Etsuko Hirose – Le grand entretien – 2/4
Comment et pourquoi devient-on pianiste ? Dans ce deuxième volet de notre entretien, la concertiste internationale Estuko Hirose revient sur ce moment très particulier où le rêve prend chair, se déploie et s’enrichit – bref, son arrivée à Paris, à quinze ans, et ce qui s’est ensuivi. Instructif et vibrant.
2.
La vie parisienne
Au cours de la première partie de notre entretien, nous avons évoqué quelques moments-clefs dans votre formation de musicienne :
- le bain de musique dans lequel vous plonge votre mort quasiment dès votre conception ;
- le premier contact avec le piano à trois ans ;
- le concerto joué à six ans ;
- la prise de conscience de la nécessité de vous perfectionner, provoquée par la colère de Pascal Devoyon contre une méthode et non contre vous ; enfin,
- votre victoire dans un grand concours international.
Nous arrivons à un nouveau point de bascule : deux ans après votre prix moscovite, vous avez quinze ans, et vous vous exilez en France afin de poursuivre ce qui est moins un rêve qu’un projet : devenir pianiste professionnelle.
Oui.
Ce n’est pas rien, comme aventure !
J’étais obligée de déménager. Si je voulais progresser, je devais aller dans une ville importante pour entrer dans un conservatoire de haut niveau. Or, je viens de Nagoya. Pour me former sérieusement, je devais aller au conservatoire de Tokyo, à 350 km de chez moi.
« On s’habitue vite aux habitudes françaises »
Vous vous êtes trompée de route, et c’est ainsi que vous avez débarqué à Paris, soit à 6000 km de chez vous ?
Ha ha, pas vraiment ! En réalité, les études à Tokyo coûtaient les yeux de la tête. On a fait le calcul : ça revenait au même prix que des études à Paris. Alors, j’ai choisi Paris, et ma mère m’y a accompagnée.
Pourquoi Paris ?
C’était un rêve. J’adooorais Debussy, Ravel, Chopin. Vivre dans cette tradition, dans le pays où ont vécu ces grands compositeurs, ça m’attirait. En plus, la pédagogie était tellement différente de celle que l’on pratique au Japon !
Dans quel sens ?
Au Japon, on est presque obligés de copier les autres. Si un prof vous montre un exemple, vous devez reproduire exactement ce qu’il fait. En France, j’ai découvert que non seulement, on avait le droit de montrer davantage sa personnalité et d’exprimer son opinion, mais cette audace et cette créativité étaient indispensables.
Pourquoi ?
Sinon, on n’existe pas !
Comment avez-vous réagi à cette révolution ?
J’ai vécu cela comme un choc salutaire. Ça a changé mon approche de l’interprétation… et j’étais très contente !
Ni désarçonnée, ni même surprise ?
J’avais quinze ans. J’étais comme une éponge. J’étais capable d’absorber beaucoup de choses.
Même un changement de mode de vie radicale ? La mondialisation n’en peut mais, la France – et singulièrement Paris –, ce n’est pas tout à fait le Japon ! Pardon pour la caricature, mais la rigueur, la pudeur et la délicatesse japonaises ne sont pas vraiment les spécialités des Français…
Oh, moi, je vivais un conte de fées. Je voyais bien sûr les défauts des habitudes françaises…
Par exemple ?
Les manifs, les grèves, les choses comme ça ! Mais on s’habitue vite.
Parce que vous étiez portée par votre projet ?
Peut-être… Je sais que beaucoup de Japonais souffrent quand ils viennent vivre ici. Il y a la différence entre le mythe et le réel ; il y a aussi le mal du pays, l’éloignement, etc. Pour ma part, je n’ai pas eu ce genre de difficulté. Vraiment, c’était plutôt facile.
« Quand j’ai été recalée au CNSM, j’étais choquée ! »
Vous êtes alors étudiante à l’École normale de musique de Paris. Pourquoi avez-vous choisi cet établissement ?
À Nagoya, mon école de musique disposait d’un système d’échange d’élèves et d’équivalence des examens, si bien que j’avais déjà un diplôme de l’ENM en poche, et ça a facilité mon cursus à Paris.
Après cela, tout s’accélère.
Oui, j’entre au CNSM [conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris].
C’est un nouveau point de bascule que vous présentez comme une simple formalité. Parce que vous aviez compris ce qui était attendu d’une étudiante du CNSM ?
Non, justement ! La première fois que j’ai tenté le concours, j’ai été recalée.
Avez-vous accusé le coup, ou…
J’avoue que, sur le moment, cet échec m’a vraiment choquée.
Choquée ?
Oui, c’était presque le premier échec de ma vie. Heureusement que j’ai été admise à ma seconde tentative !
Beaucoup de musiciens français passés par le CNSM déplorent une certaine rigidité dans l’enseignement, qui ne leur permet pas d’exprimer leur personnalité – certains vont compléter leur formation dans des établissements américains, allemands ou belges, notamment. Vous, vous affichez une position inverse. Avez-vous jamais éprouvé une impression d’étouffement d’un point de vue artistique ?
Non, jamais, mais… comment dire ? Mes études ont été un peu spéciales.
En quel sens ?
En théorie, j’étais dans la classe de Bruno Rigutto. En pratique, il était extrêmement sollicité et donnait des concerts dans le monde entier, de sorte qu’il lui arrivait très souvent de s’absenter. Cela me donnait une grande liberté, d’autant que, quand il était là, il était vraiment génial. J’adorais ce prof. Quand il se mettait au piano pour me montrer quelque chose, j’avais presque envie de pleurer ! Et quand il n’était pas là, je travaillais beaucoup avec feue Marie-Françoise Bucquet, notamment en déchiffrage et musique de chambre. Elle m’a beaucoup appris. Même quand j’ai eu mon prix, j’ai continué de prendre des cours particuliers avec elle.
« Récital, musique de chambre, concertos : j’aime tout »
C’est un nouveau point de bascule : le moment où vous quittez le conservatoire pour entrer dans la vie professionnelle.
Non, c’est plutôt une transition qu’une rupture. En même temps que j’ai obtenu mon prix au CNSM, j’ai gagné le concours Martha Argerich. Ça m’a vraiment lancée, notamment au Japon, mais j’ai dû arrêter mes études : quand je devais passer le concours d’entrée au troisième cycle, j’étais déjà engagée pour une belle tournée ! J’ai donc continué à étudier de façon ponctuelle, en cours particuliers ou à l’occasion de masterclasses. Voilà peut-être pourquoi je n’ai pas ressenti cette pression ou cette limitation que vous évoquez.
Néanmoins, pouvez-vous nous raconter comment se passe la transformation entre Etsuko l’étudiante et Etsuko la professionnelle ? Aviez-vous anticipé cette mutation, et la réalité correspondait-elle à ce que vous aviez imaginé ?
Ç’a été assez progressif, assez long aussi. J’ai commencé assez tôt de donner des concerts. J’ai touché mon premier cachet dans la foulée du concours que j’ai gagné à Moscou. Entre huit et quinze ans, je montais au moins un programme d’une heure par mois, donc j’avais déjà énormément de répertoire. Devoir apprendre cette masse de partitions m’a beaucoup aidée car, aujourd’hui, je n’ai pas peur de devoir apprendre une nouvelle œuvre. Bien sûr, entre mes années japonaises et le moment où je vis vraiment du métier de pianiste, j’ai dû revoir, modifier, renforcer et affiner ma technique. Cependant, pour ce qui est du répertoire et de l’habitude de me confronter au public, j’étais bien équipée !
Le résultat déteint aussi sur votre réputation qui vous permet de briller sur une large partie du spectre pianistique, incluant
- le récital solo,
- le duo (notamment avec Cyprien Katsaris),
- la musique de chambre et
- les œuvres avec orchestre.
Est-ce une volonté qui vous anime et consiste à ménager, dans votre emploi du temps, des plages pour chaque exercice ?
Ce n’est pas aussi mécanique que vous dites ! La vérité est que j’aime tout… tant que j’aime les gens avec qui je joue. Il n’y a rien d’agréable à jouer avec quelqu’un avec qui vous sentez qu’il sera difficile de s’entendre musicalement !
J’imagine que c’est la même chose pour le répertoire…
En effet. Si je ne me sens pas en connivence avec les œuvres pour lesquelles on me sollicite, je peux refuser. Pas par paresse, juste parce que ça ne sert à rien de jouer une pièce qui ne me parle pas. Je crois profondément que, quand un artiste joue un morceau qui ne lui parle pas, ça se sent. Néanmoins, ce n’est pas moi qui choisis comment se répartissent les différents événements qui rythment mes saisons musicales.
« J’assume mes choix »
Cette relative dépendance aux sollicitations ne vous empêche pas de construire une discographie très singulière, marquée par un équilibre assez original entre œuvres originales et transcriptions – art que vous avez pratiqué vous-même, comme on l’a pu ouïr dans le disque Schéhérazade paru chez Danacord en 2024…
… alors, ça, c’était la première et la dernière fois !
On va y revenir mais, si vous le voulez bien, évoquons votre inclination pour le genre, qui va bien au-delà du best of Campanella pour petites mains ! Dans Chaconne, le premier de vos quatre disques pour Denon paru en 2003 et récemment réédité en coffret par Danacord, il n’y avait que des transcriptions, et non des moindres :
- Kreisler par Rachmaninov,
- Wagner et Gounod par Liszt,
- Franck par Demus, et
- Bach par Busoni.
Était-ce un souhait de votre part ou le résultat d’une pression de votre label ?
Hum, comme je vous l’ai expliqué, j’étais consciente de mon habileté voire de ma tendance à copier les autres.
Ce que vous voyez comme un danger…
Oui, surtout pour un premier disque ! Il y avait vraiment trois choses :
- je ne voulais pas imiter les grands maîtres que j’admire ;
- je ne voulais pas lutter contre mon habitude de les imiter ; et
- je voulais jouer comme Etsuko Hirose.
Voilà pourquoi je souhaitais jouer des œuvres pour lesquelles je n’avais pas de références dans ma tête. Or, à l’époque, les transcriptions étaient peu jouées, voire presque mal vues. De sorte qu’il y avait un double avantage pour moi à en interpréter : d’une part, je n’avais pas de version piano en tête ; d’autre part, je pouvais choisir des pièces dont les originaux et les transcriptions me plaisaient.
Et vous ne vous êtes pas arrêtée là. Votre deuxième disque, La Valse, intégrait un Casse-noisettes revisité par Mikhaïl Pletnev, ainsi que deux autotranscriptions de Stravinsky et de Ravel…
À titre personnel, je ne voulais pas enregistrer des disques qui existaient déjà. Le problème, c’est que, quand on veut être tant soit peu original, on n’a qu’une alternative : soit on enregistre des œuvres de compositeurs méconnus, et ça se vend très peu ; soit on enregistre des transcriptions rarement jouées de compositeurs connus, et le label peut mettre en avant le nom du compositeur, ce qui rassure !
Le label pourrait aussi mettre en avant votre performance technique.
Il est vrai que les transcriptions sont souvent des défis techniques et physiques. Une œuvre originale pour piano est souvent mieux adaptée qu’une transcription, mais… disons que j’assume tous mes choix, même si j’aurais parfois envisagé d’autres possibilités !
« Schéhérazade est ma première et ma dernière transcription »
Un jour (sans doute beaucoup, beaucoup plus), vous écrivez votre transcription de Schéhérazade de Nikolaï Rimsky-Korsakov, un mastodonte de trois quarts d’heure. Comment avez-vous arbitré entre
- le respect de l’œuvre originale,
- sa transformation en pièce devant donner l’illusion qu’elle a été écrite pour piano, et
- une tendance à tirer le remix vers ce qui vous convient particulièrement ?
Plus qu’à la partition proprement dite, je voulais être fidèle à l’effet sonore que l’on perçoit quand on écoute l’œuvre originale. Tant pis si l’on doit enlever beaucoup de notes car un pianiste n’a que dix doigts ! Ce qui compte, dans ce cas précis, c’est de regarder de très près la partition d’orchestre et d’avoir conscience que l’oreille ne perçoit pas toutes les notes qui sont écrites. Beaucoup sont cachées par les extrêmes, tant graves qu’aigus. J’ai donc comparé de très nombreuses versions orchestrales pour déterminer ce que l’on entend réellement. C’est à partir de là que j’ai commencé à écrire.
La Schéhérazade de Rimsky-Korsakov, que vous doublez avec le formidable ballet des Mille et une nuits de Sergueï Bortkiewicz, vous était doublement familière : vous l’aviez entendue un milliard de fois et beaucoup jouée à quatre mains…
Cette expérience à quatre mains m’a donné confiance. Je savais que ça fonctionnait au piano, mais je trouvais que la configuration n’était pas commode : on doit partager la pédale, on joue de travers, on se marche dessus… C’est vraiment une bataille !
Soit, mais pour vouloir écrire votre version à vous et pour vous, puis pour décider d’enregistrer une partition aussi redoutable, il faut être animée par un feu particulièrement sacré. Qu’est-ce qui vous attire particulièrement dans Schéhérazade ?
Musicalement, c’est un monument qui décrit presque toutes les facettes de l’âme humaine. Elle est gorgée de subtilités, de couleurs, d’événements. Je voulais vraiment raconter cette histoire en faisant sonner le piano à l’instar d’un orchestre. Comme j’étais la transcriptrice, je connaissais la technique de l’interprète que je serais : l’affaire était très commode !
À l’écoute du disque, je ne vais pas vous mentir : c’est
- brillant,
- vibrant,
- envolant,
mais le côté « commode » de la partition ne saute pas aux oreilles tant l’exigence de la transcription appert. Voulez-vous dire que la virtuosité que vous sollicitez de vous-même est un défi qui correspond à vos préférences techniques ?
En tout cas, la difficulté – réelle, je ne le nie pas – me correspond.
Pourtant, permettez-moi d’insister, ç’a l’air horriblement difficile !
Bon, d’accord, c’est horriblement difficile, mais j’ai souvent joué cette transcription en concert et j’ai l’impression que, à travers elle, je peux pleinement exprimer ce que j’ai envie de raconter. L’œuvre de Rimsky-Korsakov me passionne au-delà de tout ; et ma passion se ravive à chaque fois que j’ai l’occasion de donner ma transcription.
Reste un mystère : pourquoi promettre, de façon peut-être hâtive, que c’est votre dernière transcription ?
Parce que la musique de Schéhérazade représente depuis longtemps quelque chose de vraiment spécial pour moi. Elle me parle énormément. Avant même de la transcrire, je la connaissais presque par cœur. Aucune œuvre ne me parle autant. Il n’y a pas d’équivalent qui m’ait autant donné envie de la jouer puis de la rejouer. Par conséquent, oui, il y a tout à parier que je n’en transcrirai pas une autre. Pourquoi m’y risquerais-je alors que je n’en ressens pas la nécessité ?
À suivre !
Giovanni Panzeca et alii jouent Boulanger, Gerber et Schulé (Cascavelle) – 1/6
Le titre ne cherche pas à être catchy, mais le programme est bigrement alléchant. Construit autour de l’orgue, d’une part, et, d’autre part, de l’œuvre de René Gerber, lequel n’est pas inconnu de nos lecteurs, il ajoute à son cœur de set-list un prélude honorant le travail de Nadia Boulanger, prof de René Gerber, et un postlude de Bernard Schulé, compatriote et camarade de cours dudit René à Paris. Le disque est servi par un livret quadrilingue à la structure rigoureuse, pouvant justifier l’acquisition d’un disque physique et non d’une simple écoute en streaming par ceux que l’aventure tenteraient.
Les vingt minutes de Nadia Boulanger mettent à découvert le cinq cent vingt-deuxième instrument signé par le facteur Tambourini en 1966, puis restauré et agrandi en 2009 dans l’église Saint-Antoine de Piémont. Avec
- trente-deux jeux,
- deux claviers et
- un pédalier,
il se présente comme un instrument équilibré, bien que l’on note la présence d’une trompette en chamade sur chaque clavier et au pédalier, détail qui correspond a priori au tempérament volontiers flamboyant des orgues italiennes. Rien de fanfaronnant, pourtant, dans le choix des Trois improvisations au programme, destinées à l’harmonium et donc manualiter. Dans le prélude, Giovanni Panzeca se sert d’un son
- trapu,
- décidé et néanmoins
- flexible grâce à la pédale d’expression offrant autant de crescendi-decrescendi que d’accents parfois surprenants – ainsi, le mi bémol de la quatrième mesure, à 0’15, ne manque pas de faire sursauter l’auditeur (à la reprise du thème, à 0’55, cette particularité aura disparu).
L’interprète a probablement préféré une prise vivante à un montage léché : en témoigne la présence de scories, comme ce trébuchage – je tente le mot – presque dissimulé en appogiature, à 1’48, ou cet effet d’attente sur le mi bémol à 2’04 dont on ne jurerait pas qu’il s’inscrivît dans un choix d’agogique délibéré (le mi bémol en question n’est ni la note la plus haute, ni positionné sur un temps fort). Nonobstant ces détails parfois propres à la musique peu trafiquotée en postprod, la première modulation amplifie le geste par
- l’arrivée de pédales, notamment de sol dièse à la basse,
- l’accélération du tempo et, par contraste,
- la baisse d’intensité sonore permise par la mutation de la registration conduisant à la deuxième modulation en decrescendo.
On se laisse porter avec curiosité par le tohu-bohu qui gagne via
- les fluctuations de tempo,
- les changements de registres et
- les changements de registration.
L’écriture embrassante
- (thème au soprano,
- assise de la basse, et
- accompagnement tour à tour parallèle et en mouvement inversé des voix de ténor et d’alto)
déploie une emphase dont la progressivité procède d’un savoir-faire compositionnel très habile. Une marche chromatique descendante prépare le decrescendo et l’extinction du thème dans un festival de changements de jeux (apparition des ondulants et du tremblant) et de nuances qui justifie le choix de l’orgue, doté d’une palette sonore plus large que l’harmonium.
Le « petit canon » qui suit se boit comme du petit lait, porté par
- la registration douce,
- le tempo « sans vitesse et très à l’aise », et néanmoins
- la variété
- d’harmonies,
- d’atmosphères et
- de couleurs suggérée par la compositrice et finement investie par l’interprète.
Le dernier volet de la trilogie affiche le titre paradoxal d’improvisation. Écrit dans la tonalité de mi bémol mineur, avec ses cochonneries de six bémols à l’armature, l’andante fait tinter les cloches au bourdon de la main droite, tandis que l’anche de la main gauche énonce le thème. On peut regretter que la pédale d’expression semble capricieuse (certes, la neuvième mesure doit être jouée poco più forte, mais l’ouverture de la boîte aurait sans doute gagné à se faire dans le soupir concluant la huitième mesure plutôt qu’entre les mi et sol bémol développant le motif : sans doute un oubli corrigé sur le vif !) ou que l’anche de la main gauche soit aussi disgracieusement coupée après l’Ut (le si bémol n’a pas du tout le même son que les notes plus aiguës). Malgré cela, l’on se laisse volontiers hypnotiser par
- les effets d’écho,
- le bariolage enserré dans les questions-réponses,
- la variété que cèle et permet l’obstination thématique, et
- le souci de richement colorer la partition dont témoigne Giovanni Panzeca.
Dans une prochaine notule, nous évoquerons la Pièce sur les airs flamands de Nadia Boulanger. En attendant,
- pour écouter gratuitement le disque, c’est ici ;
- pour l’acheter moins gratuitement, c’est par exemple là.
À suivre !
Une musique bi-goût
Pour ce nouvel épisode des « improvisations du samedi soir », enregistré lors de la messe anticipée des Rameaux, deux idées m’inspiraient.
La première idée part du concret pour revenir vers le symbolique : je voulais faire entendre ce moment où, après cinq semaines de Carême où les jeux de fonds et les nuances piano encadrent les possibles de l’instrument liturgique, l’orgue se réapproprie des sons plus toniques – fussent-ils souillés par des anches violemment désaccordées – et des intensités plus vives, entre redécouverte et retrouvailles. Les fortissimi veulent aussi résonner comme un symbole de l’entrée dans la Semaine sainte, climax de l’année pour les catholiques.
La seconde idée part des textes liturgiques pour revenir vers la musique : je voulais faire entendre l’ambiguïté de la cérémonie des Rameaux, qui associe le triomphe de Jésus et sa mise à mort. Musicalement, ça passe par l’utilisation d’un thème de variété (pour les Rameaux, « rame, ramons, ramez » de Souchon et Voulzy s’imposait) tonal à souhait, que pervertissent petit à petit
- des accidents,
- des bizarreries et
- des à-coups atonaux,
avant de se mélanger à eux. Donc,
- d’un côté, le plaisant du triomphe et la joie d’une harmonie consonante ;
- de l’autre, ce que ce triomphe préfigure en termes de fêlure et de rame ;
- enfin, le mélange des deux puisque la condition pour que le Christ ressuscite, donc connaisse le triomphe céleste, cette fois, est qu’il meure.
Voilà le résultat.
Etsuko Hirose – Le grand entretien – 1/4
Elle a l’élégance des artistes qui n’ont pas besoin de jouer
- les engagées-du-bon-côté-du-manche,
- les saugrenues évaporées ou
- les olé-olé toujours à court de textile
pour que leur talent saute aux oreilles. Etsuko Hirose n’en est pas moins auréolée
- de plusieurs prix dans ces Jeux olympiques de la musique classique que sont les grands concours internationaux (sans défilé de transgenres pour lancer la compétition, c’est l’avantage),
- d’une bonne vingtaine de disques et
- de plusieurs centaines de concerts dans le monde entier,
- en solo,
- en formation de chambre ou
- avec orchestre,sous la baguette de pointures comme Charles Dutoit ou Augustin Dumay.
Le 20 mars 2025, entre une tournée au Japon et un récital à Berlin, elle nous a accordé un entretien sans
- faux-semblant,
- punchline préfabriquée ou
- élément de langage usé jusqu’à la corde que l’on ne peut écouter en entier – son effet soporifique est immédiat.
Au programme :
- sa formation,
- son travail,
- son répertoire,
- ses projets et
- sa vision de l’évolution du métier.
Voici des mots
- toujours sincères,
- tour à tour percutants et délicats,
- jamais dénués de l’humour discret qui enveloppe souvent les vrais modestes,
posés par une artiste qui a su effectuer la bascule de son statut de très jeune prodige à celui de grande musicienne internationale.
1.
Les années japonaises
Fréquemment, les CV d’artistes sont téléologiques. Il semble que, dès leur naissance, peu ou prou, ils étaient destinés à devenir des bêtes de scène dans le monde entier. Au moment d’aborder les années de formation d’Etsuko Hirose, j’ai eu envie de gratter un peu ce vernis convenu pour vérifier s’il ne cacherait pas quelque chose. Et ça a donné ce qui suit…
Etsuko, je voudrais commencer notre entretien en vous interrogeant sur votre formation pianistique et sur l’émergence de votre désir artistique. Pas seulement pour commencer par le début, aussi parce que, quand on lit les « biographies » d’artistes internationaux, quelque chose me fascine et me laisse sur ma faim. Leur parcours est présenté comme quelque chose de lisse et de facile. Vous ne faites pas exception à la règle.
Ah bon ?
Oh, oui ! Laissez-moi vous raconter votre vie comme dans un programme de concert… Vous avez commencé à jouer du piano à trois ans.
C’est vrai.
Vous avez joué en public votre premier concerto avec orchestre à six ans, le vingt-sixième de Mozart.
Je confirme.
Alors que vous êtes une toute jeune adolescente japonaise, vous gagnez un énorme concours pour jeunes pianistes à Moscou avant de poursuivre et même de rattraper vos études à Paris, d’abord à l’École normale de musique (ENM) puis au conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris (CNSMDP). Vous y obtenez votre Premier prix. Parallèlement, vous gagnez de nombreux concours internationaux et pas des moindres.
Oui.
Donc on aurait pu arrêter l’entretien ici, puisque tout est si simple. Sauf que la simplicité de ce récit me conduit, au contraire, à vous poser une première question : est-ce que votre expérience réelle d’apprentie pianiste virtuose a été aussi lisse qu’il y paraît, ou est-ce que…
Mais pas du tout, pas du tout, pas du tout, oh la la ! Enfin, il faut distinguer deux choses : quand j’étais enfant et après. Quand j’étais enfant, c’était hyperfacile. Pas de stress, pas de trac, pas de pression. Je me contentais de faire ce que l’on me disait de faire.
À très haute dose, toutefois, surtout pour une enfant, non ?
Oui, c’est ça. Mais ce n’était pas un problème, pour moi. Je ne connaissais pas vraiment d’autre vie. J’imaginais que tout le monde vivait comme ça. Il m’a fallu du temps pour comprendre que ce n’était pas le cas.
« Je voyais le piano comme un jeu »
Dès que vous avez trois ans, votre vie tourne autour du piano. Néanmoins, même avant votre naissance, vous étiez en contact permanent avec la musique…
Peu avant ma naissance, ma mère avait lu un article sur la méthode Suzuki. Le principe de cette méthode est que l’on apprend la musique comme on apprend à parler. Or, on apprend à parler en écoutant parler les autres. Dans ce sens, si on met la musique du matin au soir, on apprend la musique. Ma mère était tellement convaincue de ça qu’elle a voulu essayer avec moi.
Vous êtes devenue son cobaye !
Oui et non : ce qu’elle faisait pour moi, elle le faisait pour mon bien. Je ne suis pas sûre que ce que l’on fasse aux cobayes, ce soit toujours pour leur bien…
Pour votre bien, donc, vous étiez entourée de musique sans discontinuer.
Oui, et pas seulement depuis mon plus jeune âge, avant aussi ! Quand j’étais dans son ventre, du matin au soir, ma mère mettait des vinyles classiques. Des symphonies, du violon, des voix, du piano… Quand je suis née et que j’étais tout bébé, ça n’a pas changé : j’étais plongée dans la musique classique du matin au soir. C’est devenu mon milieu naturel, comme l’oxygène.
Dans cette immersion, le piano est arrivé très tôt.
Ma mère jouait du piano en amatrice. Dans la maison, il y avait un piano droit sur lequel elle donnait des cours aux enfants du coin si bien que le piano était quelque chose qui faisait partie de ma vie.
Vous n’avez pas tardé à grimper vous-même sur la banquette à hauteur modulable…
En effet, quand j’ai eu trois ans, ma mère m’a mise au piano. Ce n’était pas un traumatisme, c’était une fierté ! Pour moi, le piano, l’instrument, le son était quelque chose de familier, mieux : de naturel. J’étais très contente !
Et, là, vous avez commencé la fameuse méthode Suzuki. Qu’a-t-elle de particulier ?
Il y a sept cahiers, de difficulté progressive. Sa singularité est de se concentrer exclusivement sur la musique. Il n’y a ni gamme, ni arpège. Dès ses premiers cours, l’élève joue Mozart, Schumann, des œuvres au début très simples puis des œuvres plus compliquées. Une sonate de Mozart apparaît ; un menuet de Paderewski suite ; un cahier propose le concerto italien puis la première partita de Bach ; et ainsi de suite jusqu’à la sonate Appassionnata… du moins à mon époque !
Et quand jouez-vous l’Appassionata ?
J’arrive à l’Appassionata à huit ans.
À huit ans ?
Pour moi, c’était normal. J’écoutais ces musiques depuis toujours, de sorte que j’avais envie de les jouer le plus tôt possible. Ça me motivait pour travailler. Je voyais ce projet presque comme un jeu.
« J’adore les défis »
Un jeu, pour un petit Français, c’est une manette et un écran, pas ses mains sur un piano… Vous jouiez du piano, mais vous travailliez surtout votre instrument !
C’est vrai que, à l’époque, pour une enfant, je travaillais beaucoup.
Concrètement ?
Quand j’avais cinq ans, j’étais au piano trois heures par jour.
C’est énorme, non ?
Bon, je n’ai pas vraiment eu d’enfance, si c’est ce que vous sous-entendez. Cela dit, cela ne me dérangeait pas parce que je ne savais pas que ça existait. Ce que vivaient les autres m’était étranger ; et ce contexte un peu particulier m’a permis de jouer l’Appassionata à huit ans.
Est-ce que, pour vous, cette performance était normale, ou est-ce que vous aviez conscience d’être hors normes ?
Un peu des deux, j’imagine, grâce aux masterclasses qui rythment la progression dans la méthode. À l’une de ces masterclasses, j’ai rencontré Pascal Devoyon, dont la femme était alors une violoniste japonaise qui enseignait la méthode Suzuki – je suppose que c’est pourquoi il était invité au Japon. À huit ans, devant lui, j’ai joué « La Campanella » de Franz Liszt.
Avec vos mains d’enfant ?
C’était le hic. J’avais des mains un peu petites, et je ne pouvais pas vraiment jouer les octaves.
Autant dire que vous jouiez une transcription…
En quelque sorte. Et Pascal Devoyon était en colère. Il m’a félicitée, mais il était en colère. Il demandait : « Pourquoi faire jouer ce genre d’œuvre à une enfant en enlevant autant de notes ? » Ça m’a aidé à comprendre qu’il était vain de jouer ce genre de répertoire en l’adaptant… même si j’adooorais ce genre de pièces et de défis !
Sauf que vous avez huit ans et, clairement, même si vous savez jouer Liszt, vous ne pouvez pas le jouer.
Non.
« J’aspirais à copier les grands pianistes »
Alors peut-être arrive-t-on à un premier point de bascule, dans votre vie… Au début de cet entretien, vous nous avez dit que votre parcours n’avait pas toujours été a bed of roses. Quand comprenez-vous que l’aventure musicale risque de se compliquer ?
Il est certain que ma rencontre avec Pascal Devoyon marque un tournant. Elle a contribué à me faire prendre conscience que la méthode que je suivais n’était pas parfaite. Si je m’en tenais à elle, je n’accèderais pas à une expérience musicale pleine et entière.
Vous touchiez aux limites de la méthode Suzuki…
La méthode Suzuki est formidable parce qu’elle fait aimer la musique. L’élève joue toujours quelque chose de beau. Il n’a pas le temps de s’ennuyer. Cependant, il lui manque la rigueur, la technique, la précision qui, seules, permettent de se perfectionner en profondeur.
Vous avez huit ans et, déjà, vous sentez qu’il y a un fossé entre être une très bonne pianiste et devenir une pianiste professionnelle.
Voilà. Jusqu’à cinq ans, j’apprenais d’oreille, à force d’écouter. Le solfège m’a aussi aidée à comprendre qu’il y avait un problème. Je savais très bien lire la musique. Alors, j’ai appris à comprendre les partitions.
Le fait d’apprendre par cœur ou d’oreille participait aussi d’une pédagogie de l’imitation.
Oui. Inconsciemment, j’aspirais à copier les autres. En réalité, je n’aspirais pas : je copiais. Quand j’écoute les cassettes enregistrées à l’époque quand je jouais, c’est bluffant de constater que je copiais-collais. Vraiment. Je n’avais pas de personnalité. Rien.
Quand avez-vous eu le déclic que vous aviez le droit d’être Etsuko Hirose ?
Beaucoup, beaucoup plus tard ! Au CNSM, en fait. Quand j’ai travaillé avec Bruno Rigutto. En m’écoutant, il m’a expliqué que, sans m’en rendre compte, j’imitais des interprétations de Maurizio Pollini ou d’Arthur Rubinstein.
« Je ne voulais qu’une chose : jouer du piano »
Alors que vous ne cessez de bûcher votre instrument, un nouveau point de bascule survient. Vous avez treize ans et vous allez à Moscou.
C’est exact, je suis allée à Moscou afin de participer à un grand concours pour jeunes pianistes.
Comme tout est simple, vous obtenez le premier prix, et pas que parce que votre professeur est dans le jury. La petite Etsuko vit-elle cela comme une victoire éclatante ou comme un événement normal ?
Oh, j’avais conscience de ce que j’avais accompli, croyez-moi ! J’étais trrrès fière pour au moins deux raisons. D’une part, j’adooorais les pianistes russes comme Sviatoslav Richter ou Vladimir Horowitz. D’autre part, je savais que, dans ce grand pays, l’éducation musicale était exceptionnelle. Mes concurrents étaient comme moi : ils passaient leurs journées entières devant leur piano ! Les autres pianistes qui passaient l’épreuve jouaient donc très bien. Alors, oui, être lauréate d’un tel concours, ça m’a donné beaucoup de confiance et ça m’a même laissé croire que, peut-être, un jour, je serai pianiste.
Cette idée était une nouveauté, pour vous ?
Pas en tant que telle, car j’y pensais. En revanche, j’ignorais si je serais capable de vivre avec, de et pour la musique.
À cette époque, quelles images aviez-vous de la vie de pianiste ?
Difficile à dire. C’était moins un statut qu’un défi. Le concours m’a vraiment décidée de tenter ma chance à un moment où j’hésitais car, parallèlement à la musique, j’étais une bonne élève, au collège. J’aurais pu poursuivre des études autres que pianistiques. Quand il m’a fallu choisir, j’ai opté pour la musique.
Quel a été l’élément déclencheur ?
Je me suis aperçue que la musique était ma passion. Je n’aurais pas pu m’en passer. Pas su non plus. C’était ma vie. Toute ma vie. Depuis que j’avais trois ans, je n’avais fait que ça : du piano, et je voulais continuer à ne faire que ça : du piano.
À suivre !
Reinhold Friedrich et Eriko Takezawa, « Sonatae e variácie » (Solo musica) – 6/6
Dans moins d’un mois, désormais, paraît ce disque fomenté par Reinhold Friedrich avec Eriko Takezawa. En conclusion d’un programme
- original,
- passionnant et
- pensé,
les artistes proposent une sonate pour cornet en Mi bémol composée à l’orée du vingtième siècle par Thorvald Hansen,
- pianiste,
- organiste,
- violoniste et finalement
- trompettiste
mort en 1915. Le premier mouvement est un allegro con brio. On s’y délecte
- du tempo allant,
- de la solennité du binaire,
- de la fluidité des triolets, et
- du travail sur
- les contrastes d’intensité,
- les fluctuations de sonorité du cornet et
- les effets d’ensemble
- (synchronisation,
- parallélisme des intentions ou, au contraire,
- échanges de rôles entre les instrumentistes).
Après une embardée « più vivo », voici un andante con espressione ternaire et mineur.
- Gravité du caractère,
- solidité du cornettiste
- (précision des attaques,
- netteté des tenues,
- caractérisation des registres,
- variété des nuances) et
- capacité du duo à articuler le jeu des deux artistes
rendent savoureuse la musique sans surprise de Thorvald Hansen. Un allegro con anima à deux temps conclut la sonate et le disque en revenant au mode majeur.
- Pétillance du staccato,
- science de l’agogique,
- groove des à-coups rythmiques
- (surgissement des croches,
- contretemps,
- accélération des triolets)
lustrent cette marche tonique jusqu’à son amusante coda. Si cette sonate détone à l’égard du reste du programme (changement
- d’instrument,
- d’époque donc
- de style),
il faut assurément la voir comme un bis joyeux qui boucle avec le sourire un parcours passionnant, interprété par un duo formé par deux musiciens formidables et soucieux de travailler de concert – le brio protéiforme de Reinhold Friedrich se mêlant parfaitement à la technique remarquable et à la musicalité impressionnante d’Eriko Takezawa. De la belle, bonne et souvent captivante ouvrage !
Pour acquérir le disque, c’est par exemple ici.
Soleil de nuit, « Barbara du bout des lèvres… » (Anima Records) – 2/2
Barbara en remix classico-lyrique : tel est le défi que s’est fixée la compagnie Soleil de nuit, incluant pour ce projet
- les chanteuses Kareen Durand, Muriel Montel et Julia Horreaux,
- la pianiste Émilie Moutin et
- le violoncelliste Frédéric Dupuis.
La première partie du disque, confectionnée avec soin, ne nous avait pas toujours séduit.
- L’audace du projet,
- les originalités des arrangements,
- l’équilibre des forces en présence
attirent sans toujours nous convaincre à ce stade de la pertinence fondamentale de l’exercice. Les huit chansons qu’il nous reste à déguster parviendront-elles à lever notre réticence ?
La séquence s’ouvre sur une option qui nous rassure et nous allèche : le saoulant « Aigle noir » est remplacé par « Ramages » pour violoncelle et piano, une pièce écrite par Émilie Moutin. « Ramages » s’ouvre sur un bruitage violoncellique, entre vent et battements d’aile, auquel répond un piano élégiaque, semblant inspirer à son comparse des jaillissements spontanés, avec ou sans archet. On se laisse séduire par
- le jeu sur les différents registres (noirceur des ultragraves, espérance aérienne des suraigus),
- la place laissée à l’énigmaticité et au silence, et le contraste qui naît de la projection bien pâteuse du thème barbarique,
- la construction très claire de la pièce (prélude, thème et postlude).
Ces caractéristiques signalent que la compositrice n’a pas suivi en vain les cours d’analyse, de culture musicale et d’écriture musicale au CNSMDP. Elle joue
- de la compacité,
- de l’allusif et
- du créatif
pour éviter la scie originelle sans l’exclure complètement : voilà un interlude malin avant d’aborder « Pierre ». Des pizzicati en boucle se lovent dans des accords et des arpèges du piano pour entonner ce récit de l’attente pluvieuse et automobile.
- Les mutations et trouvailles d’arrangements que l’on sent particulièrement réfléchis,
- la sobriété longtemps préservée des grands effets lyriques,
- la qualité des piani réalisés en quintette
charment. « Perlimpimpin » frappe fort avec
- un violoncelle percutant ses cordes en introduction,
- le recours au parlando particulièrement intense et grave, ainsi que
- la grande palette de couleurs utilisées pour la chanson.
L’honnêteté m’oblige à stipuler que je ne suis pas forcément convaincu par l’utilisation de diérèses vintage d’expression (« et riche de dèépossession / n’avoir que soa vèérité ») relevant à mon sens plus de la caricature que de l’hommage à ce type de fredonnerie. De même, la façon de presque couper la tenue avant la semi-muette finale (« richeeeess / quasi tacet / -se ») au lieu de ne réaliser qu’un decrescendo sur la dernière syllabe n’est pas l’option d’interprétation qui me fait le plus frémir de joie. Cependant,
- la rythmique assurée par les accents du piano,
- le souhait de faire musique en se nourrissant de l’intensité du texte,
- les frictions harmoniques joliment écrites, et
- le choix de retenir la coda de l’Olympia 1978 plutôt que la version studio
ne sont pas sans beauté. « Göttingen » se décapsule sur une introduction séduisante. Le lyrisme ternaire de cette chanson réputée avoir été griffonnée en quelques minutes avant un concert
- sied au quintette,
- inspire les arrangeuses, et
- est interprété avec cœur par des artistes qui s’offrent même une coda devant faire un grand effet sur scène.
Ce nonobstant, très vite, on ne peut s’empêcher de craindre l’arrivée du toponyme, alors qu’il revient environ mille fois : toute la chanson fonctionne sur des assonances en -aine, il faut donc, comme Barbara, prononcer « Göttingaine » et non « Göttingueune », quand bien même ce serait la prononciation officielle. De même, le surgissement de « Gaitinnegueune » à 0’50 ou l’arrivée de l’option « Keutinnegueune » à 3’22, par exemple, pourra chafouiner le chipoteur.
Ouf, plus de problèmes de francisation dans « À mourir pour mourir » propulsé par le violoncelle façon walking bass !
- L’arrangement est efficace,
- le swing est digne, et
- les contrastes entre les voix
captent l’attention. « Une petite cantate » associe ensuite
- sobriété des arrangements instrumentaux,
- variété de l’inventive transcription vocale, et
- place accordée à un interlude instrumental.
« Mes hommes », plus long morceau du disque puisqu’il frôle les sept minutes, s’ouvre sur une introduction pianistique aux audaces harmoniques assumées.
- Les breaks ravivant l’écoute,
- la surprise du bref solo de piano,
- l’emportement soudain virtuose des arpèges d’Émilie Moutin,
- la volonté de prendre le temps, et
- les ouabadibidoubida de la coda, jusqu’au cri final,
sont des atouts qui rendent fort sapide cette version. Le disque meurt avec « Y aura du monde », c’est logique. L’intro d’origine est conservée, cet « amen » paradoxalement initial étant avec habileté réutilisé pour les arrangements vocaux ultérieurs.
- Le rapprochement avec les styles musical et opérette,
- le featuring de la Castafiore,
- l’intervention d’un oiseau têtu,
- la coda snappée qui
- s’enflamme,
- dérape et
- accélère,
fonctionnent très bien et sont tout aussi bien taillés pour un bis. En résumé, voici un disque ambitieux (17 pistes, 70′) qui
- ose,
- propose et
- pose
une vision personnelle et collective d’une partie du répertoire de Barbara. Que l’on soit toujours touché ou non par le résultat, l’on ne peut que s’incliner devant la richesse du travail effectué. Dans un monde de fast music où les reprises sans intérêt de ce catalogue n’ont pas souvent
- de saveur,
- de profondeur et
- d’assise musicale di qualità,
c’est un sacré atout.
Pour acheter le disque, c’est par exemple ici.
Reinhold Friedrich et Eriko Takezawa, « Sonatae e variácie » (Solo musica) – 5/6
Trompettistes et trompettophiles n’ignorent pas la sonate composée en 1943 par Jean Hubeau, laquelle est l’objet de cette chronique. Des vedettes de la trempe d’un Maurice André ou du polémique Guy Touvron ont joué et enregistré ses trois mouvements. Le premier est une sarabande aux allures solennelles. Elle fait dialoguer trompette et piano autour d’un motif harmonisé avec goût. Une incursion dans la nuance piano prolonge le thème avant d’en proposer des éclats contrastants.
- Les nuances,
- la caractérisation
- (mutations,
- phrasé,
- accents) et
- la variété sonore des interprètes
excluent l’impression de répétition que pourrait susciter un mouvement pourtant monomaniaque.
- L’exaltation des envolées,
- la poésie des piani (celui de la coda est une merveille) et
- l’art de passer d’une atmosphère à l’autre
parent la partition d’une musicalité ravissante. Le bref deuxième mouvement est baptisé « Intermède ». Il se lance sur une ritournelle pétillante du piano qui pourrait bien avoir inspiré à John Williams un thème harrypottérique ! La trompette ne tarde pas à s’emparer du sujet.
- Les échanges entre les instruments,
- les notes répétées et les roulements de la trompette,
- la légèreté des aigus du piano ainsi que
- l’écriture tonique dont est absente toute chichiterie
rendent ce moment tout à fait pimpant. Le troisième mouvement est un « Spiritual » qui s’appuie sur le swing perpétuel du piano.
- La douceur des nuances,
- la sonorité tour à tour sourde et puissante d’Eriko Takezawa, ainsi que
- la plaisante harmonisation « à la manière de »
contribuent au charme du mouvement.
- Des breaks secouent la partition ;
- les mutations sonores – avec ou sans sourdine – de Reinhold Friedrich témoignent d’une palette large et palpitante ;
- une suspension, entre mystère et apaisement trouble, habite la partie centrale…
… avant le retour final du motif liminaire, lancé par le piano et conclu par des suraigus virtuoses mais assurant le triomphe du trompettiste qui les dompte. Reinhold Friedrich est de ceux-là. Il parachève donc en beauté une sonate qu’il tire du côté de la musique plaisante plutôt que de la musiquette gentille. Si, de façon générale, la musique sert, avant tout, à charmer les oreilles donc à toucher l’esprit de ceux qui l’écoutent, cette sonate, interprétée avec la sensibilité et le brio requis, ne rate pas sa cible !
Un souvenir de brume
« J’ai traversé des nuits d’orage / pour n’être plus qu’à mon image » chantait Catherine Ribeiro. Chante Jann Halexander. En évoquant ce qui est devenu des sujets de société ou, pis, des sujets sociétaux : l’amour, les orientations sexuelles, la nostalgie, les non-dits, l’identité… En ne les évoquant pas, en fait. En les caressant, plutôt.
C’était dans la salle de spectacles de la librairie libertaire de Paris. Même sans un grand Steinway ou plutôt grâce à son absence, thème chéri de la Ribeiro, la force de cette chanson résonnait ce soir-là grâce à la voix de l’interprète et à l’invitation de Mariama pour Radio libertaire, avec cette audace très mariamesque d’inviter quatre hommes (les guitaristes Claudio Zaretti et Sébastyén Defiolle étaient de la fête) pour chanter au festival du mars féministe. C’était donc la moindre des causes de parler de celles que, pudiquement, Catherine Ribeiro appelait « Elles » !
Reinhold Friedrich et Eriko Takezawa, « Sonatae e variácie » (Solo musica) – 4/6
Plus connu pour être le dédicataire de la Première symphonie de Sergueï Prokofiev ou pour avoir été un chouchou du stalinisme – notamment en tant qu’auteur – que pour avoir laissé des earworms dans la tête de nos contemporains, Boris Asafiev est néanmoins le quatrième compositeur rare choisi par Reinhold Friedrich et Eriko Takezawa dans le cadre de leur promenade dans les sonates pour trompette et piano de la première moitié du vingtième siècle. L’œuvre est organisée en quatre mouvements.
Le premier est un allegro en Si bémol écrit « in modo classico ». À quatre temps, la mesure s’amuse de la confrontation entre une battue très rigide, marquée par les octaves du piano, et une oscillation entre ternaire et binaire.
- Accords répétés,
- variations de registres,
- contretemps,
- questions-réponses entre les deux partenaires et
- jolie variété de nuances
accompagnent les frictions rythmiques et harmoniques donnant son allant au mouvement jusqu’à sa fin joyeusement caricaturale. L’adagio en Mi bémol mais pas que part sur un rythme syncopé. Le cantabile est somptueux.
- La sonorité chaude de la trompette,
- l’assurance jamais planplan du piano accompagnateur, et
- l’art très soviétique à dérégler une mécanique quand elle risquerait de s’empâter dans un contentement bourgeois
conduisent à une mutation de tonalités et de tempo. La deuxième partie du mouvement est annoncée « più andante ». De caractère plus tourmenté, ce segment associe plusieurs caractéristiques aperçues dans le premier mouvement. Boris Asafiev y confirme son goût pour
- le contretemps,
- la friction entre binaire et ternaire,
- les accords répétés et
- une certaine fluidité voire liberté tonale.
Cette inclination pour l’insaisissabilité et la contradiction se manifeste dans l’indication suivante : agitato ma sempre andante. Le segment conduit à un maestoso triomphal, floqué fortissimo, qui semble vouloir faire sauter la baraque avant de s’évaporer en decrescendo vers le rappel du tempo et de l’atmosphère initiaux.
- Embardées,
- soubresauts et
- surprises
conduisent à une coda apaisée à jouer « molto tranquillo ».
- La justesse des tenues de Reinhold Friedrich,
- la polymorphie du piano d’Eriko Takezawa, ainsi que
- la richesse
- harmonique,
- rythmique et
- de caractère d’une partition rhapsodique en arche
participent d’une écoute où le plaisir des moments apaisés se double du frisson canaille que procurent des sorties de route finalement bien contrôlées.
Le troisième mouvement est un scherzo en Fa. La « plaisanterie » renvoie le souci du legato aux oubliettes. Ici, ce sont
- la solidité des lèvres,
- la longueur du souffle,
- la précision des respirations, et
- la résistance à l’effort
du trompettiste qui sont testées sous des airs de boutade pimpante. La partie centrale, « poco meno mosso » et en Si bémol, confirme le métier d’un compositeur caméléon capable de tourner sa casaque stylistique avec maestria. Les interprètes n’hésitent pas à en profiter pour agrémenter le da capo d’un mid tempo virant à l’accélération malicieuse et maîtrisée. L’astuce
- est plaisante,
- évite l’impression de copier-coller sans enlever la joie des retrouvailles, et, plus profondément,
- rappelle le rôle des interprètes talentueux, lequel n’est pas tant de jouer des notes que de faire vibrer l’auditeur en caractérisant pleinement les spécificités de chaque moment musical, même dans des mouvements qui semblent allègrement monolithiques.
L’aventure ne s’arrête pourtant pas au terme de ce feu d’artifice où la virtuosité du cuivre n’éclipse jamais la connivence qui lie soliste et accompagnatrice. S’avance à présent une sarabande en Si bémol, marquée andante moderato et équilibrant la sonate puisque, grâce à elle, les mouvements à 3/4 réalisent une dernière remontada et égalisent face aux mouvements binaires. Le finale porte fièrement la patte asafiévique avec, notamment, des octaves solides, ici marqués « pesante », et des cahots rythmiques très efficaces
- (contretemps,
- friction binaire / ternaire,
- changements de mesure,
- agogique exigée associant
- ritendi,
- retour au tempo primo,
- nouveau changement de tempo, etc.),
comme si le compositeur proposait une synthèse de son langage en guise de péroraison. Le dernier volet associe
- allant,
- swing et
- solennité,
le tout serti dans une capacité à nuancer ensemble qui balaye un spectre assez large pour osciller entre fortissimi éclatants et pianissimi d’une impressionnante intensité.
- Brio de la technique (avec le plaisir suprême du trompettiste qui consiste à ajouter un trait final non écrit mais parfaitement connecté à l’esprit de la partition),
- sens du rythme,
- hauteur de vue permettant la caractérisation des différents éléments de langage mais aussi la préservation d’une unité de ton, indispensable à la continuité du récit,
contribuent à offrir au mélomane ignorant que nous sommes une nouvelle découverte aussi passionnante et plaisante que les trois premières. La prochaine notule nous fera mettre sur le plateau de notre mange-disques la sonate de Jean Hubeau. Ça s’annonce bien !
À suivre…
Déjà disponible
Les Variácie pre trúbke a klavír d’Alexander Albrecht
La sonate de George Antheil
La sonate de Harold Shapero
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Le disque peut être acquis aquí.
Soleil de nuit, « Barbara du bout des lèvres… » (Anima Records) – 1/2
Après un disque Prévert-Kosma que nous écouterons tantôt, Julie Horreaux a réuni autour d’elle
- Kareen Durand et Muriel Montel aux voix,
- Émilie Moutin au piano, et
- Frédéric Dupuis au violoncelle
pour chanter Barbara dans des arrangements qu’elle co-signe avec la pianiste pour la compagnie Soleil de nuit. Le projet, qui a profité du confinement pour prendre forme, est d’associer des voix lyriques sur une réharmonisation des hymnes barbariques. « Reprendre » Barbara est hélas un hobby très répandu chez les fredonneurs. Hormis l’évidence Marie-Paule Belle, à la fois proche dans sa posture piano-voix et si subtilement différente de Barbara, les réussites sont rares car les propositions sont souvent peu habitées par une réflexion sur les deux risques de la réinterprétation (coller platement à l’original ou n’en faire qu’un prétexte attrape-gogo en écrasant la VO sous le style ou l’absence de style du repreneur). Voilà un reproche que l’on ne pourra faire au présent quintette qui, dans sa « note d’intention », souillée par une écriture dite inclusive dont, IRL, le caractère grotesque et niaiseux fait plus crisser des mandibules que sourire, évoque la lente maturation du projet.
Pour autant, Barbara au pays du lyrique ne se laisse pas apprivoiser facilement par l’auditeur accoutumé à la dame en noir. Au point que « Ce matin-là » qui ouvre le disque est un peu froissée par l’ajustement nécessaire entre l’interprétation connue et la réinterprétation proposée. Il faut repousser l’habitude et goûter la nouveauté dans le déjà-ouï, et cela ne se peut faire instantanément. Or, l’on pressent que ce tiraillement sera l’intérêt du projet. Nous allons nouer notre serviette et profiter de ce que les artistes nous ont préparé en cuisinant des morceaux dans une sauce savamment retravaillée, avec, dès le titre d’ouverture,
- harmonies piquantes,
- balancement rythmique du piano,
- vocalisation recherchée (notamment dans la répartition du texte entre
- unissons,
- changements de lead et
- trio) et
- forme en arche (violoncelle pizzicato à découvert au début et à la fin).
Le soin apporté
- à la prononciation,
- aux tenues,
- à la variation des options d’arrangement
se retrouve dans « Sans bagages », agrémenté d’une coda amusante. « La solitude », elle, s’ouvre sur une intro pianistique bienvenue, utilisée comme riff et interlude. L’interprétation choisit de houspiller l’allégorie de la solitude avec des intentions appuyées et des rythmes de diction engagés. Aux chastes esgourdes, précisons que l’ensemble n’est pas écoutable si elles comptent s’offusquer de la raideur consubstantielle au lyrique et au travail à plusieurs
- (mise en place rigide du texte,
- emphase de caractère,
- exagération contraire à la spécificité artistique de la chanson).
Voilà précisément ce qui rend le disque écoutable aux esgourdes moins rigides : il prend au sérieux le catalogue de Barbara et le traite avec une claire volonté de ne pas le ménager donc de changer le prisme d’écoute en le rhabillant des pieds à la tête,
- changeant ici l’étoffe,
- ajoutant çà un froissé,
- ajustant là des accessoires qui, soudain, paraissent essentiels.
Ainsi, « Dis, quand reviendras-tu ? » s’ouvre sur les dissonances pianistiques dont Émilie Moutin aime émailler sa partie. Avec elles,
- l’alternance des voix,
- la suavité des commentaires du violoncelle,
- l’allant qui n’exclut pas l’attention aux tenues, et
- l’arrivée de la nuance forte pour un dernier refrain enflammé
contribuent à capter l’attention.
Le modulant « Au bois de Saint-Amand » vaut pour son arrangement vocal rendant les contributions instrumentales dispensables (contrairement aux apparences, c’est un compliment). « Nantes » confirme la volonté des artistes de ne traiter que les mégatubes de la chanteuse – décision intelligible mais que l’auditeur peut aussi regretter tant elle contribue à dresser une fois de plus un portrait canonique d’une chanteuse univoque, alors que la femme piano avait aussi su se laisser à des embardées tant stylistiques que morales pimentant son personnage par-delà les postures et poses du personnage qu’elle affectait pour le public. Une longue intro partagée entre instruments et vent buccal, si si, ouvre la voie à une vision contemplative du premier refrain, dont la pulsation pertinente de Frédéric Dupuis façon contrebassiste tamise la langueur.
(Oui, je sais, « tamiser une langueur », c’est bizarre, mais il se trouve que le violoncelliste tamise la langueur du refrain. Je n’y peux strictement rien. Pour toute réclamation, adressez-vous à lui.)
- L’expressivité vocale,
- les mutations des arrangements,
- la précision des ensembles et
- les options harmoniques
tentent de porter plusieurs éclairages sur le texte. Ce palimpseste nous parle aussi de l’immensité des possibles offerts à un arrangeur, même dans un cadre clairement défini – ce qu’illustre l’écriture de la coda. Dans cette veine créative, Soleil de nuit enrichit « C’est trop tard » d’une intro qui construit habilement l’atmosphère de la chanson.
- L’étrangeté de l’harmonisation liminaire,
- l’alternance des écritures pianistiques, et
- la gravité sans emphase de la coda en crescendo
traduisent un travail minutieux. Oh, certes (c’est ce qui l’aide à vivre), le chipoteur se plaît à sursauter devant certaines options de diction donc d’accentuation (« que feront-ils de tant de fleurs ? », avec l’accent sur le « ils »), la strictitude – eh oui – classique ne permettant pas de rendre la fluidité d’un chant non lyrique. De même, « Bref » surprend par l’inintelligibilité inhabituelle du début (celui qui entend « La fille pour son plaisir » et non « La fée » ou, amusant, « Latté pour son plaisir », a bien du talent). Cette syllabe mise à part, on a tout loisir de goûter
- la simplicité apparente de l’accompagnement,
- le plaisir coquin de la goualante au refrain, et
- la gourmandise de la variété du traitement vocal.
Particulièrement apprêtée, « Parce que je t’aime » se pourlèche les babines
- du parlando habité,
- des toutoutou ouabidouba vocaux et instrumentaux enveloppant la séparation amoureuse dans un sourire, et
- des sifflotements snappés à la coda.
Une façon très convaincante de conclure la première moitié de ce disque intrigant, dont nous évoquerons la seconde partie très bientôt.
À suivre !
Pour acheter le disque, c’est par exemple ici.
Pour voir les artistes en concert ce 12 avril et ce 13 avril à Paris, c’est là.