisser anticiper, Claudio Zaretti esquisse une voix et une voie qui lui sont propres, pavées de chansons accessibles, émouvantes et euphorisantes. On regrette que le Petit théâtre du bonheur ne daigne pas offrir un p’tit coup à boire à la fin – ce qui surprend même l’artissse ; mais cela n’empêche nullement les retardataires de quérir auprès de l’artiste quelque graffiti sur l’un de ses disques en vente à la sortie. Nous, ça fait un moment que l’on a découvert ses œuvres grâce à un disquaire bizarre de la Fnac Saint-Lazare ; mais, ou donc, on n’en a pas moins passé une soirée pomme-pet-deup à avoir, une fois de plus, confirmation, que ce type sympa et humble est aussi un chanteur avec du texte que ça fait du bien de l’esgourder. Bravo, signor Claudio !