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Pour développer ses activités et valoriser son orchestre, partant du principe que des orchestres symphoniques accompagnent l’opéra donc pourquoi pas l’inverse, l’Opéra de Paris multiplie les soirées de concert, avec des programmes souvent stimulants. Pour preuve, ce samedi, la Symphonie n°8 d’Anton Bruckner était sur le grill avec Semyon Bychov.
La composition est un monstre d’1 h 20, articulée en quatre sections contrastées, ce qui permet au public, entre deux mouvements, de proposer un étrange concert de bronches subitement encombrées. Un orchestre massif est indispensable à l’exécution de l’autre musique (pas les toux forcées des spectateurs, donc). Subséquemment, la difficulté est de ne pas se laisser engluer par le potentiel de lourdeur pataude inscrite dans l’effectif requis. Pour capter l’auditoire pendant la durée de l’œuvre, il est malin de  rendre les caractères multiples de la partition – tantôt fanfaresque, tantôt délicatement prédebussyste (en clair : y a des harmonies toutes douces un peu bizarroïdes, avec des solistes qui émergent puis disparaissent peu après).
Propriétaire de la baguette ce soir-là, Semyon Bychkov ne se laisse pas aller à la facilité de faire ronfler dès que possible l’orchestre qui lui fait face. Au contraire : il passera presque quatre-vingt minutes à contrôler notamment les cordes en réclamant plus de piano, afin de faire sonner de façon plus éclatante les tutti explosifs ou triomphants. Cette stratégie saine permet de donner de la vitalité à ce gros morceau, malgré des tempi que le chef laisse parfois s’étirer – as far as I am concerned, un p’tit chouïa de pêche en plus, aux moments opportuns, n’aurait pas été pour me déplaire.
En bref, en somme, en résumé et toute cette sorte de choses, malgré quelques petits décalages inévitables et, a-t-il pu sembler, quelques rares fausses notes (dans des unissons de trompettes, spécifiquement), c’est une vision élégante, personnelle, précieuse d’un mastodonte qui fut donnée. On regrette donc que le programme soit plutôt court : une petite pièce en prélude n’aurait pas été abusive. Sans doute est-ce le signe que cette Huitième fut délectable – ou que je suis vraiment proche de mes sous, l’un n’empêchant pas l’autre.