
Pour clore le premier concert de la quatrième édition du festival Érard, Jérôme Granjon cède sa place au piano à Delphine Armand, accompagnée de Vladimir Dubois au cor et de Saskia Lethiec au violon. Le trio en Mi bémol op. 40 propose une demi-heure de musique, répartie en quatre mouvements. L’œuvre a été inspirée au compositeur quand il a vu le soleil poindre entre deux troncs d’arbres – pensez-y la prochaine fois que vous crapahuterez à la fraîche dans quelque contrée sylvestre ! L’andante liminaire met en valeur chacun des participants.
- Saskia Lethiec sait jongler (si) entre
- l’accompagnement,
- la réponse et
- le solo vibrant.
- Delphine Armand, loin de se résoudre à n’être que l’harmoniste de service, n’hésite pas à faire montre
- d’autorité,
- de caractère voire
- d’emportement.
- Vladimir Dubois, à découvert, peut
- tonner,
- se faire presque discret et
- dialoguer avec le violon.
Satisfaite, l’audience applaudit sitôt la dernière note avalée. Cet événement intempestif dissipé, l’andante peut commencer. Les interprètes en traduisent
- l’efficacité rythmique,
- la tonicité allant bon train et
- la précision d’écriture que soulignent de précieuses synchronisations entre pairs.
Le piano se révèle
- force de proposition,
- membre fédérateur et
- chef d’orchestre,
formulant avec ses collègues un Brahms
- vif,
- bigarré et
- tournoyant malgré des redites qui peuvent sembler çà et là dispensables.
À lui revient encore – passés les applauses – l’introduction grave de l’adagio mesto. L’entrée élégiaque du violon et du cor saisissent ; puis le compositeur varie les dispositifs :
- cor solo,
- cor-violon,
- cor-violon-piano,
- violon-piano,
- piano solo.
Le sujet lui-même paraît
- hésiter,
- se fragmenter,
- gonfler avant de désenfler.
Minutieux sans sombrer dans la ratiocination, les musiciens caractérisent élégamment les différentes sections en évitant – précaution appréciable – de fragmenter le mouvement. L’interprétation est
- coordonnée,
- maîtrisée mais aussi, et c’est heureux,
- assez poétique pour laisser flotter un mystère précieux pour l’imagination de l’auditeur – après tout, le titre du concert n’est il pas « Invitation au voyage » ?
Le finale, un allegro con brio, secoue la partition en changeant complètement d’humeur et d’atmosphère. Dans un emballement excitant, les couples se font et se défont.
- Le violon défie le piano,
- le cor affronte les quatre cordes et, plus tard,
- le piano engage le fer avec le cor.
Au clavier semble échu le rôle d’arbitre. L’assurance voire l’aplomb de Delphine Armand, en dépit d’une partition redoutable, sied fort bien à ce rôle central. D’une façon générale, la virtuosité exigée n’effraye point le trio, au contraire ! La virtuosité qu’ils déploient ressortit d’une technique
- instrumentale (faut jouer les notes, et c’est pas facile),
- chambriste (faut jouer avec les autres donc bien se positionner en termes d’intensité et de posture, et c’est pas si simple) et
- musicale (faut rendre l’esprit de la partition par-delà ses notes, et c’est joliment troussé).
Le brillant du mouvement n’est pas clinquant car il n’obère pas
- le suspense de la narration,
- les incendies soudains ni
- les séquences empreintes d’une poésie savoureuse.
Même le non-fan de Brahms passe ainsi une demi-heure
- riche,
- complète et
- puissamment enlevée par le trio du soir,
qui finit de lancer en majesté ce formidable festival. Un aperçu du dernier concert de l’édition sera à lire dans une prochaine notule. Donc, à suivre !
Retrouvez ci-dessous les notules sur les précédentes éditions du festival
Le concert du 13 octobre 2024 est chroniqué ici.
Le concert du 11 octobre 2024 est chroniqué ici.
Le concert du 15 octobre 2023 est chroniqué ici et là.
Le concert du 13 octobre 2023 est chroniqué ici.
Le concert du 15 octobre 2022 est chroniqué ici et là.
