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Laurent Petitgirard et l’orchestre du CNSMDP, avec Manon Galy en violon solo. Photo : Bertrand Ferrier.

On connaissait Genesis revisited, superbe album de Steve Hackett covérisant ses années de groupe. Cette fois, rien à voir avec le combo de rock progressif : Bruno Coulais, compositeur original, demande à ses élèves de la classe de « composition à l’image » du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris, ouf, d’écrire, à six, une partition sur Genesis, film de Claude Nuridsany et Marie Pérennou.

La solitude d’Emma Blanc-Prieur juste avant le premier “pling”. Photo ratée : BF.

Le projet : sur un film célébrant la nature (la naissance fantasmée ou scientifique de la vie, mais aussi les origines mythiques du récit via le griot Sotigui Kouyate), six étudiants du CNSMDP proposent chacun leur musique pour un bout de 1 h 15’, dans une interprétation remarquable – après un début compliqué – de leurs condisciples dirigés par Laurent Petitgirard.

Sotigui Kouyate dans “Genesis”. Photo (c) Bac Films.

Le résultat : bien qu’un peu souillé par la marque du vidéoprojecteur, suppute-t-on, gravé sur l’image de bout en bout, le métier des compositeurs paraît déjà évident et remarquable. Certains ont bien pointé la difficulté d’écrire dans la presque-urgence (une enseignante du Conservatoire nous rapportait le cas d’une des six personnes à qui elle demandait de raconter ses vacances de Noël et qui lui a rétorqué : « Pas de vacances, je composais »), mais tous ont rendu un travail de grande qualité, alors que chacun n’était pas traité à la même enseigne – c’est plus facile d’ouvrir ou de clore un film, faut reconnaître. Au-delà des spécificités, on remarque un goût général pour le célesta et ses effets aussi faciles qu’efficaces, le piano en monodie et, misère, l’accordéon. Les cordes sont plus souvent valorisées que les vents (un seul compositeur met en avant la clarinette basse) : la composition à l’image doit supposer, conclut-on, une efficience, donc une consensualité assez cadrée.

Laurent Petitgirard, Julien Mazet, Nathan Rollez, Minwhee Lee, David Jorda-Manaut, Stanislav Makovskiy, Pierre David et Bruno Coulais sur la scène de la salle Rémy-Pflimlin du CNSMDP. Photo : BF.

Pour admettre nos préférences, nous proposerons deux catégories. Hasard ou réalité scientifique, la première, qui concerne le métier, reconnaît la clairvoyance du prof qui a attribué l’ouverture et la fermeture à ses deux élèves les plus convenables, ce qui n’enlève rien à leur savoir-faire mais le fait passer devant leur personnalité – peut-être une qualité dans ce genre pour partie fonctionnel. Julien Mazet propose une ouverture assez sûre d’elle pour associer des ensembles orchestraux de géométrie différente, alors que la plupart de ses pairs se servent souvent de l’entièreté de l’extraordinaire outil qu’est ce grand orchestre. Pierre David signe une clôture remarquable dans la variation d’atmosphères. Dans la seconde catégorie, celle des personnalités singulières, on accordera une médaille d’argent à David Jorda-Manaut qui, sans renoncer à quelques effets superfétatoires, parvient à évoquer des contrastes dépassant la stricte description iconique (les excellents bruitages intégrés au film suffisent à cela). Dans notre toute naïveté, nous remettons néanmoins la médaille d’or à Nathan Rollez, pour son sens des harmonies inattendues, qui remotive sans fard la musique de film en y apposant une patte personnelle laquelle, en stimulant l’écoute, stimule aussi le regard – loin des procédés systématiques permettant aux vedettes du genre d’apposer leur griffe sur un film.

Marie Pérennou, Claude Nuridsany et Bruno Coulais. Photo moche : BF.

En conclusion, une classe visiblement bien coachée, quelques personnalités de compositeur évidentes, un grand outil orchestral et un beau projet à entrée libre applaudi par une salle comble : bref, belle soirée.