Irakly Avaliani, Intégrale Brahms volume 1, L’art du toucher – 10/10

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Première du disque

 

“Ultra passionné, mais pas trop joyeux” : (presque) tout Brahms ne serait-il pas dans l’indication ouvrant la Rhapsodie en sol mineur, second numéro de l’opus 79 ? Officiellement siglé à quatre noires par mesure, la partition donne cependant du grain à moudre à l’interprète en associant ce projet binaire à une réalité également ternaire avec douze croches par mesure. Irakly Avaliani s’appuie sur cet indice de tourments pour caractériser les différents moments en choisissant pour chacun

  • le toucher,
  • le phrasé et
  • les nuances

exigés par le premier segment de la rhapsodie. Ainsi résonnent

  • la fermeté sans concession orientant le discours liminaire,
  • les staccati bondissants articulant le dialogue entre les deux mains (octaves mains gauches) et
  • le leagto presque lyrique enveloppé d’un piano subito (octaves main droite).

Johannes Brahms travaille la spécificité de chaque registre de l’instrument et secoue ces teintes, y compris en recourant notamment

  • à l’astuce de la reprise qui permet d’offrir un nouveau tour de grand huit à l’auditeur,
  • au plaisir de la modulation tonale et modale et à
  • l’art de l’irisation qui consiste à utiliser un même motif en le présentant différemment à la lumière pour en révéler des
    • aspects,
    • couleurs et
    • formes insoupçonnés.

 

 

Au centre du clavier, un ostinato inquiétant finit par irriter les deux mains sans provoquer l’explosion attendue (ce qui le rend encore plus inquiétant). Aussi le compositeur réexpose-t-il le segment premier comme pour y chercher une solution. Cela ne dissout point pour autant l’ostinato, et le piano semble en prendre acte dans une conclusion brève et agacée.

  • Moins spectaculaire,
  • moins démonstratif et
  • moins, disons-le, rhapsodique,

ce dernier numéro de l’opus 79 ? Sans doute, et peut-être est-ce la raison pour laquelle Johannes Brahms rechignait à désigner les deux pièces uniment comme des “rhapsodies”. Irakly Avaliani ne manque pas pour autant de montrer ce qu’un musicien peut faire avec ses petits marteaux :

  • cogner, bien sûr,
  • chanter,
  • questionner,
  • chercher,
  • renoncer,
  • confronter,
  • suspendre,

suscitant des émotions rhapsodiques, elles, chez l’auditeur, parmi lesquelles

  • la surprise,
  • la tension,
  • la sérénité,
  • l’énergie,
  • la rêverie,
  • l’étonnement et, in fine,
  • le plaisir

qui, comme l’écrivait Claude Debussy, devrait être, nonobstant certaines déclarations tourmentées de grands acteurs du monde musical, l’une des principales finalités de la musique. En cela, la seconde rhapsodie est une habile conclusion pour ce disque, paru il y a treize ans, qui nous a captivé de bout en bout !


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