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Photo : Bertrand Ferrier

Il vient, il est là, il répète. Malgré l’écrasement des droits sociaux, le défonçage des retraites, l’usage dégueulasse du 49.3, tous ces écrans des fumée chargés de dissimuler la gravité du coronavirus et de la chute des Bourses (avec une cap, merci), Aurélien Fillion a tenu parole. Il a quitté sa Belgique néerlandophone pour se risquer dans l’une des pires zones du monde, bien en-deçà de Wuhan.
Il est à Paris, et il vient claquer un programme grandiose, réservé à ceux qui aiment rêver, kiffer la vibe qui vient, se laisser porter. Il mixe des compositeurs entre eux. Il défie la tonalité avec l’un, frictionne les cheveux du cluster avec l’autre, défrise la virtuosité avec la partition du dessous (et du dessus). Le tout pour le plaisir de faire de la musique.

Photo : Bertrand Ferrier

Ce samedi, Aurélien Fillion ne vient pas toucher son chèque : y en a pas. Le mec qui a joué sur quelques-unes des plus belles orgues de France et d’Islande – entre autres – et devait jouer à Notre-Dame de Paris sera à Saint-André-de-l’Europe pour partager son talent, ses goûts musicaux, sa versatilité – sa liberté en somme.
Le loufoque qui manie la flûte à bec et l’électro, les claviers et la composition, qui est aussi Belge que Français et réciproquement, propose donc un programme prestigieux de musique essentiellement récente et pourtant parfaitement accessible à toutes les oreilles de bonne volonté. Ou pas.

 

 

Moi, j’aime bien que ce soit pas accessible. Je sais pas ce que c’est, de la musique accessible. J’en veux pas, de la musique autoproclamée accessible. Y a pas de musique accessible, y a que de la musique méprisante, dans cette appellation. Donc j’espère que la musique propulsée par Aurélien ne sera pas autoproclamée accessible. Ou, a minima, pas que.
D’autant que, ce week-end, quasi tous les concerts d’orgue (et pas que) sont annulés, sauf celui-ci, qui sera ouvert aux quatre-vingt quinze premiers spectateurs à se présenter. Na.

Photo : Bertrand Ferrier

Désintégrant les craintes sous lesquelles un gouvernement totalitaire tente de nous asphyxier, l’artiste a choisi de nous offrir un récital d’une heure autour de ce qui le fait vibrer, partant ce qui nous fait plonger dans la magie de l’orgue, ce qui fait fi des chapelles et des gnagnagnas, bref ce qui nous propulse dans une proposition puissante, diffractante, différente.
Voilà, donc, ce qui justifie que l’on se bouge la partie postérieure et ce qu’il y a autour pour profiter d’une heure de musique gratuite, avec grantécran, et sans interdiction de se laver perpétuellement le masque avec discrétion et un gel hydroalcoolique.

Photo : Bertrand Ferrier

Ne laissons pas la peur gouvernementale nous asphyxier. Ne laissons pas la voracité des financiers profiter de nos fatigues. Ne laissons personne nous diminuer. Nous sommes plus forts que nous pensons. Moins cons que ce qu’ils tentent de nous convaincre. Nous sommes plus vivants.
Je n’imagine pas plus puissant doigt d’honneur contre ces humiliateurs qui nous gouvernent et tentent d’asphyxier la culture après avoir insulté les artistes – je n’imagine pas de plus tonique doigt d’honneur, dis-je, qu’un concert wow, varié, audacieux, sincère, improbable, pour bien marteler que – alors que Pharaon Ier de la Pensée complexe et ses sbires tentent, ces nabots, d’étouffer autant qu’ils le peuvent la beauté et la rencontre – nous sommes des êtres debout, capables, sensibles, intelligents. Aucune manipulation ne nous écrasera, bon sang.

Photo : Bertrand Ferrier

Le concert de ce samedi est historique. C’est l’une des rares manifestations parisiennes qui ne soit pas annulée. C’est une prestation proposée par un grand virtuose qui a bossé non seulement pour être au taquet techniquement, mais aussi pour être au taquet spécifiquement (chaque orgue étant particulier, seul le concertiste motivé arrive en avance pour répéter, tester, mettre ses Post-it verts ou roses, reprendre et retravailler in situ). C’est un récital où, pour la deuxième fois consécutive, un compositeur de renommée internationale est susceptible de venir écouter l’interprète jouer une de ses pièces monumentales. C’est un moment de partage aux heures où la politique tente de cliver les ploucs que nous sommes.
Ne les laissons pas faire. Venons applaudir Aurélien Fillion.

Parce que ça joue et que l’on va pas juste écouter de la musique bizarre : on va vibrer. Ensemble. Ça ne gâche rien.