Bettina Aust, Institut Goethe, 15 novembre 2016
Quel joli projet de concert, dans le quartier chic et froid de l’avenue d’Iéna où se love l’Institut Goethe de Paris ! Robert et Bettina Aust, frère et sœur de leur état, proposent d’accompagner leur disque Genuin par un « dernier récital » français, après une tournée promotionnelle en Allemagne.
Le show, délicatement introduit en français par la miss, s’ouvre sur le rare duo pour clarinette et piano op. 15 de Norbert Burgmüller (1810-1836). Ces trois mouvements lent-vite-lent enchaînés sont mimis tout pleins et mettent en appétit pour la grande Sonate op. 120 n.1 de Johannes Brahms, un must du répertoire pour clarinette, un peu comme le concerto de Carl Maria von Weber. Hélas, éventuellement soucieux de ne pas déplaire à un public âgé peut-être venu pour boire du « Bordeaux supérieur » gentiment offert par les organisateurs après la prestation (mais très décevant : si besoin d’un contact pour un vin beaucoup plus convaincant à tarif préférentiel, me contacter, faut bien vivre), les concertistes se contentent des deux derniers mouvements. Un peu comme si on commençait une chanson par le troisième couplet : le concept est sympa, mais c’est dommage, non ?
Digitalement, Robert Aust assure avec sérénité. Jamais en difficulté, malgré un piano Bünther ouvert au maximum dont on n’est pas sûr qu’il soit le plus soyeux que l’on ait jamais entendu, il joue sa partition avec rigueur et précision. De son côté, car les deux sont si habitués l’un à l’autre qu’ils ne surjouent pas la complicité, Bettina propulse un son chaleureux avec des attaques soyeuses, ni « trop » nettes, ni baveuses. Le résultat est plutôt précieux, même si on aimerait voir au moins la soliste se lâcher davantage.
Après que s’est carapatée sans vergogne la tourneuse de page (quel spectateur invité ne s’est pas offusqué devant l’inconduite du petit personnel ? bon, quand même !), la célèbre Fantaisie pour clarinette seule en sera peut-être l’occasion. Signée par Jörg Widmann alors qu’il n’avait que vingt ans, elle tient particulièrement à la clarinettiste car elle a travaillé sur cette partition avec le « komponist » – ce qu’elle n’a pu faire, admet-elle avec un humour pince-sans-rire, ni avec Brahms, ni avec Schumann. Franchise et clarté caractérisent son jeu, qui brille particulièrement dans les moments rapides et acrobatiques seyant à cette pièce plus propice à tester les capacités de l’instrumentiste qu’à mettre en valeur la richesse mélodique et chaleureuse de l’instrument. Pourtant, c’est sur une pièce de concours, le Tema con variazoni de Jean Françaix, que s’achève le récital. Comme l’exige le genre, Robert Aust n’est alors qu’un valeureux faire-valoir, et la soliste se montre assurée techniquement, au point de tenter de faire de la musique avec cette composition fonctionnelle, ainsi qu’elle l’explique en préambule, quoique fort agréable.En réalité, il faut attendre, en bis, le deuxième mouvement de la Sonate de Leonard Bernstein pour entendre un vrai dialogue entre piano et clarinette. Avec un regret conséquent : que les deux zozos ne nous aient pas proposé une œuvre aussi riche en intégrale (10’, c’était jouable) au cours du concert, assortie de l’intégrale du Brahms. Si cette insolente stratégie marketing visait à susciter l’achat de leur disque, c’est finaud… mais, à l’heure des Paul Meyer et du gang Moragues, pour citer parmi d’autres quelques grrrrands dans la place, c’est un peu frustrant car on ne fait, parfois, que deviner le charme de Bettina Aust derrière son savoir-jouer remarquable.
En résumé, un très agréable moment entre gens de bonne compagnie, présenté avec chaleur et francophonie, c’est rare ! Pour jauger de l’intégrale capacité des artistes du soir, sans doute faudra-t-il recourir à l’écoute de leur enregistrement, disponible ici, où sont gravées l’intégrale du Brahms et du Bernstein… ou attendre un prochain récital parisien. Malin.
La nature est mon amie (presque)
Mon voisin n’est pas milliardaire, enfin, je crois pas. En revanche, il écrit des livres pour les jeunes et leurs parents conscious. Convaincu que notre environnement pollué est une donnée contre laquelle nul ne peut lutter mais chacun peut s’adapter, il propose un manuel de survie pour parents soucieux de participer à la préservation de la santé de leurs enfants. Son engagement, volontiers bio et sain, se décline en quatre points :
- profession (après un mastère environnement à l’École des mines, ce jeune ingénieur et déjà double papa multiculturel est devenu chef de projet à l’INERIS, l’Institut national de l’environnement industriel et des risques) ;
- exemplarité (il s’attache à vivre selon les principes qu’il développe) ;
- cyberdiffusion (il tient un blog associant articles et podcasts centré sur le lien entre la santé des enfants et son lien avec les environnements) ; et
- édition.
Dans ce cadre, il a lancé une série avec l’illustrateur iamo’i’s, intitulée « Les bons conseils de la fée Sana ». Deux perspectives : lutter contre la pollution et s’ouvrir aux bénéfices de la nature. Un avertissement : « Je ne suis pas médecin. En revanche, je veux 1) compiler des études, 2) partager des retours d’expérience, et 3) témoigner de ce que je vis avec ma famille. » Rien, donc, de sectaire ou d’illuminé, mais un engagement sincère et permanent que le nommé Guillaume tâche de pédagogiser à destination de tous les parents curieux et de leur progéniture.
Aussi ses albums s’articulent-ils autour de deux axes, après une mini-préface d’une autorité (Denis Zmirou-Navier, caïd des risques environnementaux en France ouvre le troisième tome) :
- d’abord, une histoire simple, qui met en scène des problématiques très concrètes (quels poissons choisir ? faut-il ouvrir les fenêtres même quand on habite dans une ville très polluée ? est-il bon d’avoir toujours les mains propres ? etc.), avec l’intervention de la « fée Sana » qui, n’en déplaise aux mauvais esprits, est là uniquement pour élargir le débat en apportant des données savantes mais intelligibles par l’enfant ;
- ensuite des annexes, joliment intitulées « Antisèche pour parents », incluant bibliographie, éléments de langage explicitant, bibliographie et renseignements divers. Un petit espace interactif permettant à l’enfant de dessiner utile fait le lien entre les deux pôles.
L’initiative est évolutive : l’auteur et l’illustrateur ont fait le choix, après les deux premiers tomes, de mener une consultation ambitieuse associant lecteurs primaires (parents), lecteurs secondaires (enfants), prescripteurs (libraires, médiathécaires) et techniciens (éditeurs). L’objectif n’est pas de repositionner le produit, mais de l’optimiser afin qu’il porte encore mieux le message néo-hygiéniste ici appelé « bonnes pratiques »… lesquelles sont parfois très éloignées de ce que l’on pourrait imaginer être de bonnes pratiques.
Le projet reste ouvert à beaucoup d’évolutions (publication sur un papier recyclé dès que le succès le permettra ? relecture professionnelle pour éviter que les « tâches » de boue ne fassent sursauter le psychorigide traquant la fote d’orthographe ? composition justifiée plutôt qu’en drapeau afin de fluidifier la lecture ? etc.). En l’état, on ne peut que saluer une initiative singulière, personnelle, engagée et joyeuse, une sorte de « Il était une fois la vie » conjuguée au futur sain. Chaque tome réserve son lot de révélations au curieux. Le troisième, sans doute le plus abouti et le plus provocateur (pourquoi c’est bien de se salir dans la nature ? pourquoi – sinon les insectes – du moins certains microbes sont-ils nos amis ?), vient de sortir. Découvrez-le avant que le quatrième, annoncé sur le thème de l’alimentation, ne vous happe !
Soum-soum, Les chanteurs à guitare 5, 11 novembre 2016

Deux spectateurs historiques et hystériques, lors d’une chanson de Barthélémy Saurel. Photo : Rozenn Douerin.
C’est chouette, le vendredi, quand on peut aller se gratter le ventre au Soum-Soum (Paris 2), à deux pas et demi de l’Opéra-Comique. Parfois, on est hyper à fond dans l’actualité, comme quand je murmure « American Movie »…
Parfois, on est dans l’autobiographie façon Malpolis, comme quand Loïc Pujol avoue : « J’ai assassiné ma femme ».
À quoi je n’ai pu que rétorquer : « Ça m’aurait plu ».
Aussitôt, choqué, Barthélémy Saurel en profite pour glisser une chanson qu’il menace de faire durer « 2 h 30 ».
Ni une, ni deux, Loïc Pujol se Karpatt et préfère lutiner la partie maraîchère de « Mélisande ».
Sans vouloir le moins du monde être méprisant, j’ai essspliqué que, des histoires de fesses de cet acabit, sans « e », on ferait aussi bien de « S’asseoir dessus ».
Barthélémy Saurel a botté en touche, préférant reprendre le contrôle du micro par peur des dérapages probables « Au train où vont les choses ».
Se sentant inquiété, Loïc Pujol a préféré se cacher derrière les Fatals Picards pour continuer son autobiographie généalogique en révélant : « Mon père était tellement de gauche… »
Ambiance creuse, longueurs et vide : c’était le moment de sortir un tube. J’ai admis que nous étions en train de vivre une « Journée de merde ».
Prenant la mouche, qui ne lui avait pourtant rien demandé, Barthélémy Saurel a renchéri : c’est pas la journée, qui est de merde, mais le siècle avec toutes ses p’tites religions donc ses « Sectes démodées ».
Chagriné par tant de haine, Loïc Pujol a cherché un câlin en Tryo. Soucieux de s’opposer à ma demande récurrente (« sers-moi »), il a demandé à la cantonade, qui n’est pas une fouteboleuse : « Serre-moi ».
J’ai compris que c’était l’heure de fermer le ban ; mais, comme je n’avais pas de ban sous la main (ni dessus, d’ailleurs), j’ai chanté « À guichets fermés ».
L’occasion pour Barthélémy de chercher un peu de ch(i)aleur en nous parlant de sa « Dernière volonté » dans un guichet fermé en forme de four à pizza.
Avis aux gourmands de chanson intelligente et pétillante, dans l’ambiance sympa du Soum-Soum : c’est tous les vendredis, de 18 h 30 à 19 h 45. Vous chantez et vous grattez le ventre ? Venez avec votre guitare, profitez de la super sono et des lumières idéales, chantez votre tune sans temps mort, écoutez les collègues, et gagnez une conso gratuite ! Vous êtes curieux de réentendre l’excellent Barthélémy Saurel, Loïc Pujol, le remarquable covériste (comme il fait des reprises, j’avais mis « repreneur », mais heureusement il fait des covers, c’est hyperplus mystérieux)… et ceux qui voudront se risquer sur scène ? Il vous en coûtera cinq euros… conso comprise. Entre scène semi-ouverte et spectacle qualitatif, un beau moment de chansons à réussir ou, au moins, à ne pas rater.
François Rollin, L’Européen, 10 novembre 2016
Admettons-le : pour les ancêtres type vieux trentenaires, au moins, François Rollin risque fort d’être assimilé à ce renégat de roi Loth d’Orcanie, cousu sur mesure pour lui par Alexandre Astier. C’est pourtant le costume du Professeur qu’il remet depuis le 10 novembre au théâtre L’Européen, idéal pour ce one-man-show intelligent, drôle et, par petites touches bienvenues, poétique.
Le principe : dans un décor binaire (bureau et coffre à jardin, second coffre à cour) appuyé par des prompteurs papier, rappelant un dispositif chéri par Dieudonné dit le Honni, le professeur Rollin reçoit du courrier de lecteurs aussi passionnés de connaître sa bibliographie préférée quant à la chasse à la perdrix (ou aux perdrix), que de savoir s’ils sont homophobes ou moches, voire s’ils ne pourraient pas gratter un conseil culinaire. Le professeur leur répond – ou pas, c’est selon – avec mauvaise foi, condescendance, agressivité, affection, ironie, sympathie, blablabla. De cette variété de postures sourdent de nombreuses sources de rire : logique absurde, presque british type Monty Python ; reprise de la gestuelle, de l’idiolecte et des manières des universitaires componctueux, façon Luc Charreyron ; décalage entre le contenu de l’épistole et la réaction du prof – de l’enthousiasme amoureux à l’ire dieudonnique ; oscillation entre running gags et effets de rupture ; confrontation de facéties pour tous et du plaisir pour connaisseurs d’intertextes issus de précédents spectacles ; changement de rythmes montrant l’efficacité comique du dérèglement bergsonien – que le professeur mentionne avec difficulté – lié à cette fameuse mécanique plaquée sur du vivant ; blagounettes spéculaires (« et là, je me donne une contenance en demandant : alors, qu’est-ce qu’il y a, maintenant ? ») pour assumer crânement la nécessité, en ce soir de première, de s’habituer à son nouveau spectacle – ce qui ring a bell, bien entendu, avec son personnage auto-ironique du roi Loth ; etc.
Tout cela serait déjà bel et bon et même excellent, que l’on connaisse ou non Kaamelott, mais les auteurs (Rollin himself, Joël Dragutin et Vincent Dedienne) en rajoutent une couche en proposant, en guise d’interludes irréguliers, des méditations sur « pourquoi souhaiter rire » et « comment retrouver le goût de rire ». Ce ne sont pas les passages les plus drôles du spectacle, peut-être pas non plus les plus convaincants, et cependant cette idée de casser la logique du « catalogue de questions » est essentielle pour transformer ce qui, sans cela, ne serait qu’une succession savoureuse de chroniques néo-vialattiques et non un spectacle plein. La synthèse de ces intermèdes, qui conclut le spectacle en l’ouvrant à autre chose que de la drôlerie, est une trouvaille de très bon aloi, qui relie avec brio l’humour aux autres formes d’expression dramatique dont il est trop souvent séparé. (Oui, je pourrais être plus explicite, mais ce serait spoiler les futurs spectateurs, alors non. En plus, je fais c’que j’veux, ici, non mais.)
En conclusion, même si l’on regrette un prix cossu (30 € la place, quand même) voire une sonorisation étrange (de façon incompréhensible, seul le bureau est sonorisé), et même si l’on se déceptionne, et pourquoi pas, que, pour la première au moins, la vedette renonce à venir rencontrer ses fans (ce n’est pas une obligation, il est vrai), Le Professeur se re-rebiffe est un spectacle drôle-mais-pas-que, réjouissant, intelligent et superbement incarné par un acteur portant des bretelles, ce qui n’est pas négligeable. En dépit de l’étonnement de voir cette salle provisoirement à moitié vide – aucun doute que le buzz va remplir rapidement ce « petit » théâtre –, j’aurais même pu me contenter de citer le pitch : « Le mot pitch est le verlan de tchip, la moitié par conséquent du chant du pouillot véloce (famille des Phylloscopidae), oiseau connu pour faire tchip tchip. Tout est dit. Ajouter quoi que ce soit serait une perte de temps. » Dont tact, petit canaillou.
Jann Halexander, Comédie Nation, 8 octobre 2016, bis
Les habitués hyperattentifs cligneront d’un sourcil or something : n’a-t-on point parcouru ce qui suit il y a quelque trente-cinq jours, peu ou prou(t) ? Si fait. Ce post fait partie de ceux que l’autoproclamé « membre de la famille » d’Elsa Gelly a supprimé en hackant mon site – performance de cochon qu’il essaye de renouveler depuis que nous en avons repris le contrôle. L’équipe de Jann Halexander ayant gardé trace de cette notule, la revoici, pied-de-nez résolu contre la censure des lâches… et hommage à un beau concert, aussi.
Jann Halexander chante encore… mais quel âge ça lui fait-il ? Né au Gabon, à Libreville, d’une mère pianissse et d’un père ministre plénipotentiaire (ha-ha, ça rigole plus), l’homme qui se présente comme acteur-réalisateur-chanteur-écrivain, fasciné par Anne Sylvestre et Mylène Farmer, propulse une chanson plutôt pop-poétique qu’à texte, si on entend par « chanson à texte » un fredonnement avec mobile, crime et chute. Le 8 octobre, il terminait sa série de spectacles sur le format « Affidavit », avec guitarissse et deux chorissses en sus du chanteur-pianissse. Nous y étions, et nous en fûmes bien heureux.
Car le spectacle, sur une structure ABA (entrée par salle, spectacle sur scène, sortie par salle, c’est mieux que l’inverse), présente une facette séduisante du gaillard. Ses chansons varient, bien fol est qui s’y fie. Tantôt soukouss, tantôt rythmiquement brassessiques, tantôt mélodiquement sylvestriennes, tantôt marquées par cette structure classique de la descente d’un ton à quatre reprises (Am/G/F/E, par ex.), tantôt intimiste, tantôt latines, tantôt introspectives, tantôt généralistes, elles s’inspirent de thèmes connus souvent revivifiés – la famille, l’amour, le rapport aux origines – et puisent dans des genres divers, lorgnant à l’occasion vers la crudité voire la cruauté vampirico-sexuelle de Marie-Paule Belle sans jamais s’en approcher, parce que c’est son choix. Jann Halexander a beau être un pseudo, ce n’est ni un mème, ni un fake.
En effet, le zozo a un univers qui lui est propre et va très au-delà de ce que YouTube valorise de lui – LGBT, antiracisme métissé, post-leprestisme… Son auto-ironie lucide et ses inspirations multiples le conduisent à butiner dans des genres d’ordinaire cloisonnés, et cela participe pleinement de la séduction qui saisit le spectateur à la fin du spectacle. Certes, un critique pourra pointer, du haut de sa toute-puissante prétention, telle ou telle option artistique qui ne lui paraît pas optimale : la rythmique de la guitarissse – incroyablement peu charismatique, quoi qu’elle daigne enfin lâcher un sourire sur la fin – a beau s’appuyer sur seize ans (n’est-ce pas trop ?) de conservatoire à Fontainebleau, sa mollesse sans fantaisie paraît ne rien apporter à l’accompagnement, qui moins est quand elle double les accords du piano – la blague sur « elle peut jouer ça pendant 24 h » évoquant la déjà ancienne facétie de Thomas Fersen, ravi de prolonger l’intro de son gratteur parce que, après tout, cet esclave est payé pour ça ; l’apport original des choristes, au plaisir communicatif et valorisés individuellement avec pertinence, décevra les gourmands qui penseraient « pourquoi pas plus d’harmonisations à plusieurs voix ? » ; l’ajout de textes indispensables au chanteur dès qu’il se pose au piano semble alléger çà et là la qualité de l’interprétation, l’artissse feignant vaguement d’être dans le par-cœur tout en coulant des regards vitaux vers son prompteur acoustique ; le savoir-jouer du chanteur fait regretter qu’il ne se lâche pas davantage lorsqu’il est au piano, notamment en solo instrumental, etc.
N’empêche. Même pour ces zzzurluberlus qui en veulent toujours plus à leur goût – individus dont, admettons-le, il est possible que nous fassions partie de temps en temps –, reste la joie d’une soirée parfaitement adaptée à son écrin, en dépit de chaises qui ont l’air de vouloir vous expulser après quelques minutes de cohabitation, et en dépit du laïus mignon mais dispensable de la patronne du lieu sur le thème « défendez les artissses en venat voir du spectacle vivant… chez moi ». Reste le plaisir d’un répertoire roboratif, puissant et intelligemment agencé (la chanson sur le serpent norvégien est idéalement placée pour faire son effet), chanté avec cœur et avec ce rien de retenue pleine de désillusion qui paraît constitutive du mec en dépit de son masque plein d’assurance. Et reste l’occasion de découvrir sous son meilleur jour artistique une personnalité singulière jusque dans sa façon de chanter, avec un souffle long et une intonation parfois sciemment fausse – personnalité que l’on peut, en toute honnêteté, conseiller aux lecteurs du présent post d’aller applaudir lors d’un prochain passage scénique.
Même quand on va le voir alors que l’on est fatigué, usé, à bout, Jann Halexander sait séduire son auditoire, fanatique de son travail ou néophyte curieux. Ce soir-là, pour moi, c’était pas gagné. C’est gagné. Respect.
Rue Marc Seguin, 9 novembre 2016
Sans dramatiser, Jann Halexander présentait son concert du 9 novembre comme son « dernier concert parisien avant nouvelle vie ». Comme c’était le jour de l’élection de Donald Trump, et que cette nouvelle révulsait le public rassemblé autour du chanteur-performeur-réalisateur-écrivain, j’ai opté pour « American Movie », une chanson so american, dont Damien Fewwiew avait écwit la miouzik du temps de Je m’appelle Firmin…
Ce à quoi Jann Halexander a répondu par une rafale de chansons, tour à tour drôles, intérieures, ironiques, précieuses, singulières. J’avais fait un article sur son concert donné à Comédie Nation, mais un cochon de « membre de la famille d’Elsa Gelly », qui continue de tenter de souiller mon site, ce gros lâche, a détruit cet article. Je ne le recommence pas ici, mais je recommande ce chanteur capable de vous emballer dans son univers grâce à ses hits préférés (« À table », « Docteur Schweitzer » non chanté ce soir-là, hymnes de vampire et de sexe triste)… et de claquer des chansons remarquables pour conclure son tour de chant avec douceur, poésie et finesse. Il ne serait pas sympa, il m’énerverait, mais réjouissez-vous : j’ai négocié le droit de diffuser « Un cèdre sur ton toit », la magnifique chanson qui concluait sa prestation et que vous découvrirez peut-être bientôt en vidéo grâce à Monique Hottier. Bonne écoute, et restons en touche, comme on dit en franglais.
Style
L’autre jour, discuté avec un squatteur qui osait le match’n’mix : mi-panda, mi-vedette de rap’n’b. Stylé comme jamais.
Chez Adel, 3 novembre 2016

Bertrand Ferrier voit double dans les loges – ou les chiottes, soit – de Chez Adel. Bon, ça va, appelons cela un selfiotte, OK ?
Claudio Zaretti, le meilleur feel-good singer que je connaisse, m’a invité à revenir Chez Adel. J’y avais pouët-pouëté jadis – un souvenir mitigé, souple euphémisme, quand on y avait chanté avec Je m’appelle Firmin, alors qu’on lui avait écrit un hit, quand même.
Bref, cinq ans après, j’étais au taquet. Claudio Z. aussi, qui prépare sa grattouille.
C’est Mr Claudio qui a ouvert le bal avec le tube de son dernier album en date, « Toi qui écoutes ».
Je lui ai rétorqué que tout cela n’était que « Gribouillages ». La première chanson, rappelons-le, feat. Pierre Soulages, ce qui n’est pas aryen, mais ce qui n’est pas rien non plus.
Carrément, ça a bouleversé le Claudio, qui a affirmé que, s’il pleurait, c’est pas parce que ma musique était bonne, bonne, bonne, mais parce que l’homme est « Lacrymal ». Genre.
J’ai été obligé de recadrer les débats sur le thème « les glandes lacrymales d’une princesse valent-elles celles d’un cordonnier » en claquant « Le cordonnier et la princesse ».
Ce à quoi Claudio a répondu comme quoi « oui, ça dépend si le cordonnier est près du cœur ». J’imagine que c’est pourquoi il a craché son nouveau tube « Loin des yeux » (en fait, il a aussi craché deux nouveaux tubes, rendant hommage à l’hostellerie et à la diversité nomade, mais nous avons convenu de les réserver pour les curieux qui viendraient battre des mains en direct).
J’ai compris que mon talent si spectaculaire le rendait vert. Mais bon…
… c’était placer le débat sur un terrain vaseux. J’ai préféré le déplacer grâce à une de ces chansons ferroviaires dont j’ai le secret, vu qu’il n’est venu à personne, sonne, sonne, l’idée de me le voler. Donc j’ai chanté « Nanterre« , comme un notaire mais en moins riche.
Du coup, Claudio a craqué, il a opté pour une « Utopie, Utopia » qui le projetait dans son adolescence d’après les esssperts-sikatr et lui-même.
Puisqu’il me cherchait, je fus sans pitié. Je le sanctionnai d’une belle menace, celle de mettre « Mon nez dans ton cul ». (Si, là, on a déjà affaire à une belle menace.)
C’est peu dire que Claudio fut blessé. Comme si je lui avais proposé de invitarme otra vez, soló me contestó : « Nunca más ».
Du coup, j’ai fermé les guichets et chanté « À guichets fermés », ce qui est relativement logique, à tout le moinsss.
Il revenait à Claudio de conclure la battle avant la moussaka – boulgour du jour, en concluant par la « Chanson des îles ».
Parfait pour engager un débat entre mon hôte et Jean Dubois, le chanteur qu’auraient été Renaud et Bob Dylan s’ils n’avaient été ni éliminés par eux-mêmes ni prix Nobel… et s’ils avaient eu son talent, pour savoir si un chapeau sert à récolter du pognon, à imiter Charles Trenet ou à contenir sa grosse tête. Controverse en cours.
C’était joyeux de compter sur votre présence massive, attentive et enthousiaste, publics. Merci.
(Eh oui, tous les enregistrements de Claudio Zaretti sont publiés avec l’autorisation de l’intéressé, qui ne doit pas être si financièrement intéressé que ça, la preuve.)