Yves Henry décrypte les valses de Chopin – 9

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Yves Henry, le 10 mai 2023, à Paris. Photo : Bertrand Ferrier.

 

Depuis quelque cent cinquante ans, c’est l’un des répertoires les plus courus par les pianistes et leurs auditeurs. Les valses de Chopin s’offrent une nouvelle cure revitalisante sous les doigts et dans les mots d’Yves Henry à travers

  • une double intégrale du corpus, que l’on peut
    • acquérir par ex. ici voire
    • écouter gracieusement par ex. , et
  • un entretien-fleuve dont les premiers épisodes sont à retrouver
    • ici (les valses, un succès historique),
    • (les valses, un succès actuel),
    • re- (les valses un succès intégral),
    • re-re- (les valses, un succès vivant),
    • re-re-re- (les valses, un succès pour le piano ancien),
    • re-re-re-re- (les valses, un succès adapté aux deux pianos),
    • re-re-re-re-re- (les valses, un succès qui se nourrit de pédagogie) et
    • re-re-re-re-re-re- (les valses, un succès qui appelle d’autres découvertes).

 

Épisode 9
Donne-moi de mes nouvelles

 

Je ne doute pas que, après avoir lu cet entretien, des milliards de curieux vont se demander comment avoir de vos nouvelles musicales. Vous avez un site d’une grande sobriété
… parce qu’il a été remis en fonction il y a peu, mais nous échangeons en mai 2023 et, croyez-moi, il va s’étoffer.

Fort bien, parlez-nous de vos réseaux sociaux.
Je vois où vous voulez en venir. Je dois reconnaître que je ne suis pas tellement professionnel de ce média.

 

 

 

« Je m’occupe moins bien de moi que des autres »

 

Est-ce à dire que, pour vous et vos collaborateurs, ces vecteurs de communication sont superfétatoires voire inutiles ou, au contraire, en projet ? À quand, par ex., une FAQ d’Yves Henry, ou les 25 choses qu’il faut savoir sur lui sur YouTube, un live Twitch voire une brève TikTok ? Parce que votre succès ne se dément pas, votre aura grandit, et cependant certains grommellent en disant : « On voudrait bien vous suivre mais c’est super compliqué ! » Pour un pédagogue, n’est-ce pas l’affront suprême ?
Haha ! Détrompez-vous, j’ai tout à fait conscience que la communication entendue comme la mise à disposition incitative des informations est importante. Pour la génération d’aujourd’hui, ces choses-là sont évidentes, transparentes et accessibles. Quand on vient d’une autre génération, comme c’est mon cas, ça semble moins accessible même si, en définitive, ça l’est beaucoup plus qu’on ne le croit.

Donc vous avez décidé de vous y lancer.
En théorie, j’aimerais en faire une priorité. En pratique, c’est vrai que, entre le Conservatoire national, les concerts, la présidence du festival de Nohant, etc., les journées sont bien remplies. Par conséquent, je néglige toujours plus ce qui est censé me mettre en valeur que ce qui est censé mettre en valeur ce dont je m’occupe. Je me flatte de m’occuper moins bien de moi que du reste. Mais profitez-en : ça ne va pas durer !

Quels gages donnez-vous pour cette promesse ?
Bah, je serai probablement bientôt mis à la retraite par le Conservatoire. Mais, même avant cette échéance que je ne presse pas, j’ai conscience qu’il y a nécessité parce que ça intéresse les gens – et je dis « les gens » faute d’un meilleur terme, il n’y a évidemment rien de méprisant dans mon expression. Je veux m’adresser aux gens. Aux gens qui ont l’habitude d’aller au concert. Aux gens qui y vont parfois. Aux gens qui n’y vont jamais.

 

 

 

« En musique, la précipitation n’a aucun sens »

 

Vous faites partie des artistes pour qui prendre en compte le public, et non uniquement le projet ou le désir du musicien, ce n’est pas une concession honteuse ou une dégradation de l’idée musicale.
C’est même ce qui m’encourage à monter des projets. Je les façonne en espérant qu’ils seront à la fois stimulants intellectuellement et accessibles à tous dès lors que l’on donne des clefs d’écoute. Dans cette perspective, j’en ai conscience, je dois être cohérent jusqu’au bout en donnant la possibilité aux gens d’accéder à l’information.

Vous avez mentionné que votre site venait d’être remis en fonction. Pourquoi ?
En réalité, il existait sous une autre forme qui avait été délaissée depuis très longtemps. J’en ai récupéré personnellement l’organisation. Cela me permet aussi de voir où se porte l’intérêt des visiteurs. Par exemple, sur ce site, vous trouvez ma transcription de L’Apprenti sorcier qui est sur YouTube. Elle est assez spectaculaire car, de moi, on ne voit que les mains.

Je me permets une incise pour nos lecteurs : il faut la regarder pour comprendre ce qu’est un euphémisme comme « assez spectaculaire »…
Eh bien, beaucoup de jeunes téléchargent cette partition, qui est disponible gratuitement. Il arrive que quelques-uns me demandent des conseils, car je n’ai pas précisé les doigtés. Par conséquent, j’ai conscience qu’il est bon de permettre à la fois de susciter la curiosité et de communiquer facilement, mais ce n’est ni l’essentiel de mon travail, ni un travail que je peux mener seul.

 

 

 

« Communiquer, c’est encore faire de la musique »

 

Votre maison de disques n’a-t-elle pas un rôle à jouer dans ce travail de diffusion ?
Depuis des années, maintenant, je travaille avec Soupir. Joël Perrot, qui s’en occupe, est un type formidable, mais il est un peu comme moi : il met en premier la réalisation des choses. Après, tout ce qui va avec, ça passe un peu en dernier. Enfin, ça passait un peu en dernier ! Récemment, il a changé d’optique et consent davantage d’efforts sur la communication numérique.

Certains artistes sont des anti-activistes du numérique. Un jeune pianiste comme Orlando Bass, quand on lui reproche de n’avoir pas de site et d’ignorer les réseaux sociaux pour annoncer ses prochains concerts, il répond : « Ça s’mérite ! »
Pourquoi pas ? Contrairement à ce que laisserait penser la vulgate des réseaux sociaux, communiquer n’est pas une obligation : c’est un choix. Nous parlions plus tôt des pianistes qui disent quelques mots pour présenter leur récital. Je connais de très, très grands musiciens qui jurent leurs grands dieux qu’ils ne feront jamais ça parce qu’ils estiment qu’il revient aux gens de consentir un effort pour se hisser à la hauteur des œuvres. C’est une autre vision des choses, éminemment respectable.

Mais ce n’est pas la vôtre.
Moi, je pense qu’il faut faciliter la musique. Essayer d’instaurer une communication efficace avant, pendant et après le concert, ça en fait partie.

 

 

À suivre !