
Voici venu le temps de la dernière étape sud-américaine en compagnie de Vittorio Forte, dont le palimpseste original s’achève sur trois pièces courtes. Un intermède chantant le « lointain bleu » ouvre le diptyque évoquant le Colombien Luis Antonio Calvo. Ce multi-instrumentiste a commencé par jouer des instruments de fanfare
- (cymbale,
- grosse caisse,
- tuba)
avant de s’intéresser au violon et au piano. Ainsi pianotera-t-il au fond d’un lazaret où celui qui est considéré comme un grand compositeur sera embastillé pendant la moitié de sa vie. L’intermède proposé en prise de contact impose le si bémol mineur, avec ses cinq bémols (au moins quatre de trop, sur notre échelle). La miniature joue sur la tension entre
- claudication et rythme binaire,
- fragilité et itération,
- esquisse et entêtement.
Vittorio Forte l’interprète sans feindre la joliesse L’évocation suffit.
- Précision du jeu,
- science de la modulation, et
- conviction que les reprises et les arpèges (même non inscrits sur la partition)
animent cette proposition qui ne manque pas d’aguicher l’esgourde.
En do dièse mineur, la danse « Malvaloca », autrement dite « Primerose », exige
- de la souplesse dans la narration,
- de l’aisance dans le groove, et
- de la finesse dans l’attaque.
L’attention de l’interprète évite de laisser sombrer cette bluette vibrante dans l’oubli du mignonnisme. On apprécie
- l’aisance du pianiste,
- son sens du swing, et
- son exigence qui va avec une certaine et essentielle idée de liberté.
Tout finit sur la transcription de « Volver » de Carlos Gardel, réalisée par ce foufou du clavier qu’est Vittorio Forte. Un prélude mélancolique ouvre le bal. L’énoncé du thème, harmoniquement riche, se passe sans encombre – ce qui est heureux pour une musique populaire. Puis la flamme prend, intégrant l’esprit ambigu du tango. Le transcripteur-interprète maintient cette tension entre virtuosité grondante, prête à exploser, et simplicité du projet. Il y a
- des doigts,
- du feeling,
- du sentiment et
- de la malice refusant de jouer à Liszt au Liszt italo-argentin, ce qui ne poserait aucun souci technique au pianiste-musicien.
C’est
- habile,
- malin et
- superbement pudique.
En somme, une coda puissante car non explosive pour un disque époustouflant. En un mot : magistral.
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