L’art de Sylvie Carbonel (Skarbo) – 12/24

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Verso de la couverture du cinquième disque à retrouver dans le coffret Sylvie Carbonel fomenté par Skarbo

 

Après Beethoven, les anthologistes de Skarbo ont choisi de compléter le cinquième disque du florilège de Sylvie Carbonel avec Carl Maria von Weber. Plus connue sous sa forme originale pour piano seul, la Deuxième sonate en La bémol s’entend aussi en version avec flûte, l’inclination de Weber envers la “musique à mélodie” pouvant expliquer cette transposition pour soliste et accompagnateur, captée en l’espèce en 1979 et en public avec Alain Marion à la traversière – on note en passant, une fois de plus, le manque de rigueur de l’édition physique des pochettes avec, présentement, l’absence de “:” dans le générique de dos et une typographie changeante des copyrights phonographiques : rien de grave, certes, mais regrettable pour les mélomanes tatillons qui aiment profiter d’un beau coffret bien habillé.
L’Allegro moderato, con spirito ed assai legato en 12/8 assume la complémentarité attendue, en confiant au piano ses fonctions évidentes

  • (embellissement harmonique,
  • dramatisation du bariolage,
  • emphase des accords et octaves enflammés).

Cependant, elle l’épice en ajoutant aux archétypes ploum-ploumistiques

  • des traits chopiniques,
  • des deux en deux efficaces et
  • une virtuosité digitale plus adaptée aux marteaux qu’au souffle.

On se laisse volontiers séduire par

  • la vivacité pianistique,
  • la synchronisation des interprètes et
  • l’envie patente que manifestent ces musiciens de jouer ensemble et non côte à côte.

 

 

Malgré ce plaisir, la non-exécution de la reprise suggérée par la partition est évidemment une bonne option pour garder sa fraîcheur à une musique sciemment pensée pour être pimpante et non pour faire l’objet d’un mâchonnement méditatif.

  • La richesse de registre du piano,
  • sa capacité percussive et
  • son éventail sonore allant
    • du staccato
    • au prolongement de la note pédalisée
    • en passant par le legato habilement phrasé

étoffent joliment le souffle chaud de la flûte, et les esgourdes achèvent de frétiller allègrement en se pourléchant

  • des modulations,
  • des transitions,
  • des récurrences thématiques et
  • des sautillements de la flûte pendant les traits pianistiques de la coda.

 

 

L’Andante ben tenuto bascule en 2/4 et en Ut mineur. À l’ivresse de la célérité succède le charme de la suspension où la flûte d’Alain Marion fait merveille. Sylvie Carbonel et sa main gauche nous offrent une démonstration de précision dans la palette de

  • détachés,
  • liés,
  • nuances

dont elles usent en réponse à leur collègue. Si l’on peut sourire en confondant le thème martial avec le début de “Happy birthday to you”, l’ennui ne point point – et hop – grâce à l’investissement des interprètes et aux astuces du compositeur :

  • rythmes pointés,
  • transformations du 2/4 en 12/8,
  • confrontation du binaire et du ternaire,
  • passage en majeur et
  • distension du tempo (accélération puis ritenuto).

On savoure donc sans modération

  • le brio discret des octaves en triolet,
  • le retour excellent du thème initial et sa transformation,
  • la synthèse presque beethovénienne de motifs qui boucle le mouvement et
  • le long point d’orgue soutenu, avec tierce picarde de rigueur.

 

 

Un Menuetto capricioso marqué presto assai salue le retour de la tonalité liminaire de La bémol. Le piano donne l’impulsion initiale puis le groove. Démontrant une précision d’autant plus impressionnante que l’œuvre est enregistrée en concert, Alain Marion

  • pépie avec grâce,
  • pétille avec ressort,
  • suit avec rigueur et
  • prolonge avec goût

l’énergie débordante de Sylvie Carbonel. Le trio en Ré bémol offre une accalmie gourmande où la légèreté de la flûte défie le registre grave du piano. La cavalcade est

  • brillante,
  • joyeuse et
  • roborative,

bref, interdite aux fanatiques de musique dark privilégiant un projet situé entre profonde dépression et suicide mélancolique – mais quel extrémiste de cet acabit se risquerait à ouïr une œuvre de Carl Maria von Weber ?

 

 

L’affaire se boucle avec un Rondo indiqué moderato e molto grazioso. Dans la grâce, peu d’instruments tiennent le menton à la flûte traversière. Le piano ajoute à cette caractéristique un allant que

  • chromatismes,
  • bariolages,
  • rythmes pointés et
  • accords décidés

rendent entraînant.

  • Brèves accalmies,
  • motorisme réjouissant de la main gauche,
  • changements de registre,
  • piani subito et crescendi malins,
  • sens mélodique du compositeur et
  • interprétation engagée
    • (respect du texte,
    • synchronisation toujours aussi spectaculaire,
    • options subtiles,
    • coordinations d’intention,
    • capacité à investir le texte sans le surcharger d’effets…)

permettent à l’auditeur de jubiler sur son siège grâce à cette escapade dans la musique de chambre située au mitan du coffret. Prochaine étape : Chopin et Mozart !


Pour écouter le disque Beethoven – Weber gratuitement, c’est ici.
Pour acheter le coffret (env. 35 €), c’est par exemple .

Pour retrouver les critiques précédentes du coffret
Dix-sept pièces de Modeste Moussorgsky – 1
Dix-sept pièces de Modeste Moussorgsky – 2
Les Tableaux d’une exposition de Modeste Moussorgsky

Dix pièces pittoresques d’Emmanuel Chabrier – 1
Dix pièces pittoresques d’Emmanuel Chabrier – 2
Le Cahier de musique de Jacques Desbrière

Franz Liszt – Totentanz
Franz Liszt – Sonate en si mineur
Franz Liszt – Deux harmonies poétiques et religieuses

De Bach à Granados – Un récital imaginaire

Beethoven – La Waldstein et plus


À suivre !