Fruits de la vigne – Château Peybonhomme-les-Tours 2020

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Photo : Bertrand Ferrier

 

Boire un petit coup, c’est agréable ; mais est-ce possible pour plus ou moins dix euros à Paris ? Notre enquête sur les quilles tournant autour de cette barrière continue avec un Peybonhomme-les-Tours 2020. Il s’agit d’un Blaye-Côtes de Bordeaux (donc pas d’un Blaye mais presque, et inversement) affichant un double label bio voire biodynamique et, étrangeté devenue habituelle, “suitable for vegans”. L’étiquette ajoute d’autres attrape-couillons pour le moins dispensables comme “grand vin de Bordeaux”, astuce marketing pataude laissant penser à un “grand cru”, ou “cru de prestige”, dont le clinquant niaiseux n’engage que celui qui s’y laisse prendre. Ce ne sont que des mots en plastique, certes, mais leur utilisation, ne reflétant pas de critère de qualité objectivable, est assez méprisante pour le consommateur – d’autres étiquettes plus classieuses d’un produit qui semble identique doivent être destinées à des circuits de distribution plus premium.
Le jus qui s’apprête à se glisser jusqu’à nos papilles titre 14°. Les mixologues autochtones l’ont ventilé entre une dominante merlot (75 %) et deux mineures : du cabernet-franc pour 15 % et du malbec pour 10 %.
La robe est claire , d’une luminosité qui saisit l’œil et donne du velouté au rougeoiement. Nulle obscurité, ici, mais une souplesse lumineuse et engageante qui fait litière des solennités sérieuses à même de plomber le plaisir de s’enjailler.
Le nez trahit peut-être un élevage en fût de chêne. En tout cas, il est intéressant et appétissant, avec ses émanations plus de sous-bois d’automne que de forêt policée.
La bouche séduit d’emblée. Malgré ses 14°, elle affiche une légèreté décomplexée dès l’attaque. Cependant, ce début fanfaron ne doit pas susciter d’attentes excessives. Le bouquet initial est aussi le bouquet final, nonobstant une certaine astringence persistante. Les caractéristiques de ce vin ne le préparent pas à ambitionner une persistance évolutive ou une rondeur que l’on prendrait plaisir à explorer. Ceux qui cherchent moins une quille primesautière qu’une bouteille solide et bien charnue passeront leur chemin. Les autres pourront se pencher sur l’affaire.
S’ils ne sont pas vegan, ils l’accompagneront évidemment d’un vrai plat car un rouge sans son mets est comme une rentrée scolaire sans polémique vestimentaire entre crop top et abaya. Nous avons quant à nous marié ce fruit de la vigne avec un filet de poulet à la crème, une poêlée de champignons et un joli écrasé de pommes de terre du jardin. Le combo solide-liquide s’est aimablement accordé, nous permettant de célébrer de plaisantes épousailles qui, comme d’autres unions, n’ont duré que le temps d’une chanson liquide – pas si mal, par ma foi !