Elvin Hoxha Ganiyev joue les sonates pour violon d’Eugène Ysaÿe (Solo musica) – 5/6
Avec la cinquième sonate pour violon, le cycle d’Eugène Ysaÿe bascule dans le mode majeur pour les deux derniers numéros, selon le modèle proposé par Johann Sebastian Bach. Intitulé « L’aurore », le premier épisode du diptyque n°5 est un lento assai à quatre temps mais à la mesure « très libre ». Elvin Xhoxha Ganiyev en enjolive
- le mystère programmatique
- (tenues,
- lenteur,
- glissendi),
- les sursauts narratifs des pizzicati et
- les multiples effets d’étrangeté
- (harmoniques,
- débit et
- intervalles mutants).
La partition travaille moins l’expressivité sentimentale que la suggestion picturale, excitant l’imagination de l’auditeur à travers
- des tremblements qui floutent l’évidence,
- des bariolages qui brossent à grands traits,
- des grupetti inégaux qui hachurent le tableau, et
- le jaillissement d’une virtuosité solaire mais tourmentée qui exonère le mouvement de toute mignonnitude convenue.
Après l’aurore, la journée continue avec une danse rustique, où les marottes du compositeur dévoilent une nouvelle fois leur fructueux potentiel. Il s’agit d’un allegro giocoso marqué molto moderato, suivant le goût d’Eugène Ysaÿe pour les indications sinon contradictoires, du moins en tension. De même, la rusticité et la chorégraphie doivent naître d’un esprit « bien rythmé », même s’il s’insère dans une mesure à 5/4, chère au compositeur mais rarement associée avec l’idée d’une danse rustique – qui moins est quand des mesures à trois, six ou sept temps surgissent pour agiter le cocotier. C’est sans doute qu’il s’agit moins d’exécuter des mouvements prédéterminés que de se laisser porter par une joie dont
- le phrasé rend la logique,
- les accents dirigent les pas,
- les ornements relancent l’énergie, et
- la diversité du rythme apporte une fluidité au bon goût d’apparente liberté.
Elvin Xhoxha Ganiyev excelle à associer
- tonicité des attaques,
- polymorphie du son offert par un archet étonnant,
- souplesse du geste dans la gestion du tempo, et
- fermeté des accords martelant le discours.
Un moderato amabile à trois temps surgit alors, aussi fluide et glissant que le premier segment était syncopé.
- Bien mis en valeur par des passages strictement mesurés, le rubato est de rigueur ;
- alimentée par un paradoxe très ysaÿen, la virtuosité digitale enflamme ce moment officiellement lent ; et
- l’imprévisibilité de la narration pimente l’écoute, laissant imaginer des danseurs ravis de se plier aux foucades d’un meneur de ballet qui semble improviser voire chercher à désarçonner son public.
Au-delà des effets que le violoniste-compositeur sait pouvoir produire sur l’assistance,
- la créativité de son écriture,
- l’exigence requise pour l’interprétation,
- la fougue du retour au tempo primo, à son thème et à ses sautillements alternant avec des traits crépitants
ne peuvent qu’impressionner et saisir l’auditeur. Désormais, le calme de l’aurore est loin. Le regrette-t-on vraiment ?
À suivre…
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