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De Bach à Bach : la ballade de Yann Liorzou

Un grantartiss.
Un groprogramme pour tous.
Générosité, variété, exigence, grantécran, trégratuitt.
Avec un Breton, en sus. Avizonatifs et aux gens normaux, presque comme moi.

Du métronome au métro rhum

Quand tu es accueilli à ta répétition par un café bien serré, puis une dégustation impromptue de rhum 44 (ambiance agrume macérée avec 44 grains de café a minima 44 jours) et de rhum bois bandé (très marqué par l’anis étoilé), tu sens que le feeling musical va être bon.

Vincent Genvrin, 8 mai 2017, Maison de la radio


J’avoue, je n’ai rien compris à l’idée de “concert-atelier”, et j’ai été un brin déçu par ce que cachait cette appellation. Puisque ce concept d’une heure environ mettait en son Vincent Genvrin, grantorganiss et transcripteur, j’espérais que l’on entrerait dans son (ha-ha) atelier spécifique avec des questions du type “pourquoi transcrire pour orgue des trucs qui fonctionnent très bien ailleurs”, “à partir de quoi transcrire et en imaginant quel type d’orgue”, etc. La réplique fonctionnelle quoique spécifiquement cultivée, ou l’inverse, qu’apporte à l’artiss François-Xavier Szymczak ne fraye point dans ces eaux-là et se contente de ponctuer, avec une sobriété BCBG, les interventions du musicien. (D’autres critiques ? Bien sûr ! Par exemple, le fait qu’une assistante que l’on imagine rémunérée ne daigne pas faire l’effort d’adopter un haut assorti au bas ; l’horripilant tuyau qui serpente jusqu’à la console mobile ; la honteuse sonorisation, dans une “maison de la radio” qui rend peu audibles les échanges parlés depuis les “loges” latérales ; et l’absence de “
programmes de salle », dont le texte est disponible sur Internet mais pas en direct live, allez comprendre.)


Un tube ouvre joyeusement la présentation de ce concert parlé autour de la transcription. En l’espèce, “Jésus que ma joie demeure” dans la version qu’en proposa Maurice Duruflé. Le virtuose du jour était ven
u tester l’arrangement à Saint-André pour “bien travailler sur le legato ». En à peine 4′, l’exigence de l’olibrius apparaît clairement : moins jouer des notes ou esbrouffer que donner à entendre la voix et les polyphonies, ou réciproquement, en faisant résonner cette admirable scie avec la richesse de timbres de l’orgue.
La transition avec le prélude de Tristan und Isolde est abrupte ; elle n’en est pas moins excitante, ne serait-ce que par son côté baroque, inattendu, injustifié. En réalité, elle permet au recréateur de faire sonner l’orchestre wagnérien dans les profondeurs de la Maison de la radio. Vincent Genvrin tâche de donner vie à la pâte sonore en distinguant les plans à l’aide d’une registration à la fois fine, non imitative et non spectaculaire. Clairement, le transcripteur (VG, donc) vise à l’honnêteté plus qu’au soulèvement carpentérien d’enthousiasme. Le public, bleufé, n’en salue que davantage son travail de traducteur et d’interprète.

Vincent Genvrin à la Maison de la radio

S’ensuit la transcription présentée comme la plus spectaculaire de la soirée puisque bénéficiant de “plus de cinquante registrations différentes” en sept minutes. Il s’agit de la “Forlane” du Tombeau de Couperin, qui salue la mémoire de morts glorieux, comme le rappelle avec pertinence le faux candide. En clair, nous avons affaire à une pièce dansante et syncopée où l’orgue paraît inapte a priori. Comment rendre swing, groove et évolutions de sonorités, de tempi, de relations entre les instruments ? En respectant les breaks propres à cette partition, en prodiguant un toucher précis (qui ne séduisit pas les snobs de merde errant parfois à Saint-Thomas-d’Aquin, sur le thème “c’est mieux quand que c’est qu’un orchestre il joue”), en osant des registrations inattendues, Vincent Genvrin désamorce toute critique et déploie une technique organistique magistrale – le seul reproche : nous offrir cette même pièce en bis, ce qui permet certes de l’apprécier avec plus de pertinence, mais exclut le plaisir d’ouïr d’autres compositions sous les doigts d’un zozo aussi brillant, y compris la “Toccata sur les tableaux d’une exposition” de Yannick Daguerre – pas une transcription, oh non, mais une pièce qui, en postlude aurait pu ouvrir la question des limites entre transcripteur et improvisateur, improvisateur et compositeur, sampleur et créateur, etc.
(Ça n’a aucun rapport, mais un bon fan de feu Yannick ne perd pas une occasion de parler de ce mec.)
(D’ailleurs, si, évidemment, ça a un rapport. Tout est calculé.)

Le concert dit “atelier” se termine sur une exploration de l’orgue articulée autour de trois transcriptions des Tableaux d’une exposition de Modeste Moussorgsky. Le vieux château, la sorcière et la grande porte de Kiev s’étalent alors sous les yeux et les esgourdes admiratifs des spectateurs.  Admiratifs pour la dextérité du zozo (jeu de pieds inclus, Ronaldo, rentre chez toi) ; pour la capacité à esssplorer les diverses sonorités d’un orgue Grenzig entretenu par Michel Goussu et Xavier Lebrun, qui séduit plus dans ses fonds et son plenum que dans ses jeux intermédiaires ; et pour le talent de rendre, à l’orgue, le foisonnement des climats dont Moussogrsky et ses orchestrateurs surent faire vivre ces partitions célébrissimes.

Presque Vincent Genvrin

En résumé, une heure d’orgue virtuose et orchestral pour 5 €, sous les doigts d’un p’tit barbu qui n’a l’air de rien, qui préfère avoir la mine basse et qui tente de dissimuler son talent de musicien, d’harmoniste et d’interprète en arborant des prétextes prestigieux. Bach, Wagner, Ravel et Moussorgsky furent cependant si bien servis que nul ne manqua de féliciter le vrai héros de cette soirée, Mr Vincent Genvrin himself.

Le rappel sentiel pour le rganizateur de concerts d’orgue : avant de venir, souvent, la vue et la vie, c’est ça.

SPA Grammont, 6 mai 2017

Voici miss Djeeya from the refuge Grammont (Genevilliers), six ans de chien courant et quelques mois de refuge. Aime renifler ventre à terre, courir sus aux lapins et se faire grattouiller le bidon. Attend son futur maître, rigolo de préférence, pour câlins (et lapins) à rattraper. Puis vint le tour de…

BIIIP ! Trop près, on la refait. Puis vint le tour de…

… m’sieur Bobby, beagle de bientôt treize ans, ici chopé au moment où il comprend que la dame qui se promène avec nous, avec son survêtement de la Fédération Sportive Gaie et Lesbienne – Paris 2018, c’est celle qui va l’extraire du monde tout pourri du refuge. Une dame qui écrase la larmichette et supplie que l’on explique à Bobby qu’elle va venir quand on doit le remettre en box le temps de finir les papiers ne doit pas faire une bien mauvaise maîtresse, après…
Et enfin, please welcome M. Zeus, qui conclut ces trois heures de ballade… en compagnie de son probable futur adoptant, séduit par ce p’tit malinois lui rappelant sa croisée malinoise, morte mardi. Zeus aime faire des câlins, des blagues, des roulades, des facéties, des roulades, des plaisanteries et des roulades (ou des câlins). Pour un chien de garde, c’est raté. Pour un chien tout court, bien ouèj.

Printemps, quand tout florilège


Le meilleur de Bach en une heure ? Non. Le meilleur de Bach pour orgue selon Bruno Beaufils de Guérigny. Incluant des chorals, un concerto transcrit, de la fugue et… the passacaille et fugue pour conclure la fête. Grandiose, gratuit, grand écran, grand écrin. Alors, prêt pour le grand frisson ? (Pfff.)

Stéphane Blet, Institut Goethe, 2 mai 2017

Dans un monde aseptisé, où l’on oblige les gamins à mette un casque pour faire du vélo mais où les deux-roues peuvent librement rouler sur les trottoirs, où les chiens sont interdits dans les supermarchés alors que les gens non, et surtout où l’on préfère les pianistes aux bouilles de gamins, de gendres parfaits, ou d’ancêtres domestiqués, côté mâle, et, de l’autre, les damoiselles en petite tenue, tous avec des discours et des personnalités bien cadrés et, souvent, inintéressants surtout quand relus par le storytelling façon grimaldienne, dans ce monde mou, donc, Stéphane Blet, en dépit de son apparence de bon fils bon genre, détone par ses convictions tournantes mais affirmées. À l’instar de Cyprien Katsaris, grand pianissse et scientologue sans complexe, ou d’un Michel Tabachnik, fervent à mi-temps de l’Ordre Solaire, il est passionné d’ésotérisme et en parle assez autour de lui pour que ce ne soit pas un à-côté biographique négligeable. D’abord franc-maçon passionné et auteur herméneuticien, l’artissse du jour, quadrilingue et turcophone, a ensuite choisi de fustiger les sionistes qui règnent en maîtres dans les loges (pas celles des théâtres) et de se réfugier dans l’admiration d’Erdogan, ce que le pays du dictateur lui revaut bien. Bref, hors l’apparence, rien de lisse chez l’énergumène qui, soit aussi dit en passant, est quand même prof de piano à l’École Normale de Musique sise à Paris, compositeur et vedette d’une quarantaine d’enregistrements. Cette conjonction entre un zozo non-consensuel et un grantartissse met en appétit.
L’olibrius étant croqué, lui reste à jouer. Sur un Blüthner difficile à faire joliment sonner, Stéphane Blet, partitions sur le pupitre, attaque par la Toccata aux six bémols d’Aram Khatchaturian. C’est une manière – redoutable – de prendre contact avec la bête en montrant son souci d’interprète : privilégier le travail sur le son et les contrastes d’atmosphère contre la virtuosité brute. On retrouve tout aussi peu d’esbroufe dans les cinq mazurkas de Chopin, que l’artiste a choisies contrastées et piquantes, histoire de former un tout cohérent et varié plutôt qu’un catalogue à numéros. Premier gros morceau de la soirée, la quatorzième Rhapsodie hongroise et ses douze minutes montre un pianiste libre de toute contrainte technique mais confronté à la difficulté de faire sonner l’œuvre dans une acoustique sèche qui ne rend pas justice aux séries d’accords plaqués (et Dieu sait qu’il y en a !). Loin d’une interprétation exubérante ou excessive, l’artiste, familier du compositeur s’il en est, s’amuse à chercher de la cohérence dans une pièce qui joue, précisément, du collage d’atmosphères. Cette tension entre unité et variété, apparemment fil rouge du récital, prend ici chair.
Comme pour libérer la tension accumulée par cette pièce tonique et exigeante, Stéphane Blet propose une respiration de bon aloi avec deux gnossiennes d’Erik Satie, offertes avec élégance et ce bon goût qui évite de surjouer. Le second gros passage du récital est constitué par les « Scènes d’enfant » de Robert Schumann. Ici, la dextérité digitale est vitale mais ne suffit pas : prime la capacité à créer des climats spécifiques à chaque pièce. Sans abuser de la pédale, Stéphane Blet y parvient avec un évident métier qui lui permettent de déjouer et les pièges de la partition, et la difficulté de faire sonner ces pièces sans véritable résonance acoustique. La sobriété des effets l’y aide et guide l’auditeur dans ce dédale de miniatures délectables. Le concert se termine officiellement sur deux pièces signées par le pianiste lui-même. Sa dixième sonate, intitulée « Résistances », aurait aussi bien pu s’intituler « Tentations », tant elle s’amuse à danser sur de multiples crêtes – entre atonalité et modalité, énergie et apaisement, fantaisie et inquiétude… Avec ses sonorités orientales bien tempérées, la Première rhapsodie ottomane, « Anatalya », célèbre, elle, les affinités du musicien avec sa terre d’accueil. Elle lui permet de faire sonner le piano selon une logique lisztienne que l’artiste s’est appropriée : collage et mélodie, virtuosité et puissance, diversité et unité énergique.
Après trois bis, dont une nouvelle œuvre de Stéphane Blet et, pour conclure, les « Adieux » de Frédéric Chopin, on sort intrigués de ce récital grand public mais malin, partiellement mainstream et toujours personnel – mais avant tout, c’est l’essentiel, mené de mains de maître. On est curieux d’entendre le dernier concert de cette belle série, organisée avec un succès spectaculaire par Socadisc à l’Institut Goethe. Il sera donné par Frédéric Pélassy au violon le mardi 23 juin. Il est prudent de s’y prendre à l’avance pour réserver, tant les places sont peu chères mais fort courues !